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ARCHIVES GÉNÉRALES
DU ROYAUME 1785

1785

 On conserve aux Archives générales du Royaume une requête de 1785, où plusieurs facteurs de clavecins bruxellois se plaignent à qui de droit de Tétat d'abandon auquel sont voués leurs produits, par suite de la concurrence pernicieuse que leur fait la lutherie anglaise, et ils demandent pour faire cesser cet état de choses, à ce qu'il plaise au gouvernement de frapper, d'une imposition exorbitante, les clavecins et les forté-pianos venant de l'étranger. La requête est ainsi conçue :

A MESSEIGNEURS LES TRÉSORIER GENERAL ET CONSEILLERS COMMIS DES DOMAINES ET FINANCES DE SA MAJESTÉ IMPERIALE ET ROYALE, Messeigneurs,
Mathias Bremers, J.J. Ermel père, Eugène Ermel fils, NN. et NN., respectivement habitans et facteurs de clavessins à Bruxelles, à Mons, à et à ... (Ces réticences sont pour le moins siogulières dans une requête ou tout doit être précis et régulier.), prennent très-humblement la liberté de vous représenter avec le plus profond respect qu'ils se sont appliqués avec la plus grande assiduité à porter leur art à un degré de perfection qui fait aujourd'huy convenir les amateurs connoisseurs que les clavessins, nommément ceux à marteaux vulgairement dits forté-pianx), qui sont travaillés par eux, égalent les meilleurs qu'on fait en Angleterre, preuve les déclarations cy-jointes qu'on pourrait au besoin centupler.

Cependant, tel est le préjugé et le goût pour ce qui se fabrique chez l'étranger, que les productions de leur art restent en stagnation et que bien loin d'en recueillir les fruits, à peine en trouvent-ils un débit qui fournit au jour la journée leur nécessaire. Une situation pareille, Messeigneurs, n'éguise point l'industrie, n'invite point les arts ni ne tente les artistes, mais rétrécit le génie et fait languir cette branche de commerce.

Vos soins, Messeigneurs, qui, dans tous les temps, s'étendent principalement à encourager les arts, ne se refuseront sans doute pas à venir au secours des remontrans, et où qu'ils sont plus qu'en état de fournir tout ce que le païs pourra demander de clavessins, ils osent vous supplier, Messeigneurs, d'établir un droit de dix louis par clavessin ou forté-piano venant de l'étranger, qui est le seul moyen d'empêcher qu'on en établisse ici des magazins, assurera un débit de ceux qui se fabriquent dans ce païs et ranimera cette branche de commerce; les remontrans l'espèrent avec d'autant plus de confiance, que cette imposition ne tombera nullement sur une denrée de nécessité, mais uniquement sur un objet de goût et de curiosité. C'est la grâce, etc.

Nous croyons ne devoir point omettre de reproduire également les certificats joints au factum de
Mathias Bremers et cie, bien que, par un effet étrange qui ne saurait être celui du hasard, ils se ressemblent presque tous. Il y a là des noms à recueillir, qui ont leur signification pour fobjet dont nous nous occupons.

Je sousigné déclare que le sieur
Ermel père et fils m'a livré un forté-piano organisé fait par lui égalé au moins en qualité aux meilleurs forté-piano que j'ai entendus venant d'Angleterre. En foi de quoi j"ai signé. Mons, le 10 octobre 1785. Martigny, comtesse de Ghoiseul Meuse.

Nous soussignées déclarons que le sr.
Mathias Bremers nous a livré un clavecin à jeux de buffle et un forté-piano dont nous sommes parfaitement contentes. Bruxelles, le 30 novembre 1785. De Chanclcs, comtesse de Gruquenbourg, Thérèse, comtesse de Ghan'clos.


Je soussigné déclare que le sieur
Ermel père et fils m'a livré plusieurs fortépiano simple et organissé fait par lui égal au moins en qualité aux meilleurs forte-piano que j'ai entendus venant d'Angleterre. En foi de quoi jai signé cette. A Bruxelles, le 30 septembre 1785. G. Staes.

Le soussigné député de la noblesse des États du pays et comté de Hainaut, déclare d'avoir acheté du sieur
Hermel [ERMEL], demeurant à Mons, un forté-piano organisé très-bien conditionné, tant pour le son mélodieux que pour l'aisance du jeu et la solidité de l'ouvrage. Fait à Mons, le 8 octobre 1785. Le comte Joseph de Saint-Genois.

Le dit achat fait depuis sept ans.

Je soussigné déclare que le sr.
Mathias Bremers m'a vendu et livré en 1780 un clavessin supérieurement travaillé et ayant un jeu en buffle formant le piano ; que la bonté de cet instrument égale au moins tous ceux que j'ay entendu venant d'Angleterre, et que nombre d'anglois amateurs ont avoué n'en point avoir entendu de meilleur à Londres, et que même milord Losson m'a dit que s'il devoit résider en cette ville, il ne ferait aucune difficulté de m'en offrir cent guinées. En foy de quoy j'ay signé le présent. - A Bruxelles le 3 octobre 1785. -  AUDEBERT.

Je soussigné déclare que le sr.
Mathias Bremer [BREMERS] m'a vendu et livré un clavessin supérieurement travaillé et ayant deux jeux en buffle formant le piano, que la bonté et le raisonnement sont supérieurement bons, pour lesquelles j'ai paie quarante cinq louis, et ils m'ont offert douze cents florins pour ce clavessin. - Fait à Brussel, le 21 novembre 1785. - J.-G. Vander Brugchen.

Je soussigné déclare que le sr.
Bremers m'a livré un clavessin dit forte piano fait par lui égal au moins en qualité aux meilleurs clavessins que j'ai entendus venant d'Angleterre. En foi de quoi j'ai signé cette. - A Bruxelles, 28 septembre 1785. B.-G. LIMPENS.

Je soussignée déclare que le sr.
Bremers m'a livré un clavesin fait par lui, dont je suis parfaitement satisfaite. Fait à Bruxelles, le 14 octobre 1785. - La comtesse de Duras née comtesse D'élissem.

Je soussigné et déclare que le sieur
Bremer [BREMERS] m'a livré plusieurs forté-piano et clavecin fait par lui égal au moins en qualité et beauté que les meilleurs forté-piano et clavecin venant d'Angleterre. En foi de quoi j'ai signé cette. - A Bruxelles, le 22 novembre 1785. - G. Staes, organiste de la cour.

Je certifie d'avoir accordé tous les clavecins et forté-piano qui ont été faits par
Mathias Bremers, et j'ose certifier n'en avoir jamais vu ni entendu de mellieurs et mieux faits que les siens, puisqu'ils surpassent en bonté et beauté tous ce que nous avons reçu d'Angleterre dans ce païs. - Fait à Bruxelles, le 22 octobre 1785. - Guill. Hinne, organiste de l'église ducale du Sablon, et accordeur de clavecins et forté-piano.  - (Pour ne rien omettre de ce qui concerne le clavecin et son emploi aux Pays-Bas, constatons que le prix exigé, au xviii siècle, pour accorder ledit instrument, était une demi-couronne. C'est du moins ce que noiw apprend un livret de dépenses d'un nommé Devaux, qui habitait, avec sa femme, le château de Monplaisir. On y lit, entre'autres, annotation suivante, faite, croyons-nous, par Mme Devaux : « Accordeur de clavesin, payé une couronne, pour deux fois ; le 9 novembre 1779. »)


Je soussignée déclare que le sieur
Bremers m'a livré un forté-piano fait par lui, dont je suis parfaitement satisfaite. Fait à Bruxelles, le 21 octobre 1785. J.-S. Desclé née Dansaert.

Je soussigné déclare que le sr.
Ermel père et fils m'ont vendu un forté-piano organisé fait par eux égal au moins aux meilleurs forte piano d'Angleterre. Fait à Mons, le 7 octobre 1785. R. D'ergy.

Nous soussignez déclarons que les forté-piano simples et organisés faits par le sieur Ermel père et fils égalent au moins en qualité aux meilleurs forté-piano que nous avons entendus venant d'Angleterre.

J.-B. Sauton, organiste de la paoisse de Ste Elisabeth et de mrs les magistrats de la ville de Mons; Antoine-Joseph Fétis, rganiste du très-illustre chapitre de Ste Waudru à Mons; Antoine-Joseph Sotteau, organiste de la collégiale et du chapitre de aint-Germain à Mons.

Quel accueil fit-on à la requête, en haut lieu ? L'analyse des rapports qu'elle provoqua, va nous l'apprendre.

Les droits prohibitifs sur les instruments de musique sont fixés à 10 p %, outre 1 p % lorsqu'ils entrent par mer ou par l'Escaut. « Il est reconnu que les suppliants font très-bien les clavecins, piano-forté organisés et autres, et ce seroit autant de gagné si l'on se pourvoyoit de ces articles dans le pays. » Le conseil estime qu'on pourrait imposer 15 p % de la valeur des produits, outre 1 p % de convoi. Telle est, en somme, la teneur du protocole rédigé par les conseillers d'État et de Finances Baudier et Delplancq, à la date du 51 décembre 1785.

Les talents des suppliants sont distingués et leurs instruments sont « excellents et recherchés. » Mais un droit de dix louis par clavecin serait un droit prohibitif, source de fraudes au préjudice des suppliants, car les caisses entreraient à basse valeur sous le titre d'ouvrages de bois; les tuyaux, les sauterelles, les cordes passeraient pour des quincailleries et des merceries. S'il y a lieu de favoriser les suppliants, il serait préférable que l'augmentation ne dépassât par 15 p % de la valeur. C'est l'avis de P. J. Mangez, substitut du directeur du bureau de la régie, avis émis le 19 décembre de l'année susdite.

Reste celui des sieurs Gruyer et Simon « officiers principaux de la ville de Bruxelles. » Le voici: « Quoique les instruments de musique soient en quelque sorte un objet de luxe, mais devenu nécessaire par le goût de la musique généralement répandu, il n'est pas vrai qu'on puisse impunément prohiber ou imposer à des droits prohibitifs l'entrée des instruments étrangers, puisque c'est ce malheureux système qui est la source de la fraude et la mère du monopole, et qu'à l'égard des instruments, comme à regard de tout autre espèce de marchandises, un droit supportable et acquitté est un avantage réel pour les marchandises analogues fabriquées dans le pays qui ont en avance l'impôt de ces droits ...» Conclusion : si au taux des droits actuels les facteurs d'instruments de ces pays ne peuvent se soutenir, ils ne méritent aucune attention. Le document porte la date du 15 décembre 1785.

En dépit de ces opinions, il fut résolu de prendre en considération la demande des requérants, et, le 9 janvier 1786, parut un octroi qui décréta « pour droits d'entrée, outre les droits de convoi et de tonlieu, dans le cas où ces derniers droits opèrent, cent trente florins par pièce sur toutes sortes de clavecins ou forté-pianos qu'on fera venir de l'étranger, soit que l'importation s'en fasse par eau ou par terre. »

Nos facteurs de clavecins s'en portèrent-ils mieux? La solution du problème qui, du reste, n'est pas des plus aisées, dépasse les limites chronologiques assignées à ce travail. Nous espérons bien voir surgir la lumière, grâce à l'un ou l'autre de nos musicologues qui prendra pour objet de ses investigations le présent siècle."
La musique aux Pays-Bas avant le 19e siècle. Documents inédits et annotés. Compositeurs, virtuoses, théoriciens, luthiers; opéras, motets, airs nationaux, académies, mâitrises, livres, portraits, etc.; avec planches de musique et table alphabétique, 1867, p. 121-127

Pour les références voyez la page
ERMEL - Pianos belges de 1710 à 1849

BREMERS - Pianos belges B

of in het Nederlands
ERMEL - Belgische piano's van 1710 tot 1849

BREMERS - de Belgische piano B


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