Georges Louis WARNECKE
(1784 – 1848)
Facteur-Fabricant de pianos à Nancy
par
Jean-Marc STUSSI
ORIGINE.
DESCENDANCE.
Le développement de la
facture de piano-forte puis de pianos à Nancy dans la première moitié du 19°
siècle passe, outre Joseph STEZLE, par Georges Louis WARNECKE et MANGEOT.
WARNECKE, artisan-ébéniste, est arrivé à Nancy en janvier 1808 venant de
Lüneburg (royaume de Hanovre) où il est né le 14/06/1784, fils de Jean Georges WARNECKE et Marguerite Oppermann
(¹).
On ignore tout de sa
formation et surtout de sa motivation à venir s’établir à Nancy quelques
années après la fin de la tourmente révolutionnaire. Le 22/05/1809, il
épouse, à Nancy, Marguerite Moris, née le 19/02/1788 à Luxembourg, fille de
Joseph Moris, brasseur en cette ville, et de Catherine Spranck. Les témoins
à ce mariage ont été Joseph STEZLE, facteur d’instruments, âgé de 41 ans, et
Jean HENRION, facteur de « forté-pianos » (probablement chez STEZLE), âgé de
26 ans, ainsi qu’un horloger, Jean Philippe Etienne, 53 ans (il y a
plusieurs horlogers dans les relations des WARNECKE et des STEZLE).
La présence de ces deux
facteurs au mariage est très symptomatique de la présence de Georges Louis
WARNECKE dans l’atelier de J. STEZLE. En 1812, le couple résidera au 45 puis
au 26 rue des Champs à proximité du lieu de résidence de J. STEZLE, autre
argument supposant un travail chez ce dernier. Cette union, sans
descendance, sera cependant de courte durée, car Marguerite Moris décèdera
le 16.3.1814 à Nancy.
Georges Louis WARNECKE se remariera l’année d’après le 12/04/1815 à Nancy
avec Barbe Florentin, née le 19/02/1788 à Rosières-aux-Salines, fille de
Pierre Florentin, cultivateur, et Anne Rozier, tous deux de cette localité.
Ce couple se trouvera au 21 rue de l’Esplanade (rue Stanislas depuis 1839 ;
immeuble de l’actuel Hôtel des Portes d’Or) de 1818 à 1841. Il résidera
ensuite au 49 Place Carrière jusqu’au décès de Georges WARNECKE le 09/03/1848
(¹). Son épouse, Barbe Florentin, décèdera à Alger le 6.1.1854, très
probablement au cours d’un voyage auprès de son fils François Alexandre, à
l’époque artiste - musicien à l’Opéra d’Alger. Le couple a eu plusieurs
enfants, tous nés à Nancy (¹) et restés dans le domaine musical :
Nicolas Jules, né le
14/03/1816. Il deviendra pianiste, professeur de piano
et chef de la musique à Lunéville.
François Eugène
est né le 16/03/1818. Un des déclarants de sa naissance était
François Abarca, organiste à la cathédrale de Nancy. François Eugène
deviendra également Professeur de piano. Il décèdera à Rio de Janeiro le
4.6.1872, sans que l’on sache s’il y résidait pour exercer sa profession, ou
y était de passage pour des concerts ou des affaires liées à la maison
STAUB-WARNECKE qui exportait vers ce pays.
François Alexandre.
Né le 19/01/1820, il deviendra facteur de pianos puis
altiste-artiste musicien. Il est décédé le 26 décembre 1889 à Paris 16°.
Hortense Anne Eugénie,
née le 20/07/1824 ; en 1845, elle deviendra l’épouse
de Jean Joseph STAUB, facteur de pianos chez G. WARNECKE.
Anne, née le 08/02/1827, décédée le
03/06/1835 à l’âge de 8 ans ;
François Gabriel, né
le 25/06/1830. Il deviendra également facteur de pianos
exerçant, au début de sa carrière, dans la manufacture STAUB-WARNECKE. Après
1860, il s’installe à Bayonne.
LES LIENS FAMILIAUX entre les familles
WARNECKE et STAUB sont les suivants
(sources : 1, 2; Geneanet/Mme Pety/):
WARNECKE Jean Georges, o ca.
1754 à Lüneburg, †1809, x à Lüneburg (Royaume de
Hanovre) OPPERMANN Marguerite † ca. 1809.
. | WARNECKE Georges Louis o le 14/06/1784 à Lüneburg (Hanovre), † le
09/03/1848 à Nancy, Ebéniste / Facteur de pianos / Facteur d'instruments /
Luthier, x(¹) le 22/05/1809 à Nancy MORIS Marguerite o le 07/06/1787, † le
16/03/1814 à Nancy.
. | WARNECKE Georges Louis o le 14/06/1784 à Lüneburg (Hanovre) † le 09/03/1848
à Nancy, Ebéniste / Facteur de pianos / Facteur d'instruments / Luthier,
x(²) le 12/04/1815 à Nancy FLORENTIN Barbe o le 19/02/1788, † le 10/01/1854 à
Alger.
. | . | WARNECKE Nicolas Jules o le 14/03/1816 à Nancy, Professeur de Piano,
† 26/10/1880 à Lunéville, x le 23/09/1847 à Nancy DE TOUSSAINCT Marie
Alexandrine o le 06/09/1822, † le 16/02/1902 à Nancy.
. | . | . | WARNECKE Jean Gabriel Marcel o le 26/8/1853 à Lunéville,
médecin-major ; a aussi exercé à Limodes et Bayonne.
. | . | WARNECKE François Eugène o le 16/03/1818 à Nancy, † le 04/06/1872 à
Rio de Janeiro, Professeur de Piano ;
. | . | WARNECKE François Alexandre o le 19/01/1820 à Nancy, † 26/12/1889 à
Paris 16°, Facteur de pianos, Artiste Musicien, x le 20/07/1842 à Besançon
GIGOUX Philippine Elisabeth Marthe o le 10/07/1823 à Besançon, † le
26/02/1889 à Paris 17° ;
. | . | . | WARNECKE Georges Louis o le 04/06/1843 à Besançon, Artiste
musicien, Violoniste, professeur, 60 rue des Dames, x(¹) le 08/08/1868 à Paris
17°, GONINFAURE Marie Amable Marthe o le 03/09/1846. Couple séparé en 1879.
. | . | . | . | WARNECKE Victor Louis o le 09/04/1869 à Paris 17°, Artiste
musicien, † 1895 à l’âge de 26 ans, x le 16/4/1895 à Saint-Georges d’Oléron
MONTEAU Jeanne Amélie o le 10 mars 1876 à Saint-Georges-d’Oléron, † 1956.
. | . | . | WARNECKE Georges Louis o le 04/06/1843 à Besançon, Artiste
musicien x(²) le 02/10/1886 à Paris 18° STEGEN Emilie Jeanne o le 09/04/1846, †
à Paris, Rentière.
. | . | . | WARNECKE Georges Louis o le 04/06/1843 à Besançon, Artiste
musicien x(³) le 18/07/1894 à Paris 1° LEBLANC Juliette Marie o le
10/01/1863, Institutrice.
. | . | . | WARNECKE Marie Clotilde Barbe o le 13/06/1845 à Nancy, Artiste
peintre x le 27/01/1870 à Paris 17° CORNELY Jean Joseph o le 15/01/1845,
Journaliste.
. | . | . | WARNECKE Gabrielle Adélaïde à Paris, o 24/12/1854 à Alger, †
10/10/1882 à Bayonne, x le 14/11/1872 à Bayonne BOURRUS Ferdinand,
Tapissier-Décorateur, Marchand tapissier, o le 20/01/1842, † >1891.
. | . | WARNECKE Hortense Anne o le 20/07/1824 à Nancy, † le 23/12/1859 à
Nancy, x le 10/03/1845 à Nancy STAUB Jean Joseph o le 09/04/1813 à Menzingen
(Zug, CH), † le 01/04/1891 à Nancy, Ebéniste, Facteur et fabricant de pianos.
. | . | . | STAUB Marie Elisabeth o le 21/10/1846 à Nancy, x le 27/01/1866 à
Nancy ROHDE Joannes Henry o le 17/03/1836, Facteur de pianos / Editeur de
musique / Fabricant de pianos.
. | . | . | STAUB Paul Gaspard o le 28/10/1848 à Nancy, † <1907 hors Nancy,
Facteur-Fabricant de pianos, x le 20/1/1877 à Nancy BLAISE Marie Marguerite
o le 05/10/1858 à Nancy, † <1907 hors Nancy.
. | . | . | . | STAUB René Paul Edouard o le 13/06/1878 à Nancy, † le
22/07/1907 à Nancy, Parqueteur.
. | . | . | . | STAUB Marcel Joseph o le 23/04/1881 à Nancy, x le 08/09/1911
à Nancy TASSIN Berthe Augusta.
. | . | . | . | STAUB Henri Jean o le 05/03/1889 à Nancy, † le 15/12/1956 à
Vandières, Hôtelier, Cafetier, x(¹) le 16/01/1913 à Vandières (54) Amélie
THIEBAUT, o à Vandières, † le 28/05/1916 àVandières,
. | . | . | . | . | STAUB René, o 1913 à Vandières
. | . | . | . | STAUB Henri Jean o le 05/03/1889 à Nancy, † le 15/12/1956 à
Vandières, Hôtelier, Cafetier, x(²) le 07/10/1919 à Paris 11°, Clémence
Marthe Marie MESME o22/09/1896 à La Flèche, union dissoute en date du
01/03/1933 tribunal civil de Nancy,
. | . | . | . | . | STAUB Jean, o 1921 à Vandières,
. | . | . | . | STAUB Henri Jean o le 05/03/1889 à Nancy, † le 15/12/1956 à
Vandières, Hôtelier, Cafetier, x(³) le 28/08/1933 à Vandières Marie Eugénie
VELFRINGER o 1890 à Vandière.s
. | . | . | STAUB Marceline Anna Maria o le 11/12/1855 à Nancy, † le
03/04/1909 à Nancy, x le 07/07/1877 à Nancy GUERRE Hippolite François o le
6/4/1849, † 29/08/1912 à Dommartemont, Représentant / Comptable de commerce
/ Fondé de pouvoir Fleury- Cie (transports).
. | . | . | . | GUERRE Eugénie Joséphine Christine o le 27/04/1878 à Nancy, †
le 23/07/1963 à Nancy x le 01/07/1901 à Nancy LAMBINET Lionel Paulin o le
02/04/1874, † 1947 à Nancy, Coupeur-Tailleur
. | . | . | . | . | LAMBINET André o en 1903 à Nancy, facteur de pianos
(1926), co-associé manufacture STAUB.
. | . | . | . | . | LAMBINET Anne Marie o en 1906 à Nancy, † en 1967 à
Nancy, employée chez Vaxelaire (1936)
. | . | . | . | . | LAMBINET Elisabeth o en 1910 à Nancy
. | . | . | . | GUERRE Henriette Octavie Aimée o le 09/09/1879 à Nancy, † le
30/11/1957 à Nancy, x le 18/06/1909 à Nancy GENY Lucien Louis, entreprenuer
de peinture, † en 1943 à Nancy.
. | . | . | . | GUERRE Suzanne Marcelle Emilie o le 26/02/1891 à Nancy, † le
21/02/1969 à Nancy, x le 06/10/1913 à Nancy PELLE René Louis Marie,
médecin-major.
. | . | . | . | GUERRE Henri Emile, o le 22/07/1894 à Nancy, † ?, apprenti
électricien, mécanicien (1914), Facteur de pianos, co-associé manufacture
STAUB, Représentant de commerce (1940), x ? Henriette N. o1900.
. | . | . | . | . | GUERRE Monique o1922 à Jarville.
. | . | . | . | . | GUERRE Christianne o1924 à Jarville
. | . | . | STAUB Pauline Octavie o le 28/06/1857 à Nancy, † le 08/02/1940, x
le 07/04/1883 à Nancy BERNET Jacques Emile o le 24/09/1858, † le 15/03/1931 à
Jarville, Employé de commerce / Fabricant de pianos, Maire de Jarville (1
mandat).
. | . | . | . | BERNET Marthe Marie o le 24/03/1884 à Nancy.
. | . | . | STAUB Gabriel Henry o le 06/01/1859 à Nancy, † le 20/02/1911 à
Nancy, Facteur et Fabricant de pianos, x le 10/10/1900 à Nancy ARMBRUSTER
Marie Alexandrine, o le 15/05/1861, † le 8/01/1906 à Nancy.
. | . | . | STAUB N. o le 20/12/1859 à Nancy, † le 20/12/1859 à Nancy.
. | . | WARNECKE Anne o le 08/02/1827 à Nancy, † le 03/06/1835 à Nancy.
. | . | WARNECKE François Gabriel o le 25/06/1830 à Nancy, † > 1872 Pyrénées
atlantiques, Facteur de pianos-forté et pianos, x(¹) le 15/2/1860 à Nancy
BATLOT Marie Camille, o le 10/04/1833, † le 22/10/1870 à Bayonne.
. | . | . | WARNECKE N., m.n. le 11/10/1865 à Bayonne
. | . | . | WARNECKE Marie Eugénie, o le 11/10/1865 à Bayonne.
. | . | WARNECKE François Gabriel o le 25/06/1830 à Nancy, † >1891 (Bayonne
?), Facteur de pianos-forté et pianos, x(²) 21/06/1875 à Saint-Jean-de-Luz
(Pyr. Atlant.) CONTENT Marie-Louise, 05/10/1843 à Bassussary (Pyr. Atlant.).
.. | . | . | WARNECKE Marie Bernardine Elisabeth, o le 30/09/1876 à Bayonne,
† le 01/02/1963 à Saint-Jean-de-Luz..
SA CARRIÈRE DE
FACTEUR DE PIANOS
Qualifié d’ébéniste jusqu’en
1816, mais aussi de « facteur d’orgues » en 1812 quand il était chez STEZLE,
G.L. WARNECKE se déclarera « facteur de pianos-forte » à partir de 1818 (il
est donc aussi polyvalent que J. STEZLE comme c’était le cas pour la plupart
des facteurs d’instruments de l’époque) (¹). On peut donc situer la création
de l’atelier WARNECKE à l’année 1818. Celle-ci coïncide avec l’arrivée chez
J. STEZLE de Joseph Steger qui l’a sans doute remplacé. En tant qu’artisan
indépendant, il n’a plus travaillé en facture d’orgues. Dans les premières
années, il se consacre surtout à la lutherie. On présume que son activité de
facteur de pianos s’est surtout développée à partir de 1828.
Comme luthier, sa qualité de fabricant est certifiée dès 1820. Il s’est fait
connaître par la fabrication d’instruments à cordes, dont des guitares, dont
l’une est conservée au musée de la lutherie de Mirecourt et porte sur le
fond une étiquette imprimée “WARNECKE / Facteur de Pianos Forte/ Breveté par
le Roi / Rue de l’Esplanade N°21 / à Nancy / tient toutes sortes
d’Instrumens de Musique” (³). En 1826, il prit également un brevet pour sa
guitare-basson et reçut en 1827, une mention honorable à l’exposition
nationale de Paris pour ses violons, violoncelle et alto (4, 5, 6) et en
1833 une médaille de bronze à l’exposition nationale de Nancy pour une basse
et des violons. A l’exposition nationale de Paris en 1834, il n’obtiendra
aucune récompense, ce qui l’a sans doute amené à ne plus se représenter aux
expositions pour sa lutherie.
« Brevet d’Invention du 11.4.1826 à Nancy (Bulletin des Lois, « 33. Le Sieur
WARNECKE (Louis George), demeurant à Nancy, département de la Meurthe,
auquel il a été délivré, le 24 février dernier, le certificat de sa demande
de brevet d’invention de cinq ans, pour un instrument de musique qu’il
appelle guitare-basson » (⁴).
Les origines de mandolines et guitares en « pointed cutaway » ou à « pan
coupé pointu » remonteraient au facteur français Georges WARNECKE dont un de
ses instruments se trouve dans la « Steve Howe Guitare Collection » (⁶).
L’attribution de la paternité de la guitare-basse à WARNECKE a fait l’objet
de discussions par des spécialistes espagnols (⁷) :
The origin of these two popular forms of cutaway guitars (venetian,
florentian) (⁸), or at least their names, can be traced back to the Gibson
guitar company. Because Orville Gibson appears to have been strongly
influenced by 19th century Italian design, it is speculated that "Venetian"
and "Florentine" are actually tribute terms and were intended to bring
additional style and history to the features themselves.
Of course, Gibson wasn't the first guitar company to produce cutaway style
guitars. Pointed cutaways, or Florentines, can be traced to French guitarist
Georges WARNECKE - a 19th century guitar maker. However, because Gibson has
been such a dominant force in the guitar world, they are credited with
popularizing the styles and creating the terminology which is now used as an
industry standard.
En facture de piano, son fils François Alexandre devient, environ 20 ans
plus tard (1846-1847), son « associé » sous la raison sociale « WARNECKE et
Fils » (incluant peut-être déjà le second fils François Gabriel qui n’a
alors que 17 ans), raison sociale apposée dans ses instruments ou documents
attestant leur activité (¹). Parmi ses collaborateurs, on trouve un certain
Jean Christian Kunth, 43 ans, ébéniste, témoin à la déclaration de naissance
de François Gabriel en 1830 (¹). Claude Foltz, facteur et fabricant de
pianos à Nancy entre 1848 et 1877 aurait-il aussi été un employé de
WARNECKE, car il semble s’être mis à son compte autour de 1848-1850 ?
On connaît peu de choses de l’activité et de la production effective de
pianos de G.L. WARNECKE puis « WARNECKE et Fils ». En 1841, un piano était
mis en vente concerne dont la nature carrée ou droite, n’est cependant pas
spécifiée. Comme l’attestent les données de L. Verbeeck (⁹), G.L. WARNECKE
fabriquait des piano-forte et des pianos droits dont seulement quatre ont
été détectés à ce jour.
L’un d’eux, droit, ne
fournissait que peu d’éléments descriptifs pertinents. Un autre était en
forme de « niche de chien » ou « piano-pont », supposant, au moins pour la
caisse (ou meuble) qu’il n’est pas forcément de WARNECKE mais d’un autre
fabricant parmi lesquels on peut citer ROLLER et BLANCHET ou SOUFLETO et
quelques autres dont s’était la spécialité. Le placage en « fourche d’acajou
», assez peu utilisé, de ce piano est similaire à celui d’un instrument de
Souffleto de la même époque, les instruments se distinguant par d’autres
éléments dans la finition de la caisse.
Cette provenance initiale
explique sans doute aussi l’absence de n° de série. Doté d’une plaque «
WARNECKE rue Stanislas Nancy », il devrait remonter à avant 1841, année au
cours de laquelle WARNECKE s’installe Place Carrière. Enfin, un autre piano
au numéro de série supérieur à 2500, portant l’adresse « WARNECKE Père et
Fils » et « Maison à Paris et Besançon », a été vendu par le magasin H. Laug
d’Epinal autour de 1845. Il est similaire, à la finition du décor près, à
celui du cliché du site de Lieve Verbeek « Les pianos français » (⁹).
Considérant le n° de cet
instrument, trop élevé pour une production de plus de 2500 instruments par
l’atelier WARNECKE en environ 20 ans, deux hypothèses peuvent être avancées
: ou bien WARNECKE se procurait des pianos finis chez un fabricant parisien
en y apposant son nom (peut-être en intervenant pour des finitions), ou
bien, plus probablement et compte tenu de l’inventaire du commissaire
priseur de 1848 (¹⁰), il se procurait tous les éléments chez divers
fournisseurs : caisses (en particulier celles des pianos-ponts ou en niche
de chien spécifiques de quelques fabricants parisiens), claviers,
mécanismes, etc… qu’il assemblait dans son atelier. La décoration moins
élaborée (absence de guillochage, pédales moins décorées…) suppose une offre
d’instruments à prix plus économique.
G. WARNECKE obtiendra une médaille d’or à l’exposition de Nancy en 1838 pour
sa lutherie et une médaille d’argent à l’exposition de Besançon en 1842,
peut-être pour ses pianos, car à cette date il dispose d’un dépôt de pianos
à Besançon. Ce dépôt est à rapprocher de la présence, pendant quelques
années, de son fils François Alexandre en cette ville où en 1842, lors de
son mariage, il se qualifie de facteur de pianos (¹¹). On ne sait cependant
s’il était indépendant ou travaillait chez un autre facteur ou pour un
magasin de musique. Résidant au 74 rue Grande, son domicile se situait
au-dessus d’un magasin qui, en toute hypothèse, aurait être un magasin de
musique. Il y était sans doute aussi pour sa formation musicale de
violoniste et d’altiste, car il rejoindra plus tard Paris pour une carrière
musicale dans des orchestres.
D’après ses annonces publicitaires de 1847, la Maison J. Benacci-Peschier de
Lyon propose à la vente six pianos droits WARNECKE et Fils, dont trois « à 4
cordes verticales, avec les cordes basses obliques, 6 ½ octaves, au sol, à
palissandre, à perles », et trois « à trois cordes verticales, avec les
cordes basses obliques, 6 ½ octaves, au sol, à palissandre, à perles ».
Cette maison devait être très
importante car elle avait commandé 16 pianos à Erard en autonme 1843 et
janvier 1844. Est-ce depuis Lyon que des pianos WARNECKE se sont retrouvés
en Italie (vente sur le site Ricardo 2013) ? Ces publicités montrent que
WARNECKE ne livrait pas seulement sur Nancy et en Lorraine, mais aussi
au-delà, se révélant de ce fait commercialement plus actif que Stezlé,
situation sans doute aussi créée par l’accroissement des échanges entre
régions à cette époque. Le fait de figurer à côté d’instruments de Pleyel,
Erard, Boisselot, Porcher, Rousselot, Herz, Petzold, Pape et Rosselen,
suggère que les instruments de WARNECKE devaient avoir une certaine
renommée, même si on peut supposer qu’ils pouvaient figurer parmi les
premiers prix.
Selon l’inventaire destiné à l’adjudication de l’affaire après son décès
(¹⁰), l’atelier de WARNECKE comprenait 14 établis, ce qui suppose qu’il
comptait plusieurs d’employés : lui-même, au moins deux de ses fils, Jean
Joseph STAUB à partir de 1842 et sans doute quelques autres, dont peut-être
Foltz qui se mettra à son compte en 1848. On peut présumer qu’il a fabriqué
ou vendu ( ?) environ 400 à 500 instruments entre 1828 (entre 1817 et 1830,
il s’est surtout consacré à la lutherie) et 1848, soit environ 20 par an en
moyenne, ce qui est vraisemblable pour un atelier artisanal. L’annuaire
Didot-Bottin des années 1840-1848 (Gallica.bnf.fr) le signale comme facteur
de pianos, mais également comme marchand d’instruments et de musique.
On ne connaît toutefois pas
l’adresse précise de son magasin ; il pourrait s’agir du 21 rue Stanislas,
comme l’indique une plaque d’adresse et où il résidait également. Il a dû
établir son atelier au 11 Grand’Rue au plus tard en 1841, année où il
résidait au 49 place de la Carrière.
G.L. WARNECKE est décédé le 9 mars 1848. Seules les annonces légales
concernant la liquidation de sa succession fournissent quelques informations
sur son atelier. Une première signale, dès le 9 avril, la vente de pianos
droits et à queue neufs. Sa production parait avoir été primée par une
médaille d’or, mais on ne sait à quelle occasion (Besançon ?) et s’il s’agit
pour des pianos ou des instruments à cordes.
Une autre annonce, plus explicite du 6 juillet suivant (¹⁰), fait part de la
vente les 11 et 12 juillet de biens personnels au 49 Place Carrière
(domicile ; dont des armures et autres objets d’art personnels), de dix
pianos droits et à queue neufs (sans doute les mêmes que dans l’annonce
précédente) et des éléments de son atelier situé au 11 Grand’Rue (seule
mention connue de son atelier en dehors de ses domiciles). L’énumération des
articles mis en vente montre que l’atelier de WARNECKE était assez
important. Il semble, au vu du nombre d’établis (mais est-ce une bonne
référence?), que l’on puisse considérer que l’atelier de WARNECKE était un
peu plus important que celui de STEZLE de son vivant.
Le descriptif de cette seconde annonce de 1848 indique que WARNECKE ne
produisait, à cette date, que des pianos. Il n’est, en effet, fait aucune
allusion à des articles concernant la lutherie. En aurait-t-il arrêté la
fabrication, peut-être en raison de la concurrence du luthier Jacquot bien
établi à Nancy depuis 25 ans? Il n’est pas non plus fait état d’un magasin
de musique que lui attribue l’Agenda musical de 1835 (Gallica.bnf.fr).
Enfin, sans doute a-t-il dû être concurrencé par l’atelier de MANGEOT créé
en 1832 et qui semble avoir pris rapidement de l’ampleur, ayant fabriqué une
centaine d’instruments en quelques années, assortie de récompenses à des
expositions locales et régionales. L’arrivée de Jean Joseph STAUB en 1842
sera une bonne opportunité pour l’affaire WARNECKE.
Il semble logique de présumer que l’ensemble des éléments de l’atelier et
les pianos mis en vente ont dû être rachetés par les fils WARNECKE et Joseph
STAUB pour qui ils représentaient un potentiel artisanal indispensable à la
reprise, dès 1848, de la manufacture sous la raison sociale « STAUB-WARNECKE
». Dans la mesure où STAUB figure en premier dans celle-ci, il est probable
qu’il a dû tenir un rôle majeur dans la création de la nouvelle manufacture,
préfigurant l’homme d’affaires qui l’amènera à lui donner l’importance et la
renommée qu’elle a eues sous la rison sociale « J. STAUB » jusqu’en 1936.
Ces données montrent
clairement que G.L. WARNECKE avait l’esprit inventif et maîtrisait la
fabrication de divers types d’instruments, pianos et instruments à cordes.
Pourtant, très curieusement, il est omis dans les travaux d’Albert Jacquot
(¹²) et de Vidal (¹³). Enfin, G.L. WARNECKE ne semble jamais avoir opéré
indépendemment comme facteur d’orgues. Sa qualification de “facteur
d’orgues” a dû se limiter à sa participation comme employé dans les
interventions avec STEZLE. De manière générale, les années 1800-1830 étaient
assez peu propices à la facture d’orgues, restreinte surtout à l’entretien
des instruments qui avaient subsisté de la période révolutionnaire ou à la
pose d’instruments d’occasion. Vautrin et Chevreux semblent avoir tenu le
marché des orgues à cette période, STEZLE s’étant orienté essentiellement
vers la facture de pianos (fabrication propre et revente d’instruments
acquis prélablement ailleurs), plus rentable.
En facture de pianos, une enigme subsiste quant à François Gabriel WARNECKE
qui s’était installé comme facteur de pianos à Bayonne, mais dont il n’a pas
été possible, à ce jour, de préciser l’activité. Les raisons qui l’ont
poussé à quitter la manufcature de Nancy pour s’établir à Bayonne ne sont
pas connues. A défaut d’informations complémentairers sur son activité, on
présume qu’il s’était consacré, en cette ville, à l’entretien, la réparation
et l’accord des pianos.
RÉFÉRENCES
(¹) - Archives Municipales Nancy, Etat Civil NMD – Archives Municipales
Nancy, Répertoire de la Population (1800-1929). Archives départementales de
Meurthe-et-Moselle : Etat civil (BMS, NMD) en ligne : Nancy.
(²) -
Etat civil de Paris – Archives numérisées en ligne
(³) - Terrier R., 2010, in http://www.musee-lutherie-mirecourt.fr/index.
(⁴) -
Généalogie.com/WARNECKE, extrait du Bulletin des Lois,
1826.
(⁵) - Constant Pierre 1893, in : http://www.luthiers-mirecourt.com/
pierre_constant1893.htm
(⁶) - www.mandolincafe.com
(⁷) -
http://guitarra.artelinkado.com/foros/showthread.php?11208-INS-%BFGuitarra-baja-%BFBajo-espa%F1ol
(⁸) - http://swedy13.hubpages.com/hub/What-is-a-Cutaway-Guitar
(⁹) - Verbeeck L., Le piano français. http://www.lieveverbeeck.eu
(¹⁰) - Bibliothèque municipale Médiathèque Nancy, Journal de la Meurthe 9. et
11.4.1848. Journal de la Meurthe 6 juillet 1848 (BMNy).
(¹¹) - Archives départementales Doubs, Etat civil numérisé.
(¹²) - Jacquot A., 1912. La lutherie lorraine et française, Paris,
Fischbacher.
(¹³) - Vidal A., 1889, La lutherie et les luthiers, 1889, Quantin Ed., Paris.
COMPLÉMENT
D'INFORMATION SUR SA PRODUCTION
On ne dispose que de très peu d’éléments susceptibles de cerner la
production de pianos de Georges Louis WARNECKE, car les données sur les
instruments subsistant sont rares.
Des quatre instruments qui lui sont
attribués sur la foi de ses plaques d’adresse, on pouvait déduire, en raison
des similitudes avec les meubles d’autres fabricants parisiens de l’époque,
qu’il s’en procurait chez eux, i.e. meuble en niche de chien à placage
original en fourche d’acajou plutôt spécifique de SOUFLETO, ROLLER &
BLANCHET et quelques autres, pianos qu’en toute hypothèse, il revendait sous
son nom, peut-être après y avoir apporté une finition personnelle.
Une relecture plus attentive de l’inventaire successoral dressé en 1848
après son décès, tend à montrer qu’il construisait lui-même des instruments.
Pour ce, il disposait de tout l’outillage nécessaire, dont, entre autres, un
tour à filer les cordes. Comme bien d’autres facteurs-fabricants, il devait
se procurer les éléments nécessaires auprès de spécialistes (cordes,
chevilles, claviers, mécanismes, bois de placage, essences de bois divers…).
Peut-être occasionnellement
se procurait-il des caisses prêtes à être équipées. Si le n° de série apposé
sur le sommier des chevilles d’un des instruments détectés est supérieur à
2500, il semble cependant difficile de considérer qu’en environ 20 ans
d’activité il ait pu sortir autant d’instruments de son atelier artisanal,
de sorte que ce sommier est sans doute un élément acquis ailleurs.
Dans les autres instruments
détectés, on ne trouve malheureusement pas de n° de série susceptible de
préciser l’importance de la production de WARNECKE, ce qui n’est pas sans
conséquences (en fin de compte mineures) pour le début de la numérotation
des premiers pianos sortis de l’atelier puis manufacture STAUB-WARNECKE
(1848-1936).
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