Jean Joseph STAUB
(1813 - 1891) Fabricant de
pianos à Nancy
par Jean-Marc STUSSI
(Notice proposée
d’après les sources citées en référence)
La ville de Nancy a été dès le début du 19° siècle une
plateforme provinciale assez importante en facture de pianos,
car on y trouve plusieurs facteurs-fabricants de clavecins et
forte-pianos, souvent reconvertis de la facture d’orgues en
facteurs d’instruments pendant la Révolution. Jusque vers 1850,
leur production est cependant restée artisanale. Parmi les
quelques facteurs d’instruments établis (Vautrin, Chevreux et
sans doute quelques autres), Joseph STEZLE (1767--1836) a tout
lieu d’en avoir été le précurseur, suivi de G.L. WARNECKE
(1784-1848), puis de P.H. MANGEOT (1808-1862) dont la manufacture
s’est implantée à Paris en 1878.
La plus importante manufacture de pianos nancéienne a cependant
été celle de Jean Joseph STAUB. Celui-ci est arrivé à Nancy en
1842. Il sera le bras droit de G.L. WARNECKE jusqu’en 1848 (1,
2). Jean Joseph STAUB vient de Menzingen, petit village à 9 km
de Zug en Suisse, où il est né le 9.4.1813, fils de Joseph
Silvan STAUB, tonnelier, et Marie Catherine Nussbaumer (¹). On
peut présumer qu’il a eu une formation en ébénisterie et facture
d’instruments à Zug ou à Zurich. Dès son arrivée, il paraît
logique d’admettre qu’il travaillait chez WARNECKE, car peu
après, le 10.3.1845, il épouse sa fille Hortense dont il aura
cinq enfants vivants (2, 3, 4) :
Marie Elisabeth Georgette, née le 21.10.1846. Elle a épousé à
Nancy le 27.1.1866 Johannès Henri Rohde, né le 17 mars 1836 à
Paris 22 rue Bellefond, facteur-fabricant de pianos puis Editeur
de musique à Paris au 9 rue Caumartin, fils de Jean Rohde,
également facteur de pianos à Paris et de Madeleine Louise
Pauline Pfablet. Parmi les témoins à ce mariage on note la
présence de Louis GERLACH, négociant et futur co-actionnaire (52
ans). Le couple aura six enfants : Paul Henri (o21.1.1867),
Marie Madeleine (o16.2.1869), Georges Henri (o22.9.1870), Jeanne
(o19.5.1872 - +24.11.1954 Paris 18°), Henriette Suzanne
(o6.12.1873), Louis Gaston (o19.8.1876) (3, 5).
Paul Gaspard, né le 28.10.1848, deviendra facteur et fabricant
de pianos. Il épousera, le 20.1.1877 à Nancy, Marie Marguerite
Aimée Blaise, née le 5.10.1858 à Nancy au 16 rue Saint-Thiébaut,
fille de Edouard Blaise, employé de chemin de fer, et de
Marguerite Justine Lubert. Le couple a eu trois enfants : René
Paul Edouard né le 13.6.1878, devenu « parquetier », resté
célibataire jusqu’à son décès le 22.7.1907 ; Marcel Joseph Aimé
né le 25.8.1881, qui épousera le 8 septembre 1911 à Nancy,
Berthe Augusta Tassin ; Henri Jean né le 5.3.1889 à Nancy. Il
est décédé le 15.12.1956 à Vandières où il a résidé entre 1913
et 1956 comme cafetier établi au 52bis route nationale (une
autre source indique qu’il était facteur de pianos, ce qui est
peu probable car il se déclare hôtelier dès 1913 lors de son 1°
mariage). Paul Gaspard et son épouse sont décédés en dehors de
Nancy entre 1900 et 1907 (³).
Marceline Anna Maria née le 11.12.1855 ; elle épousera, à
Nancy, le 7.7.1877, Hippolite GUERRE, né le 6.4.1849 à
Cirey-sur-Vezouze, représentant de commerce puis comptable,
enfin Fondé-de-pouvoir chez Fleury – et Cie, maison de transport
tenue par Louis Eugène Fleury, témoin au mariage LAMBINET-GUERRE. Cette entreprise aurait pu assurer le transport
des instruments de la manufacture STAUB, d’où les relations avec
Hippolite GUERRE. Le couple GUERRE-STAUB aura quatre enfants :
Eugénie Joséphine Christine née le 29.4.1878 (+23/07/1963 à
Nancy) qui épousera Lionel Paulin LAMBINET, tailleur d’habits
chez Vaxelaire et Cie; Henriette Octavie Aimée née le 9.9.1879
(+1957 à Nancy) ; elle deviendra l’épouse de Lucien Louis Gény
(1883-1943), entrepreneur en peinture ; Suzanne Marcelle Emilie,
née le 27.2.1891, épouse de René Louis Marie Pellé (1889-1963),
Médecin-major dans l’armée ; Henri Emile né à Nancy 22 juillet
1894 (Reg. Matricules militaires 1914) ; après un apprentissage
comme électricien à la Société de Constructions électriques
(1911), il est mécanicien en 1914 et rejoint la manufacture
BERNET-STAUB où il se qualifiera de facteur de pianos, puis
co-copropriétaire de la manufacture STAUB, enfin représentant de
commerce en 1936 à la suite de la fermeture de la manufacture.
Hippolite GUERRE est décédé le 29 août 1912. En février 1912, il
est mentionné comme contact lors de l’annonce de l’adjudication
de la manufacture après le décès de Gabriel Henri STAUB. A cette
date, il résidait 58 rue Charles III, dans le même immeuble que
la famille LAMBINET, immeuble où a également résidé en 1901 le
facteur-fabricant de pianos Keiser.
Pauline Octavie
née le 28.6.1857 ; elle épousera, à Nancy, le
7.4.1883, Jacques Emile BERNET, employé de commerce, né à Nancy
le 24.9.1858. Le couple aura une fille, Marthe Marie née le
26.3.1884. Il résidait, avant 1883, au 32 Faubourg Stanislas où
il a certainement connu sa future épouse. S’il n’était pas déjà
dans l’entreprise, il y travaillera par la suite comme négociant
(1891) pour prendre en 1911, après le décès de son beau-frère
Gabriel Henri STAUB, la successsion de la manufacture. Jacques
BERNET a été maire de Jarville entre 1919 et 1925.
Gabriel Henry né le 6.1.1859 ; il deviendra facteur et
fabricant de pianos, marié le 10.10.1900 à Nancy à Marie
Armbruster, née le 15.5.1861 à Nancy, décédée le 8.1.1906. Ce
couple n’a pas eu d’enfants. En 1911, Gabriel Henry succèdera à
son père à la tête de la manufacture. Marie Armbruster était une
demi-sœur de Louis Woerli. Employé de commerce en 1900, Louis
Woerli deviendra ensuite contremaître en pianos (1910-1911),
puis directeur de la manufacture en 1920. Suite à la fermeture
de la manufacture STAUB, il sera représentant de commerce en
Arts graphiques en 1936 (³). En 1929, il était également
Adminisrateur de la Fabrique du bois des brosses de Gerbéviller,
et Président du conseil d’dministration de la société Anonyme
des Brosses et Balais.
Enfant mort-né le 20.12.1859. Hortense ne survivra pas à cette
dernière naissance car elle décède le 23.12.1859 à l’âge de 35
ans. Jean Joseph STAUB ne se remariera pas.
Après le décès de Georges Louis WARNECKE le 9.3.1848, est créée
la manufacture « STAUB-WARNECKE » qui se consacrera uniquement à
la facture de pianos malgré la concurrence de la maison
nancéienne MANGEOT. Elle paraît être davantage menée par J.
STAUB, qui a tout lieu d’avoir été l’instigateur de cette
création, que par ses beaux-frères WARNECKE.
La manufacture STAUB-WARNECKE connaît un développement important
qui rend nécessaire une extension des ateliers, ce qui est fait
en 1861 avec l’installation dans de nouveaux bâtiments
(ateliers, direction, résidence) construits à l’angle du
Faubourg Stanislas (rue Raymond Poincaré actuelle) et route de
Toul (avenue Patton actuelle).
Avec les terrains et bâtiments
annexes des 3 et 5 rue de Toul elle y disposait de 2500 m2
d’ateliers dont 1/3 était réservé au travail du bois. Dans les
dernières années du site « Stanislas », STAUB disposait
également d’une annexe au 8 rue de Toul.
Le rez-de-chaussée de
l’immeuble STAUB était réservé aux magasins, ateliers et salle
de concerts destinée à l’exposition des différents types de
pianos (6, 7). Les étages étaient réservés à l’habitation de la
famille STAUB et de locataires parmi lesquels on pouvait compter
des collaborateurs (BERNET, Woerli). Les encarts publicitaires
donnent une intéressante vue perspective du site, montrant
également les emprises le long de la route de Toul (²). Au
rez-de-chaussée à l’angle des deux rues, l’immeuble abritait un
café loué à différents tenanciers.
Entre 1868 et 1872, la raison sociale de la manufacture devient
STAUB-WARNECKE-Guerlach. Pour des raisons commerciales et
peut-être fiancières, J. STAUB avait fait appel à un associé en
la personne de Louis GERLACH (orthographe francisée de «
Guerlach »), courtier de commerce, personnalité de son entourage
relationnel, car il a été témoin au mariage de sa fille aînée en
1866.
Louis GERLACH est né à Landau le 19.6.1813 et est arrivé à
Nancy en 1849. Le 21.2.1859 il épouse, à Nancy, Marie Aline
Lazare née le 10.9.1841 à Nancy, fille de Lazare Michel Pompée,
propriétaire, et de Barbe Chimat. L’association avec STAUB est
antérieure au décès de F.E. WARNECKE en 1872.
L. GERLACH se
retire en 1878 et semble être décédé avant 1890 en dehors de
Nancy. De 1873 et 1877, la raison sociale de la manufacture est
restreinte à STAUB-Guerlach. L’absence des WARNECKE peut
s’expliquer par le décès de François Eugène en 1872 à Rio de
Janeiro, et par le départ au début des années 1860 de François
Gabriel WARNECKE, le seul fils WARNECKE qui soit resté dans la
facture de pianos.
Après le retrait de L. GERLACH en 1878, la
raison sociale devient « Manufacture STAUB » dans laquelle
Joseph STAUB a toute la maîtrise. En 1881, la manufacture
comptait 40 employés (hommes seulement) dont le salaire
journalier variait, selon les spécialités, entre 3,50 et
10,50.-francs. L’état de la fabrication était jugé « bon » et
celui de la vente « satisfaisant malgré la concurrence étrangère
» (⁸). La manufacture n’employait que des hommes (pas
d’enfants).
LES COLLABORATEURS DE LA MANUFACTURE
Les collaborateurs les plus proches de G.L.
WARNECKE puis de J. STAUB ont évidemment été les fils de l’un et de l’autre, mais
aussi quelques artisans proches de ce dernier. L’implication,
dans la manufacture nancéienne, des fils de G.L. WARNECKE après
1848 paraît en fait peu déterminante. En effet, au moins trois
d’entre eux se sont orientés vers la pratique instrumentale.
Nicolas Jules a très tôt entrepris une carrière de pianiste,
devenant professeur de pianos et Chef de musique à Lunéville.
Celle de François Alexandre WARNECKE est temporaire, car il a
quitté Nancy en 1847 avec sa famille pour Paris. Devenu
artiste-musicien (violon, alto), on peut supposer qu’au début de
sa vie parisienne, il a pu être le représentant parisien de la
manufacture, bien qu’aucune adresse commerciale correspondante
n’ait été signalée à ce jour. Le rôle de François Eugène s’est
sans doute limité à la promotion des instruments STAUB par son
activité de professeur de piano et ses déplacements à
l’étranger. Il est décédé en 1872 à Rio de Janeiro.
François Gabriel WARNECKE n’est pas resté longtemps dans la
manufacture nancéienne, car au début des années 1860, on le
trouve comme facteur de pianos à Bayonne. On ne connaît pas les
raisons qui l’ont amené à s’installer à Bayonne. Souhait-t-il
disposer de son indépendance ?
Ce départ coïncide avec le
transfert, qu’il n’a peut-être pas voulu suivre, des ateliers
STAUB sur le site « Stanislas ». Il est peu probable qu’il ait
fabriqué des instruments, aucun instrument au nom de WARNECKE
Bayonne n’ayant été détecté. Il devait plus probablement se
consacrer aux entretiens, accords et réparations. Il n’a pu être
établi s’il tenait en même temps un magasin de musique comme le
faisaient de nombreux autres facteurs de pianos. Un piano STAUB
des années 1870 portait une mention « Coffe à Bayonne », le
magasin de musique de la place qui l’a vendu, avec lequel
François Gabriel aurait pu travailler. Bayonne semble avoir été
un pôle d’attraction pour la famille WARNECKE car d’autres
membres de cette famille y onnt résidé.
Gabriel Henry STAUB devait s’impliquer dans la gestion technique
et commerciale de la manufacture jusqu’au décès de son père en
1891. Il en prend ensuite la direction. On ne connaît pas le
rôle exact dans l’entreprise du second fils de J. STAUB, Paul
Gaspard. Qualifié de Fabricant de pianos au moins jusqu’en 1895
(³), il a dû y tenir une place essentiellement technique.
Aurait-il cependant pris quelques distances avec la manufacture
car, en 1900, on trouve un STAUB « pianos 16 rue de Mulhouse »
qui ne peut être que lui car il n’y a pas d’autre STAUB
s’occupant de pianos à Nancy. On perd ensuite sa trace et il est
déclaré décédé (en dehors de Nancy), ainsi que son épouse, lors
de la déclaration du décès de son fils René Paul en 1907.
Aurait-il pris ou dû prendre ses distances avec la manufacture
après le décès de son père ?
Dans les premières années de son activité, STAUB disposait de
dépôts de pianos chez des marchands de musique de Toulouse,
Besançon, La Chaud-de-Fonds. Dans la capitale, il disposait, dès
avant 1862, d’un dépôt chez Husson-Buthod et Thibouville au 254
Saint-Martin. Ceux-ci annoncent qu’ils disposent de « pianos
faits spécialement pour l’exportation offrant toutes les
garanties de solidité, sommier prolongé en fer, agrafe en cuivre
remplaçant le sillet, nouveau genre d’étouffoirs, nouveau
système mécanique à vis de pression, pédale céleste progressive
» (⁹).
Quelques années plus tard, il pouvait compter sur Jean RODHÉ (ou
« ROHDE ») et son fils Johannès Henry RODHÉ, tous deux facteurs
et fabricants de pianos installés à Paris 9 rue Caumartin. Ils
fabriquaient des pianos droits en exploitant le système
mécanique de l’Abbé Pécaut. Johannès Henri, dont la famille a
résidé 28 rue Caumartin (1867), 2 rue Godot de Mauroy (1873) et
9 rue Caumartin (1876), était devenu le gendre de J. STAUB par
mariage, en 1866, avec sa fille aînée, Marie Elisabeth Georgette
(³), ce qui ne pouvait que favoriser l’impact de la manufacture
STAUB à Paris. RODHÉ fabriquait et vendait des pianos. Certaines
publicités mentionnent que l’usine de fabrication se trouve à
Nancy, autrement dit chez STAUB. Le style du meuble est
légèrement différent de celui des instruments STAUB, et vendus
sous la marque « RODHÉ-STAUB ». Après une séparation de biens du
couple RODHÉ-STAUB en date du 22 février 1897 (¹¹), des pianos
RODHÉ-STAUB continuent de sortir de la manufacture de Nancy.
RODHÉ était également éditeur de musique, en association avec
STAUB sous la raison sociale « H. RODHÉ-STAUB, Editeur Facteur
de pianos, Paris, 9 rue Caumartin » (¹⁰). Plus pratiquement, la
maison RODHÉ-STAUB, qui disposait de ses propres prérogatives
commerciales, représentait l’antenne parisienne de la
manufacture STAUB de Nancy. En 1903, RODHÉ-STAUB était président
de la Chambre Syndicale des Pianos et Orgues, 8 rue des
Pyramides à Paris. Les noms de RODHÉ et STAUB sont également
associés dans le cadre de la Société en participation dite
“Société des Elévateurs (Système Rizet)”, 9 rue Caumartin et 80
rue de Rome – L.M. RODHÉ-STAUB”, dissoute par délibération du
11.12.1899 (¹¹). Qui est L.M. RODHÉ dans cette association ? Un
frère de Johannès Henry ou un autre membre de cette famille ?
En Belgique, la manufacture STAUB avait réservé le monopole de
vente de ses instruments à E. Pauwels et Fils de Liège (¹²),
tandis qu’au début des années 1900, la manufacture était
associée à Seybold de Strasbourg pour la construction de pianos
mécaniques. A Nevers, son représentant était le magasin
Gauthron-Petit. Il assurait régulièrement sa publicité par des
encarts en pleine page avec cliché de piano et de simples bandes
au nom de la maison apparaissant plusieurs fois dans un même
numéro de la Revue des Artistes et enseignement dramatique et
musical : « PIANOS J. STAUB NANCY Envoi franco du catalogue ».
Malheureusement, à ce jour aucun catalogue n’a pu être trouvé.
Dans l’Annuaire Statistique de la Meurthe-et-Moselle et de
Nancy, STAUB insérait tous les ans une page complète, d’abord
sans gravure, puis avec gravure de l’installation de Nancy puis
de celle de Jarville. Dans les dernières années de production,
les annonces sont devenues plus simples, sans gravure de site,
limitées à un petit encart.
DYNAMIQUE DE LA MANUFACTURE
J. STAUB devait être non seulement très bon facteur de pianos,
capable de perfectionner et d’innover, mais était aussi
certainement doué d’une très bonne fibre commerciale et
industrielle, développée, après son décès, par ses directeurs et
leurs adjoints. Près de 29 000 instruments sont sortis de cette
manufacture entre 1848 et 1936, plaçant la manufacture de pianos
STAUB parmi les plus importantes de France et la plus importante
de province. Un peu plus de 10 000 instruments sont sortis de
l’usine entre 1848 et 1882 (soit en moyenne près de 300/an en 34
ans, moyenne sans grande signification car dans les débuts la
production a été moins importante) et environ 10000 entre 1882
et 1906 soit 415 instruments/an (période qui correspond
apparemment à la plus grande production). Cette dynamique lui a
valu de figurer dans l’ouvrage de Turgan (⁶) à côté des
manufactures de pianos Pleyel, Erard et Gaveau (⁶). Selon
Thiolère (⁷), elle était la seule manufacture de pianos
provinciale à fabriquer elle-même la totalité de l’instrument.
Elle a également valorisé son patrimoine immobilier, en louant,
au Faubourg Stanislas, les appartements disponibles, entre
autres à L. Woerli entre 1892 et 1912 et à des professeurs de
musique (dont piano) et à des cafetiers successifs à l’angle de
l’immeuble sur rue
La manufacture a contribué à l’amélioration des techniques du
piano tout en adoptant et perfectionnant rapidement celles
créées par d’autres grands facteurs de pianos de Paris et
d’Allemagne : cadres en bois ou en fer, barrage en fer forgé
destiné à prévenir la séparation des cordes, permettant une
meilleure tenue de l’accord et de supporter les variations de
températures (1854) ; mécanisme à échappement à équerres,
perfectionnement du mécanisme inventé par Erard et création de
lames étouffoirs (1859) ; perfectionnement du mécanisme à double
échappement pour piano droit (1860) ; mécanisme à répétition
simple (1875) ; pédale « pianissimo » par un mécanisme
rapprochant les claviers des cordes ; clavier transpositeur par
demi-tons ; adoption du mécanisme Schwander ; pupitre à bascule.
Selon Turgand (⁶) et Thiolère (⁷), la manufacture était
considérée comme fabriquant quasiment tous les éléments de ses
pianos, ce qui n’était pas strictement le cas, car elle se
procurait des mécanismes et des claviers et autres composants
chez des spécialistes. En 1920, STAUB proposait des pianos «
pneumatiques » et apportait son savoir-faire à la fabrication de
pianos mécaniques en association avec Seybolt de Strasbourg.
SUCCESSIONS
Jean Joseph STAUB est décédé le 1.4.1891 à Nancy et a été inhumé
au cimetière de Préville dans la tombe familiale. La famille a
inséré des avis de décès, encore très peu fréquents à l’époque,
dans les quotidiens nancéiens « L’Espérance-Courrier de Nancy »,
« Progrès de l’Est » et « Journal de la Meurthe », mais aucun de
ces journaux n’a publié de notice nécrologique de cet éminent
fabricant de pianos. Henry Gabriel, fils cadet de Jean-Joseph
STAUB, prend la relève et dirigera la manufacture pendant vingt
ans jusqu’à son décès le 20.2.1911 suivi de son inhumation au
cimetière de Préville dans le caveau familial (2, 3). Vu
l’importance locale et nationale de la manufacture, une trop
sommaire notice nécrologique lui a été réservée par « L’Eclair
de l’Est » : « M. H. STAUB, fabricant de pianos, 32, Faubourg
Stanislas, est décédé lundi matin, après une maladie de quelques
jours, à l’âge de 53 ans. La Maison STAUB est l’une des plus
anciennes du quartier » (¹³). En 1904, il avait été admis à la
Société Industrielle de l’Est.
Suite au décès prématuré de Henry STAUB en 1911,
l’administration provisoire de la succession est assurée par
Hippolite François GUERRE, gendre de Jean-Joseph STAUB et
beau-frère de Henry Gabriel, qui entre autres tâches et de
développement de la manufacture, fera procéder à
l’enregistrement du logo de la marque « STAUB » et « J. STAUB »
auprès du tribunal de commerce de Nancy (¹⁴).
Dans le cadre de
la succession, et/ou du projet de reconstruction des ateliers et
bureaux à La Malgrange annoncé dès 1912 par la presse
spécialisée (« L’Immeuble et la Construction”, 1912, p.919, in
Gallica.bnf.fr), peut-être déjà envisagé par Henri Gabriel STAUB
avant son décès, il est procédé à une vente par adjudication des
biens commerciaux, industriels et immobiliers en date du 26
février 1912.
Les bâtiments du 32 Faubourg Stanislas seront
vendus, les parties production étant transférées à Jarville. Le
transfert complet de la manufacture ne sera effectif qu’en
1918-1919 avec la construction de la maison directoriale. La
manufacture prendra le nom de « E. BERNET-STAUB – Successeur »,
dans laquelle E. BERNET est le gendre de J. STAUB, « STAUB »
concernant logiquement l’épouse de BERNET, Pauline Octavie
Marthe STAUB, et sans doute ses frères et soeurs. Il n’a pas pu
être précisé si Hyppolite GUERRE, décédé en 1912, et surtout son
épouse rentrent également parmi les co-propriétaires de la
nouvelle société BERNET-STAUB. Les pianos continueront à être
vendus avec la plaque « J. STAUB ». La direction est confiée à
L. Woerli, antérieurement contre-maître de la manufacture (2,
3), et qui représentera la maison J. STAUB à la Société
Industrielle de l’Est jusque vers 1935.
On ne dispose pour le moment d’aucun élément permettant
d’apprécier comment la manufacture a vécu la période de guerre
1914-1918. Sa production a nécessairement dû fortement diminuer,
à l’instar d’Erard qui de plus de 1500 instruments par an avant
guerre est passé à environ 400 instruments, soit une diminution
de plus des 2/3 de la production d’avant-guerre. Il devait en
être à peu près de même pour STAUB. Cette « récession » a
évidemment été provoquée par une moindre demande, mais aussi par
la mobilisation d’une grande partie des employés et par la
difficulté d’approvisionnement en matières premières comme pour
tous les fabricants de pianos et autres entreprises. Le
fabricant de pianos VUILLEMIN-DIDION de Nantes a fourni à ce
titre, en 1917, quelques informations intéressantes
(Ouest-Eclair, 1917/09/24 n°6530, in Gallica.bnf.fr). Enfin, les
installations de Jarville ont servi, à partir du 21.3.1916,
d’hôpital d’évacuation (HOE), au même titre que l’usine voisine
Fabius-Henrion de matériel électrique (15,16).
Parallèlement à ses fonctions dans la manufacture, E. BERNET a
aussi été très actif dans les instances commerciales locales et
régionales en tant que membre de la Chambre Syndicale des
Facteurs d’instruments de musique et Membre de la Fédération des
Facteurs de Pianos et d’Orgues, membre du Conseil
d’Administration de sociétés ainsi que membre de l’Union
catholique et de la Fraternité et du Conseil paroissial de
Jarville. Il a également été maire de Jarville de 1919 à 1925,
mandat au cours duquel il a beaucoup œuvré pour un rattachement
de Jarville à la ville de Nancy, sans succès ce qui lui
peut-être coûté une re-élection en 1925.
Selon M. Pizzi (1983) (¹⁷), la manufacture aurait connu un
certain déclin après 1913, peut-être en grande partie du fait de
la guerre de 1914-1918 qui a beaucoup ralenti la production de
pianos en France. Après la guerre, la production a cependant
bien repris pendant une dizaine d’années pour redevenir
presqu’équivalente à celle d’avant 1914.
Suite au décès de E. BERNET le 15 mars 1931, la raison sociale
de la manufacture deviendra « Manufacture de pianos GUERRE,
LAMBINET et Cie - J. STAUB» (²). Ces patronymes ont tout lieu
d’être ceux de Henri Emile GUERRE et de André LAMBINET,
peut-être aussi des sœurs de H.E. GUERRE, épouses de LAMBINET et
Gény. L’un et l’autre se qualifiaient de facteurs de pianos bien
que André LAMBINET ait d’abord suivi un apprentissage
d’électricien, ait ensuite été ensuite mécanicien (en pianos ?)
avant de se qualifier de facteur de piano (1926). Ces qualités
ont amenés ces deux facteurs de STAUB à reprendre la
manufacture. André LAMBINET est, malgré seulement 10 ans
d’écart, un neveu de Emile Henri GUERRE. La raison sociale «
GUERRE, LAMBINET et Cie » ne sera cependant plus représentée à
la Société Industrielle de l’Est la dernière mention de la
manufacture étant celle du décès de E. BERNET-STAUB en 1931 dans
la Revue de la Société industrielle de l’Est).
LES SITES DE LA MANUFACTURE
Il n’a pu être précisé si l’association
STAUB-WARNECKE (1848)
conserve l’atelier du 11 Grand’Rue ou si elle s’est établie
ailleurs. L’augmentation de sa production l’amène, en 1860-1861,
à construire de nouveaux bâtiments avec usines, ateliers, maison
d’habitation, au 32 Faubourg Stanislas (aujourd’hui à l’angle de
la rue Raymond Poincaré et de l’avenueg).
La configuration des
lieux est bien montrée par les vues en plongée des gravures de
publicité parues dans l’Annuaire Statistique de
Meurthe-et-Moselle et Nancy. Selon Thiolère (⁷), le stockage et
séchage du bois se fait dans les hangars de la cour arrière. Les
ateliers sont répartis sur plusieurs étages, les scies à ruban,
scies circulaires, raboteuses, dégauchisseuses, toupies, toutes
machines actionnées par un moteur à gaz, se trouvant au
rez-de-chaussée.
Entre 1913 et 1921, de nouveaux ateliers et
maisons directoriales sont construits à Jarville à l’angle de
l’avenue de La Malgrande et de la rue Tourtel (rue Général
Leclerc aujourd’hui). La gravure en perspective du site ayant
servi de publicité dans les années 1920 (³), représente
l’ensemble industriel avec de nombreux détails révélateurs de
l’organisation rationnelle de la manufacture: stockage du bois à
l’air libre et sous hangar, voie ferrée avec wagonnets pour
l‘acheminement des matériaux du hangar à un atelier (scierie ?),
ateliers sur trois niveaux avec avant-corps d’accueil, bâtiments
annexes, maison-porche de gardiennage, maisons directoriales.
L’ensemble industriel et résidentiel avait été réalisé dans le
style très spécifique des années 1910-1920. Il mériterait une
attention particulière au titre du patrimoine industriel du
premier quart du 20° siècle. A Jarville, hormis les zones de
stockage du bois et annexes ré-urbanisés après 1920, une partie
des bâtiments est actuellement encore en place.
LA PRODUCTION
STAUB semble s’être spécialisé dans la fabrication des pianos
droits, celle des pianos à queue étant restée tout à fait
accessoire sinon au stade de prototypes car un seul instrument a
été mentionné et connu. Turgan (1882) en fournit une gravure,
mais on ne sait si ce type a eu du succès chez STAUB,
contrairement à Erard, Pleyel et Gaveau. Dans les années 1880,
environ 40 employés assuraient cette production. Selon leur
spécialité, les salaires journaliers variaient entre 3,25 et
10,50.-Frs.
Le document fourni en 1906 par E. Thiolère, fournit divers
renseignements sur cette production (⁷) :
- perfectionnements du mécanisme :mécanique à échappement à
équerre ; système de lames d’étouffoirs (1859) ; mécanique à
double échappement (1860) ; mécanique à répétition simple
(1875). La plupart des mécanisme provenaient cependant de
fabricants spécialisés (Gehrling, Schwander).
- installation d’une pédale « pianissimo » perfectionnée qui a
été appréciée à l’Exposition de 1878 : « …Les pianos présentés
par M. STAUB se recommandent particulièrement à l’attention par
un système de pédales qui permet d’obtenir les pianissimo les
plus délicats par gradations insensibles. Ce système consiste en
un mouvement très ingénieux de bascules qui, en même temps qu’il
abaisse le clavier, rapproche le marteau des cordes. La course
du marteau comme celle de la touche se trouvant ainsi diminuée
simultanément sans secousse, on arrive à produire des sonorités
voilées tout à fait charmantes ; ce système déjà connu, mais
perfectionné par STAUB, est certainement le meilleur que nous
ayons vu jusqu’à ce jour. »
- application et perfectionnement du sytème transpositeur
perfectionné;
- pupitre à bascule ;
- types de pianos proposés :
pianos droits à cordes verticales, mécanique à lame à
échappemeent, à équerre, barrage en fer forgé, sommiers
boulonnés ;
pianos droits à cordes semi-obliques ; même mécanique avec
bascule ; modèles standard et grand modèle ;
piano droits à cordes obliques, sillet harmonique en cuivre ;
le reste comme dans les modèles précédents ;
pianos droits à cordes croisées à mécanique à prolonges et
sillet harmonique en cuivre ; même autres éléments ;
pianos droits demi-obliques à cadre métallique d’une seule
pièce, à coudage renversé avec mécanisme à lames ; modèles à
cadre croisé, tous deux dotés d’une grande puissance de son et
de prix modique.
pianos de luxe aux caisses à goût artistique supérieur, à bois
d’essences rares, richement ornés et de tous styles ; ce dont on
déduit qu’à une même époque, les modèles pouvaient être très
variés ; modèles à tablette et plaque d’adresse stylisée ;
caisse inférieure droite ou cintrée;
essences utilisées pour les caisses : palissandre, acajou,
noyer, poirier teint ou bois noir (modèles bi-teintes), bois de
rose, tuya…
autres essences utilisées : chêne, hêtre, sapin, noyer,
érable, cormier (ossature et table d’harmonie) ; poirier,
cormier, alisier, érable, charme, tilleul, ébène (mécanique,
clavier). |
En réalité, comme tous les fabricants,
STAUB s’approvisionnait
en nombreux éléments de base ou accessoires auprès de divers
fournisseurs spécialisés. Selon F. Jacquot (facteur de pianos,
communication écrite 2015, que nous remercions pour ses
informations), STAUB a utilisé les mécanismes suivants (cela
confirme que dès les origines, les fabricants faisaient appel à
des maisons spécialisées dans l’utilisation des composants des
pianos) :
- à lames et peigne avant 1880 ;
- Gehrling de 1894 à 1919; Gehring-Douillet dans les années
1910-1920 ;
- Schwander puis Schwander-Herrburger entre 1919 et 1936;
l’adoption du mécanisme Schwander est cependant mentionnée par
Thiolère dès 1906, son utilisation étant sans doute réservée à
des instruments de prestige, car ce mécanisme, très robuste,
coûtait plus cher que les autres.
- Mécanisme UNION à partir de 1925 jusqu’à la fermeture ;
utilisé parallèlement à la mécanique Schwander-Herrburger. Les
mécanismes UNION, moins chers que les mécanismes
Schwander-Herrburger, sont ceux d’une sous-marque de
Schwander-Herrburger.
La maison faisait appel aux claviers des maisons Muller (années
1860), G. Folmer et Schneider (années 1870-1888), Renaudin
(années 1880), Monti (1894 – 1911), Schwander de 1920 à 1936 et
Union (1925-1936) (F.Jacquot, comm. Écrite 2015). Les caisses
(ou meubles) étaient confectionnées par la maison STAUB, ce à
quoi se réfèrent sans doute les assertions de Thiolère (⁷) selon
lequel STAUB « est la seule manufacture de province dans
laquelle toute la fabrication est entièrement faite depuis le
travail du bois jusqu’au finissage ». D’autres composants ont pu
être fournis par des spécialistes parisiens (Dupont, Hébert,
Pourtier consoles, sculpteurs), Lévêque (adresses), Chevrel
marqueterie), Lerchenthal et Gérard (ivoire, touches),
Colin-Truchaut (marteaux), Muller ou Pinel (flambeaux).
Jusque vers 1855, les pianos n’étaient dotés que d’une seule
pédale et l’étendue des claviers allait du Do0 au La6. Ils
passent ensuite à La0-La7 et deux pédales. Dans les dernières
années de la production, STAUB a équipé certains de ses
instruments d’une 3° pédale de sourdine qui par l’intercalation
d’un feutre entre les marteaux et les cordes, atténue le son du
jeu (particulièrement utile en appartement).
Entre 1900 et 1930, la manufacture était associée à Seybold de
Strasbourg pour la construction de pianos mécaniques ou
pneumatiques. Quelques-uns de ces instruments étaient encore en
vente dans les dernières années. La finition d’époque paraît
soigneusement réalisée.
COMMERCIALISATION DES INSTRUMENTS
Turgand (⁶) et Thiolère
(⁷) rapportent que
STAUB vendait ses
instruments non seulement en France, mais également à
l’étranger. WARNECKE bénéficiait de dépôts à Besançon
(1842-1845, peut-être suite au séjour du fils WARNECKE fils en
cette ville) et à Lyon. STAUB-WARNECKE, puis STAUB élargit son
domaine de vente, dès 1850 – 1860, à Toulouse, Aix-la-Chapelle,
Cologne, La Chaux-de-Fonds, Metz après 1860. En Belgique, la
maison Esther avait le monopole de vente dans ce pays (plaque
d’adresse). En France, ses secteurs de vente les plus importants
semblent avoir été la moitié nord de la France, mais de
nombreuses ventes ont aussi été effectuées en Rhône-Alpes et en
Auvergne, a priori plus rarement vers le sud-ouest, peut-être en
raison du coùt plus élevé d’acheminement des instruments et de
la proximité de fabricants régionaux (Lété, Didion, Vuillemin).
On ne sait si François Gabriel WARNECKE, établi à Bayonne à
partir de 1862 environ, a contribué à développer la vente des
pianos STAUB dans le sud-ouest. Outre la vente auprès de
marchands de musique, STAUB a également fourni des instruments,
numérotés, à des vendeurs apposant leur propre plaque d’adresse.
Ainsi rien qu’à Nancy, il a fourni des instruments à Metzner,
Jacquot, Matthis et Barthélemy, qui n’ont eux-mêmes jamais été
fabricants.
PRÉSENCE AUX EXPOSITIONS. RÉCOMPENSES
La période la plus florissante de la manufacture J.
STAUB se
situe entre 1880 et 1914. Ses efforts ont été récompensés par de
nombreux prix et médailles lors des expositions régionales,
nationales et universelles qui lui ont assuré une large
clientèle (¹⁹) :
- 1850 : Exposition de Toulouse (deux ans après la création de
la manufacture), Médaille d’Argent (Journal de Toulouse du
17/2.1851). Le Feuilleton du Journal de Toulouse du 17 septembre
1850 relate que “celui (le piano) de M. STAUB-WARNECKE, de
Nancy, renferme un mécanisme parfait et une double table
d’harmonie, qui doit augmenter la sonorité du piano. La facture
est faite avec soin et talent”. Le piano STAUB-WARNECKE n°690,
avec clavier au Do et une seule pédale, daterait des premières
années 1850.
- 1855 : Présent à l’exposition universelle de Paris, mais pas
de récompense ni de mention (comme d’ailleurs MANGEOT).
- 1857 : Exposition, Médaille d’honneur nationale ;
- 1861, Exposition Universelle de Metz : médaille d’argent de 2°
classe, petit module (MA2) ;
- 1864 : Exposition franco-espagnole de Bayonne : médaille de
bronze ;
- 1878 : Exposition Universelle de Paris : médaille de bronze
pour des pianos droits fabriqués de toutes pièces, à double
échappement. Les éloges sont nombreux (Compte rendu Exposition
Universelle de Paris 1878. “En tête de ce mouvement il faut
placer M. J. STAUB dont les succès sont d’autant plus
remarquables que, bien différents des maisons qui déjà connues,
pouvaient travailler hardiment grâce à leurs capitaux
considérables et à leur situation prépondérants. Il débuta seul,
sans ressources, et ne dut qu’à lui-même la haute position qu’il
parvint à acquérir, s’adjoignant d’années en années des ouvriers
choisis, augmentant et perfectionnant graduellement son
outillage, la supériorité constante de ses produits lui valut
une place des plus honorables dans la facture… De patientes
études et des recherches incessantes permirent à M. J. STAUB de
créer et d’appliquer dès 1854, un nouveau barrage en fer,
destiné à éviter la séparation des cordes, et représentant une
parfaite liaison sans courbures entre les deux parties
d’attache. Non content de ce perfectionnement qui augmenta
sensiblement la vogue dont jouissait déjà sa maison, M. J.
STAUB, créa en 1859, une mécanique à échappement à équerre, un
nouveau système de lames d’étouffoir, et un genre de pédale
progressive pianissimo à bascule remplaçant la céleste; cette
pédale présente cet avantage énorme qu’elle facilite à
l‘exécutant la progression des sons, depuis le son naturel
jusqu’au pianissimo et n’a pas l’inconvénient de dénaturer le
timbre de l’instrument. Sans s’arrêter dans cette voie qu’il
parcourait avec tant de succès, M. J. STAUB créa encore et
appliqua en 1860, une mécanique à double échappement pour pianos
droits, mécanique à laquelle il fit plus tard subir d’importants
perfectionnements; en 1875, il fit encore parfaire une mécanique
simple à répétition, et tout récemment un nouveau piano droit
demi-oblique à cordage renversé. La solidité exceptionnelle de
cette fabrication, qui grâce à son genre de barrage de fer peut
supporter toutes les températures sans être le moins du monde
incommodée, se recommande particulièrement pour l’exportation,
aussi M. J. STAUB, voit-il augmenter tous les jours ses
débouchés. L’Algérie, l’Allemagne, la Belgique, les Etats-Unis,
l’Espagne, la Hollande, le Luxembourg, la Suisse, etc., lui
donnent une sérieuse clientèle. Ailleurs, il est dit que « Ce
facteur qui s’inspire de Woelfel, cherche à innover » (20, 21).
- 1879 : Exposition Internationale de Paris : médaille d’or.
- 1880 : Exposition industrielle de Bar-le-Duc : diplôme
d’honneur hors concours ;
- 1881 : Exposition industrielle d’Epinal : première médaille
d’or offerte par la Chambre de Commerce des Vosges ;
- 1894 : Exposition Universelle d’Anvers : médaille d’argent ;
- 1894 : Exposition internationale de Lyon, Médaille de bronze :
- 1897 : Exposition Universelle de Bruxelles : médaille d’or
(pianos droits et de divers formats) ; les gravures représentant
l’un de ces pianos ne sont pas bonnes, mais donnent une idée de
la recherche dans le décor baroque.
- 1900 : Exposition Universelle de Paris : médaille de bronze ;
7 pianos droits exposés dont un seul, très richement décoré, a
fait l’objet d’une vente en 2018.
- 1902 : Exposition de Hanoï : médaille d’or ;
- 1905 : Exposition de Liège : Diplôme d’Honneur et grand prix
en collectivité. Dans les C.R. de l’exposition, une demi-page
est consacrée à la manufacture STAUB avec photo d’un instrument
(laqué noir) de style baroque-rococo ;
- 1909 : Exposition Internationale de l’Est de la France (Nancy)
: Grand Prix. “La Maison STAUB de Nancy, avait exposé des pianos
d’une construction irréprochable” (²²).
LA NUMÉRATION des pianos STAUB
Avec une production de
près de 29 000 instruments en 107 ans d’existence (y compris la
production de WARNECKE), la manufacture STAUB figure parmi les
principaux fabricants de pianos français provinciaux ayant suivi
l’essentiel de la chaîne de fabrication. Il n’existe cependant
pas de liste chronologique de fabrication des pianos STAUB
équivalente à celles d’ERARD, PLEYEL et GAVEAU.
Il en est proposé une
élaborée à partir de données bibliographiques et de
renseignements de propriétaires. Elles présentent des fiabilités
plus ou moins grandes. Suggérée par périodes de 5 ans, sa
précision peut être suffisante pour la datation d’instruments
dont les caractéristiques techniques et stylistiques n’évoluent
que lentement. Les premières années demandent à être précisées.
La chronologie débute en 1850 avec 500 instruments présumés être
sortis de l’atelier de WARNECKE et pendant les deux premières
années de STAUB-WARNECKE. La courbe chronologique correspondante
montre évolution de la production évidemment non linéaire,
permettant une approximation dans la datation des instruments à
partir de leur n° de série dans des fourchettes de 5 ans.
PÉRIODES |
N° |
|
PÉRIODES |
N° |
1850 |
500 |
|
1895 |
15100 |
1855 |
870 |
|
1900 |
17650 |
1860 |
1660 |
|
1905 |
19500 |
1865 |
2850 |
|
1910 |
21550 |
1870 |
4170 |
|
1915 |
24000 |
1875 |
6450 |
|
1920 |
24500 |
1880 |
9500 |
|
1925 |
26100 |
1885 |
11600 |
|
1930 |
28000 |
1890 |
13300 |
|
1936 |
28850 |
Esquisse chronologique de la production de la manufacture STAUB
entre 1850 et 1936. Documents auteur inédits.
Pianos STAUB récupérés après 1914-1918
On apprend par le « Bulletin des territoires libérés » des
années 1920-1926, que de nombreux pianos récupérés dans les
zones sinistrées et occupées par les Allemands pendant les
hostilités, faisaient l’objet d’annonces de vente aux enchères
(23, 24). Ces instruments, au nombre de 1730 environ, avaient
été réunis par l’administration en divers lieux des départments
du Pas-de-Calais, du Nord (>700 instruments), des Ardennes,
Meuse, Meurthe-et-Moselle, Marne et de l’Oise. Il s’agissait
soit de pianos réquisitionnés par l’occupant, soit d’instruments
abandonnés dans les immeubles sinistrés et que leurs
propriétaires n’avaient pas récupérés après l’armistice. De
nombreux pianos de facteurs surtout français, plus rarement
belges (17 pianos) et allemands (4 instruments probablement
d’importation d’avant les hostilités) sont ainsi répertoriés,
parmi lesquels se trouvaient environ 74 pianos STAUB décrits
uniquement par leur n° de série, seul moyen de permettre aux
propiétaires de retrouver leur bien s’ils pouvaient en justifier
l’origine. Environ 13% des instruments STAUB recensés étaient
antérieurs à 1880, ce qui suppose un parc de pianos relativement
ancien. La majorité des autres dataient d’entre 1880 et 1905
(numérotés entre 8000 et 20000). Le piano le plus récent,
numéroté 23793 (lieu de stockage : Carvin, Nord ; localité
occupée d’octobre 1914 à octobre 1918) suppose qu’il s’agissait
d’un instrument pratiquement neuf, car les estimations de
datation des pianos à partir du n° de série faites par ailleurs
admettent une production atteignant environ 23820 instruments en
1914. Il est intéressant de remarquer que dans l’inventaire
établi, le nombre de pianos STAUB recensés est voisin de celui
des pianos Erard (75 instruments) et de Gaveau (78 instruments)
– pourtant réputés pour leur qualité sonore supérieure et leur
production plus importante que celle de STAUB - eux-mêmes moins
nombreux que ceux de Pleyel (137 ; le plus important fabricant à
l’époque) et Bord (110). Ceci montre que, malgré une statistique
certes insuffisante, certaines marques, STAUB en particulier,
avaient des régions d’implantation commerciale de prédilection
par rapport à d’autres fabricants. Cette particularité était
déjà apparue antérieurement à partir d’autres relevés concernant
STAUB.
DÉCLIN & FERMETURE
Comme de nombreuses autres manufactures de pianos du pays, entre
autres la petite manufacture nancéienne Bever-Carré (dès 1931),
STAUB a dû cesser son activité fin 1936. Selon une source orale
anonyme non confirmée, le site, sans doute insuffisamment
protégé, aurait été dépouillé de ses bois en particulier des
bois de placage. Toutefois, dès après 1920, la manufacture
semble déjà devoir céder, sans doute en liaison avec
l’achèvement des nouvelles installations et la relance de la
production après la guerre, une partie de son terrain (jardins)
pour une urbanisation progressive le long de la rue Tourtelle
avec des maisons de ville datées de 1922 à 1929. Les difficultés
financières sérieuses se présentent cependant après 1932, la
production diminuant drastiquement à moins d’une centaine
d’instruments par an. Dès le printemps 1936, Louis Woerli n’en
est plus administrateur et travaille comme représentant dans une
entreprise d’Arts graphiques, tandis que Emile Henri GUERRE
devient représentant de commerce (1936). Les employés sont en
chômage. L’arrêt définitif de la production se situerait en
automne 1936.
Dernière annonce de la manufacture (1936), « liqu. » étant
traduit par « en liquidation ».
Encart publicitaire ayant paru au printemps 1936 (²).
A la fin des années 1930, les bâtiments de l'ancienne usine
STAUB avaient été acquis par l'Etat par voie d'expropriation,
sans doute peu avant ou en vue de la mobilisation générale de
1939 par le Ministère de la guerre et utilisés comme centre
mobilisateur en 1939-1940 (¹⁸). Actuellement, c’est la compagnie
de CRS 39 qui l’occupe, le porche d’entrée étant resté celui de
la manufacture STAUB. Les résidences directoriales sont restées
des propriétés privées.
EPILOGUE
En plus de 100 ans d’activité, l’atelier
WARNECKE, puis la
manufacture STAUB-WARNECKE et enfin J. STAUB, sont loin de
démériter sur la scène de la facture de pianos française. Avec
près de 29000 instruments produits, Jean Joseph STAUB et ses
successeurs ont hissé l’atelier artisanal de WARNECKE à la
hauteur d’une importante manufacture qui peut s’aligner
fièrement à côté de quelques autres fabricants parisiens ou
provinciaux tels Bord, Mussard, Klein, Boisselot. Spécialisé
dans les pianos droits car n’ayant sans doute pas voulu se
lancer dans les pianos à queue, la qualité et la robustesse de
ses pianos a été maintes fois soulignées par les connaisseurs.
Parallèlement à des instruments standards destinés au “grand
public”, il a aussi produit des instruments “haut de gamme”
attirant l’oeil du pianiste par un décor et une finition plus
élaborés dont ont été dotés encore jusqu’à ces dernières années
quelques foyers. Surmontant avec difficultés les alea de la
guerre de 1914-1918, après laquelle elle a néanmoins repris un
bel essor, la manufacture ne pourra cependant pas résister à la
crise des années 1929-1935 et devra alors cesser son activité.
RÉFÉRENCES
(¹) – Stussi J.M. (2012). – Les facteurs de pianos nancéiens
entre 1800 et 1936. Eléments biographiques. In :
http://www.musimem.com/biographies.html . Et: Joseph STEZLE, un
pionnier de la facture de pianos, à Nancy, au début du 19°
siècle. Pays Lorrain, vol. 93, p.147-152.
(²) - Archives Municipales Nancy, Annuaire Statistique de la
Lorraine et de Nancy.
(³) - Archives Municipales Nancy, Etat Civil NMD – Archives
Municipales Nancy, Répertoire de la Population (1800-1929). Etat
civil (BMS, NMD) en ligne : Nancy. Archives départementales de
Meurthe-et-Moselle : Listes nominatives de Nancy numérisées,
1901 à 1936. Listes nominatives de Jarville numérisées, 1911 à
1936. Registre de matricules militiares.
(⁴) - Entre 1875 et 1879, un Johann Heinrich STAUB de Hütten
(ZH) est déclaré « Klaviermacher » et bourgeois de Zurich. La
localité de Hütten se situe à 7,5 km à l’E de Mensingen d’où est
originaire J.J. STAUB de Nancy. Y aurait-il un lien entre ce
Johann Heinrich et STAUB et J.J. STAUB de Nancy ? Cousin, neveu
?
(⁵) – Etat civil de Paris – Archives numérisées en ligne :
http://canadp-archivesenligne.paris.fr/
(⁶) – Turgan J., 1882. Les Grandes Usines en France et à
l’étranger. Etudes industrielles. Paris, Calmann-Lévy.
(⁷) – Thiolère E. (1906) Manufacture de Pianos. J. STAUB à
Nancy. Bull. Soc. Ind. Est, Nancy, N47, A23, p.1233-141. In :
http://gallica.bnf.fr/ark:/
(⁸) - Archives municipales Nancy, 2F-44, et Troux Ch. (1932). –
Deux documents sur l’industrie nancéienne en 1826. in : Le Pays
Lorrain, février 1932, p.77-84.
(⁹) - Annuaire-Almanach commerce, 1862, p.1008
(¹⁰) - Le Ménestrel, Paris, 1878-1898. in :
http://www.gallica.bnf.fr.
(¹¹) - Archives commerciales de France. Journal hebdomadaire :
1875.12.26, A2, N6-4 ; 1875.12.30 A2-N65 ; 1886/07/17 –
(N57-A13), p.893 ; 1896/12/16.
(¹²) - in http://www.pianoesther.be/Pauwels (site plus
accessible)
(¹³) – Journal de la Meurthe, 21.2.1911. Fond Bibliothèque –
Médiathèque de Nancy.
(¹⁴) – Haine M. – Les marques de fabrique des facteurs
d’instruments de musique déposées au greffe du Tribunal de
Commerce de Paris de 1860 à 1919 (Archives de Paris). In:
http://iremus.huma-num.fr/marques-instruments-musique/search/site/STAUB
(¹⁵) – Usine Fabius-Henrion de Jarville. In:
(¹⁶) – HOE 15/1 Jarville. In :
http://hopitauxmilitairesguerre1418.overblog.com/2016/05/ambulances-1914-1918-lettre-j.html
(¹⁷)- M. Pizzi (1983) - Hisoire du piano de 1700 à 1950
(¹⁸) – Histoire de la CRS 39.
In :
http://polices.mobiles.free.fr/histoire%20cie/HISTORIQUE%20CRS-39.pdf
(¹⁹) - Haine M. (2008). Tableaux des Expositions de 1798 à 1900.
in : https://www.nakala.fr/nakala/data/11280/7cc3bbb7.
(²⁰) - Compte rendu Exposition Universelle de Paris 1878. In
gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France, département
Sciences et techniques, 4-V-564)
(²¹) - Chouquet G., 1878, Rapport sur les instruments de
musique. Exposition Universelle internationale de 1878, Paris.
https://sharedocs.huma-num.fr/wl/?id=S8r6h690lgO6LdDllDroaSkgeq07Mg6O&path=Chouquet_Paris_1878.pdf
(²²) – Bulletin Société Industrielle de l’Est, 1910/02, (N77,
A27).
http://www.lamptech.co.uk/Documents/Catalogues/Cat%20Fabius%20Henrion%201909%20FR.pdfhttp://www.lamptech.co.uk/Documents/Catalogues/Cat%20Fabius%20Henrion%201909%20FR.pdf
(²³) - Pianos Erard et Pleyel, numéros de série : In : Archives
Erard et Pleyel,
http://archivesmusee.citedelamusique.fr/pleyel/archives.html
(²⁴) - Bulletin des régions libérées, 1920-1924, in Gallica,
bnf.fr
EVOLUTION DE QUELQUES CARACTÉRISTIQUES
Le meuble.
A l’instar des buffets d’orgues, l’aspect extérieur
du piano cherche à attirer l’œil du musicien par une
présentation stylistique engageante. Celle-ci évolue avec le
temps selon les courants artistiques en cours. Parallèlement aux
pianos « standards », tous les fabricants de pianos ont proposé,
peut-être aussi en réponse à des commandes particulières, des
meubles à la décoration très recherchée, en particulier dans le
dernier quart du 19° siècle.
On ne connaît pas de piano carré sorti des ateliers de WARNECKE
et de WARNECKE et Fils, ni même s’il a pu en fabriquer. Le
premier instrument détecté de ce facteur est un piano droit à
panneaux supérieurs ajourés dotés de motifs néo-gothiques ou «
troubadour » ajourés aux ouvertures garnies, à l’arrière, d’un
tissu brun-rouge, conformément aux pratiques alors en usage. Il
est nécessairement antérieur à 1848. Les pieds sont droits,
tournés en chapelets, avec pendentif sous le boitier du clavier.
Un guillochage assure la finition des moulurations (cf. notice
WARNECKE).
Les premiers instruments sortis de la manufacture de
STAUB-WARNECKE ne devaient pas différer significativement de
ceux fabriqués par WARNECKE. Le plus ancien instrument connu et
présumé de 1853, (n°690) est à couvercle plat et bec droit, à
trois panneaux pleins et flambeaux, double piètement en
chapelets godronnés, moulurations guillochées, clavier Do-La,
une seule pédale, plaque d’adresse imprimée sur papier «
STAUB-WARNECKE Nancy Médaille d’argent 1850 » (Toulouse). Dans
les autres modèles proposés, la « caisse » inférieure est droite
ou lègèrement cintrée, à un ou deux panneaux. Comme chez tous
les fabricants, le clavier passe à La-La à partir de 1855, une
deuxième pédale apparaît, les autres caractéristiques restant à
peu près les mêmes jusque vers 1865.
Après 1865, les
moulurations seront droites (le guillochage disparaît chez tous
les fabricants), simples ou à doubles nervures. Dans un seul
modèle observé les panneaux sont occupés par des miroirs
(n°3254-1867), peut-être en réponse à la demande particulière
d’un client ? Dans les débuts de la production de
STAUB-WARNECKE, la hauteur des panneaux supérieurs est réduite.
Elle augmente par la suite, le rapport hauteur façade/hauteur
panneaux passant de 3 en 1853, à 2 en 1875 puis 1,7 à partir de
ca1890. Après 1900, les modèles ne sont dotés que d’un seul
panneau, sauf quelques cas particuliers, avec moulurations
droites, rarement à angles rentrants ; moulurations en volutes
jointives baroques, jusque dans les années 1925 dans les modèles
de prestige. Ces volutes jointives définissent le plus souvent
trois panneaux, plus rarement un seul panneau, les volutes
présentant alors une ligne plus simple. La caisse inférieure est
garnie d’un ou deux panneaux, avec ou sans moulurations. Le
socle peut être légèrement cintré. Ce n’est que très rarement
que les panneaux inférieurs sont dotés de sculptures (modèles de
prestige). Les panneaux supérieurs, moins souvent les panneaux
inférieurs, peuvent garnis de sculptures en lyre et feuiles
d’acanthe (années 1890-1910).
Les placages des caisses et des panneaux utilisent diverses
essences : essentiellement palissandre, acajou, noyer,
quelquefois loupe de noyer. Les finitions laquées-vernies noires
sont très appréciées entre 1880 et 1910, époque où les panneaux
peuvent être dotés d’une sculpture néo-baroque, en lyre ou à
ruban ou écusson multilobé (rarement en laiton doré) encadrée de
feuilles d’acanthe.
A la même époque, STAUB combine les placages
en palissandre avec des moulurations et sculptures laquées
noires (modèles « bi-teintes »), généralement bien réussis.
STAUB semble avoir été parmi les rares fabricants à utiliser ce
mode de décor des meubles. Les placages, généralement selon le
fil du bois, prennent une disposition en “diagonale” par quart
de façade peu avant 1910 avec moulurations droites, quelquefois
en volutes, particulièrement bien réussie et la plus prisée des
ébénisteries jusqu’autour de 1930. Une variante originale
associe un placage suboctogonal (à cernes sub-parallèles) à un
fond de façade à placage en diagonale.
Dans les années 1865-1870 (n°2845), STAUB propose également un
modèle à « tablette », ou à avant-corps, reprenant un modèle
déjà fabriqué par Erard dès 1834 (dit modèle anglais). Il sera
souvent réutilisé entre 1880 et 1890. Les tablettes
constitueraient essentiellement un élément décoratif. A la même
époque sont produits des pianos à tablette surbaissée, laissant
place à trois panneaux à moulurations larges et souvent garnis
de sculptures. Au début des années 1890 apparaissent des modèles
à couvercle bi-cylindres qui amène la manufacture à opter pour
une plaque d’adresse rectangulaire sertie au droit du clavier.
Ce type de modèle, qui coexiste avec des modèles plus
classiques, se perpétue, mais plus rarement, jusque vers 1914.
La période post-napoléonienne apparaît comme une période très
fructueuse en innovations stylistiques, comme d’ailleurs chez
d’autres fabricants renommés. Elle correspond à une période
florissante de production où les techniques de finition se
perfectionnent, en particulier celles du vernissage. La
production effective de pianos reprenant le style
néo-baroque-rococco (avec fronton) des pianos présentés aux
expositions (i.e. 1878 ; 1900 avec influences « art nouveau »)
semble être restée limitée aux expositions.
Avec le développement de l’« art déco » et parallèlement aux
modèles plus classiques, apparaissent les premiers pianos aux
lignes plus droites, à placage losangique, triangulaire ou ovale
sur fond de placage selon le fil. Entre 1927 et 1932, mais plus
tardivement que chez Pleyel et Erard, apparaissent les placages
en « demi-soleil » tant dans les panneaux supérieurs et
inférieurs, que sur le couvercle dont les épaulements peuvent
être légèrement galbés. Parmi les derniers instruments (à partir
de 1932), le placage du panneau supérieur a quelquefois été
garni d’une guirlande en marqueterie de motifs carrés (n°28094),
non connus chez les autres fabricants. Ces innovations vont de
pair avec l’évolution du piètement. Très rarement, les joues de
la caisse de clavier (mais non le clavier) est pentée vers
l’avant. Au début, ces modèles coexistent avec les modèles «
classiques », voire avec des modèles à moulurations en volutes
déjà en vogue 20 ans auparavant. En ce sens, STAUB est à
l’avant-garde de l’évolution du style tout en offrant des
variantes plus classiques.
Le clavier.
Jusque vers 1855, le clavier est à 6½ Octaves, du
Do au La. Par la suite, il passe à 7 octaves. La caisse et joues
du clavier sont, souvent jusque vers 1878, à angles biseautés, à
couvercle plat, joues latérales droites ou légèrement galbées,
bec droit fixe ou oscillant, arrondi dans le modèle à tablette
des années 1860. Après 1875, le couvercle est définitivement à
bec arrondi. Une caisse de clavier à joues droites pentées vers
l’avant et couvercle à bec droit et fixe est proposé dans les
années 1930-1935.
Jusque vers 1865, le piètement est en paires de colonnes
spiralées, en chapelets godronnés ou composites spirales et
chapelets. Le dispositif se complète par un pendentif. Ce
piètement se réduit ensuite à un seul pied coiffé d’un motif en
accolade jusqu’autour de 1875 ; il sera ensuite remplacé par des
consoles de style néo-baroque plus ou moins richement sculptées
déjà utilisés sur les instruments de « prestige », quelquefois
traitées en bi-teintes. Ces consoles se maintiendront jusque
vers la fin des années 1925. Avec l’« art déco », sont posées
des consoles galbées, ou en « accolades » nervurées ou non, ou
des pieds droits (en forme de « T ») ou obliques, à chapiteau en
accolade ou droit.
Les bougeoirs, flambeaux ou chandeliers. Entre ou dans les
panneaux latéraux sont fixés des flambeaux. Le plus souvent en
laiton, moins souvent en bronze, ils sont de style généralement
néo-baroque, avec de nombreuses variantes. Des formes plus
simples en parallélogramme articulable, ou « esses » en bronze
sont apposés (modèles économiques). Des modèles s’inspirant de
l’art nouveau ou de l’art déco (feuillages) apparaissent
quelquefois. Ces flambeaux ne sont plus posés après 1927.
Les premières plaques d’adresse sont libellése, comme celles
WARNECKE et Fils, sur papier imprimé avec la raison sociale «
STAUB-WARNECKE Nancy Médaille d’argent 1850 ». Par la suite,
l’inscription esten laiton et sertie dans le placage intérieur
du couvercle et garnie d’un double liséré droit à angles
rentrants curvilignes. Vers 1868 et jusqu’en 1878, la plaque
d’adresse deviendra « STAUB » sans mention de WARNECKE ni de
ville en réponse au retrait des WARNECKE de la manufacture,
entourée d’arabesques et d’un liséré rectangulaire à angles
arrondis (quelquefois à côtés semi-circulaires) ou rinceaux pour
les instruments de pretige (la plaque est alors plus longue).
Après le départ de Guerlach en 1878, la plaque devient « J.
STAUB ».
A partir de 1885 environ, mais déjà auparavant dans les
instruments de prestige, le liséré latéral sera semi-circulaire
et la plaque se complétera par la mention « Médaille d’or Paris
». Ce sera alors la forme définitive utilisée jusqu’en 1936,
quelque soit le style du meuble. En effet, J. STAUB n’a jamais
fait appel aux caractères « art déco » contrairement à d’autres
fabricants, conservant de ce fait le style de la marque déposée
en 1911 par Henri Gabriel STAUB (mandataire Hippolite François
GUERRE en raison du décès de Henri Gabriel STAUB). Une variante
à bords rectangulaires est utilisée dans les modèles à couvercle
bi-cylindre. Plus rarement, sans doute par souci d’économie,
STAUB appose des médaillons en bronze.
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