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Jean Joseph STAUB
(1813 - 1891)
Fabricant de pianos à Nancy

 

 par Jean-Marc STUSSI

(Notice proposée d’après les sources citées en référence)




La ville de Nancy a été dès le début du 19° siècle une plateforme provinciale assez importante en facture de pianos, car on y trouve plusieurs facteurs-fabricants de clavecins et forte-pianos, souvent reconvertis de la facture d’orgues en facteurs d’instruments pendant la Révolution. Jusque vers 1850, leur production est cependant restée artisanale. Parmi les quelques facteurs d’instruments établis (Vautrin, Chevreux et sans doute quelques autres), Joseph STEZLE (1767--1836) a tout lieu d’en avoir été le précurseur, suivi de G.L. WARNECKE (1784-1848), puis de P.H. MANGEOT (1808-1862) dont la manufacture s’est implantée à Paris en 1878.

La plus importante manufacture de pianos nancéienne a cependant été celle de Jean Joseph STAUB. Celui-ci est arrivé à Nancy en 1842. Il sera le bras droit de G.L. WARNECKE jusqu’en 1848 (1, 2). Jean Joseph STAUB vient de Menzingen, petit village à 9 km de Zug en Suisse, où il est né le 9.4.1813, fils de Joseph Silvan STAUB, tonnelier, et Marie Catherine Nussbaumer (¹). On peut présumer qu’il a eu une formation en ébénisterie et facture d’instruments à Zug ou à Zurich. Dès son arrivée, il paraît logique d’admettre qu’il travaillait chez WARNECKE, car peu après, le 10.3.1845, il épouse sa fille Hortense dont il aura cinq enfants vivants (2, 3, 4) :

Marie Elisabeth Georgette, née le 21.10.1846. Elle a épousé à Nancy le 27.1.1866 Johannès Henri Rohde, né le 17 mars 1836 à Paris 22 rue Bellefond, facteur-fabricant de pianos puis Editeur de musique à Paris au 9 rue Caumartin, fils de Jean Rohde, également facteur de pianos à Paris et de Madeleine Louise Pauline Pfablet. Parmi les témoins à ce mariage on note la présence de Louis GERLACH, négociant et futur co-actionnaire (52 ans). Le couple aura six enfants : Paul Henri (o21.1.1867), Marie Madeleine (o16.2.1869), Georges Henri (o22.9.1870), Jeanne (o19.5.1872 - +24.11.1954 Paris 18°), Henriette Suzanne (o6.12.1873), Louis Gaston (o19.8.1876) (3, 5).

Paul Gaspard, né le 28.10.1848, deviendra facteur et fabricant de pianos. Il épousera, le 20.1.1877 à Nancy, Marie Marguerite Aimée Blaise, née le 5.10.1858 à Nancy au 16 rue Saint-Thiébaut, fille de Edouard Blaise, employé de chemin de fer, et de Marguerite Justine Lubert. Le couple a eu trois enfants : René Paul Edouard né le 13.6.1878, devenu « parquetier », resté célibataire jusqu’à son décès le 22.7.1907 ; Marcel Joseph Aimé né le 25.8.1881, qui épousera le 8 septembre 1911 à Nancy, Berthe Augusta Tassin ; Henri Jean né le 5.3.1889 à Nancy. Il est décédé le 15.12.1956 à Vandières où il a résidé entre 1913 et 1956 comme cafetier établi au 52bis route nationale (une autre source indique qu’il était facteur de pianos, ce qui est peu probable car il se déclare hôtelier dès 1913 lors de son 1° mariage). Paul Gaspard et son épouse sont décédés en dehors de Nancy entre 1900 et 1907 (³).

Marceline Anna Maria née le 11.12.1855 ; elle épousera, à Nancy, le 7.7.1877, Hippolite GUERRE, né le 6.4.1849 à Cirey-sur-Vezouze, représentant de commerce puis comptable, enfin Fondé-de-pouvoir chez Fleury – et Cie, maison de transport tenue par Louis Eugène Fleury, témoin au mariage LAMBINET-GUERRE. Cette entreprise aurait pu assurer le transport des instruments de la manufacture STAUB, d’où les relations avec Hippolite GUERRE. Le couple GUERRE-STAUB aura quatre enfants : Eugénie Joséphine Christine née le 29.4.1878 (+23/07/1963 à Nancy) qui épousera Lionel Paulin LAMBINET, tailleur d’habits chez Vaxelaire et Cie; Henriette Octavie Aimée née le 9.9.1879 (+1957 à Nancy) ; elle deviendra l’épouse de Lucien Louis Gény (1883-1943), entrepreneur en peinture ; Suzanne Marcelle Emilie, née le 27.2.1891, épouse de René Louis Marie Pellé (1889-1963), Médecin-major dans l’armée ; Henri Emile né à Nancy 22 juillet 1894 (Reg. Matricules militaires 1914) ; après un apprentissage comme électricien à la Société de Constructions électriques (1911), il est mécanicien en 1914 et rejoint la manufacture BERNET-STAUB où il se qualifiera de facteur de pianos, puis co-copropriétaire de la manufacture STAUB, enfin représentant de commerce en 1936 à la suite de la fermeture de la manufacture. Hippolite GUERRE est décédé le 29 août 1912. En février 1912, il est mentionné comme contact lors de l’annonce de l’adjudication de la manufacture après le décès de Gabriel Henri STAUB. A cette date, il résidait 58 rue Charles III, dans le même immeuble que la famille LAMBINET, immeuble où a également résidé en 1901 le facteur-fabricant de pianos Keiser.

Pauline Octavie née le 28.6.1857 ; elle épousera, à Nancy, le 7.4.1883, Jacques Emile BERNET, employé de commerce, né à Nancy le 24.9.1858. Le couple aura une fille, Marthe Marie née le 26.3.1884. Il résidait, avant 1883, au 32 Faubourg Stanislas où il a certainement connu sa future épouse. S’il n’était pas déjà dans l’entreprise, il y travaillera par la suite comme négociant (1891) pour prendre en 1911, après le décès de son beau-frère Gabriel Henri STAUB, la successsion de la manufacture. Jacques BERNET a été maire de Jarville entre 1919 et 1925.

Gabriel Henry né le 6.1.1859 ; il deviendra facteur et fabricant de pianos, marié le 10.10.1900 à Nancy à Marie Armbruster, née le 15.5.1861 à Nancy, décédée le 8.1.1906. Ce couple n’a pas eu d’enfants. En 1911, Gabriel Henry succèdera à son père à la tête de la manufacture. Marie Armbruster était une demi-sœur de Louis Woerli. Employé de commerce en 1900, Louis Woerli deviendra ensuite contremaître en pianos (1910-1911), puis directeur de la manufacture en 1920. Suite à la fermeture de la manufacture STAUB, il sera représentant de commerce en Arts graphiques en 1936 (³). En 1929, il était également Adminisrateur de la Fabrique du bois des brosses de Gerbéviller, et Président du conseil d’dministration de la société Anonyme des Brosses et Balais.

Enfant mort-né le 20.12.1859. Hortense ne survivra pas à cette dernière naissance car elle décède le 23.12.1859 à l’âge de 35 ans. Jean Joseph STAUB ne se remariera pas.

Après le décès de Georges Louis WARNECKE le 9.3.1848, est créée la manufacture « STAUB-WARNECKE » qui se consacrera uniquement à la facture de pianos malgré la concurrence de la maison nancéienne MANGEOT. Elle paraît être davantage menée par J. STAUB, qui a tout lieu d’avoir été l’instigateur de cette création, que par ses beaux-frères WARNECKE.

La manufacture STAUB-WARNECKE connaît un développement important qui rend nécessaire une extension des ateliers, ce qui est fait en 1861 avec l’installation dans de nouveaux bâtiments (ateliers, direction, résidence) construits à l’angle du Faubourg Stanislas (rue Raymond Poincaré actuelle) et route de Toul (avenue Patton actuelle).

Avec les terrains et bâtiments annexes des 3 et 5 rue de Toul elle y disposait de 2500 m2 d’ateliers dont 1/3 était réservé au travail du bois. Dans les dernières années du site « Stanislas », STAUB disposait également d’une annexe au 8 rue de Toul.

Le rez-de-chaussée de l’immeuble STAUB était réservé aux magasins, ateliers et salle de concerts destinée à l’exposition des différents types de pianos (6, 7). Les étages étaient réservés à l’habitation de la famille STAUB et de locataires parmi lesquels on pouvait compter des collaborateurs (BERNET, Woerli). Les encarts publicitaires donnent une intéressante vue perspective du site, montrant également les emprises le long de la route de Toul (²). Au rez-de-chaussée à l’angle des deux rues, l’immeuble abritait un café loué à différents tenanciers.

Entre 1868 et 1872, la raison sociale de la manufacture devient STAUB-WARNECKE-Guerlach. Pour des raisons commerciales et peut-être fiancières, J. STAUB avait fait appel à un associé en la personne de Louis GERLACH (orthographe francisée de « Guerlach »), courtier de commerce, personnalité de son entourage relationnel, car il a été témoin au mariage de sa fille aînée en 1866.

Louis GERLACH est né à Landau le 19.6.1813 et est arrivé à Nancy en 1849. Le 21.2.1859 il épouse, à Nancy, Marie Aline Lazare née le 10.9.1841 à Nancy, fille de Lazare Michel Pompée, propriétaire, et de Barbe Chimat. L’association avec STAUB est antérieure au décès de F.E. WARNECKE en 1872.

L. GERLACH se retire en 1878 et semble être décédé avant 1890 en dehors de Nancy. De 1873 et 1877, la raison sociale de la manufacture est restreinte à STAUB-Guerlach. L’absence des WARNECKE peut s’expliquer par le décès de François Eugène en 1872 à Rio de Janeiro, et par le départ au début des années 1860 de François Gabriel WARNECKE, le seul fils WARNECKE qui soit resté dans la facture de pianos.

Après le retrait de L. GERLACH en 1878, la raison sociale devient « Manufacture STAUB » dans laquelle Joseph STAUB a toute la maîtrise. En 1881, la manufacture comptait 40 employés (hommes seulement) dont le salaire journalier variait, selon les spécialités, entre 3,50 et 10,50.-francs. L’état de la fabrication était jugé « bon » et celui de la vente « satisfaisant malgré la concurrence étrangère » (⁸). La manufacture n’employait que des hommes (pas d’enfants).



LES COLLABORATEURS DE LA MANUFACTURE

Les collaborateurs les plus proches de G.L. WARNECKE puis de J. STAUB ont évidemment été les fils de l’un et de l’autre, mais aussi quelques artisans proches de ce dernier. L’implication, dans la manufacture nancéienne, des fils de G.L. WARNECKE après 1848 paraît en fait peu déterminante. En effet, au moins trois d’entre eux se sont orientés vers la pratique instrumentale. Nicolas Jules a très tôt entrepris une carrière de pianiste, devenant professeur de pianos et Chef de musique à Lunéville. Celle de François Alexandre WARNECKE est temporaire, car il a quitté Nancy en 1847 avec sa famille pour Paris. Devenu artiste-musicien (violon, alto), on peut supposer qu’au début de sa vie parisienne, il a pu être le représentant parisien de la manufacture, bien qu’aucune adresse commerciale correspondante n’ait été signalée à ce jour. Le rôle de François Eugène s’est sans doute limité à la promotion des instruments STAUB par son activité de professeur de piano et ses déplacements à l’étranger. Il est décédé en 1872 à Rio de Janeiro.

François Gabriel WARNECKE n’est pas resté longtemps dans la manufacture nancéienne, car au début des années 1860, on le trouve comme facteur de pianos à Bayonne. On ne connaît pas les raisons qui l’ont amené à s’installer à Bayonne. Souhait-t-il disposer de son indépendance ?

Ce départ coïncide avec le transfert, qu’il n’a peut-être pas voulu suivre, des ateliers STAUB sur le site « Stanislas ». Il est peu probable qu’il ait fabriqué des instruments, aucun instrument au nom de WARNECKE Bayonne n’ayant été détecté. Il devait plus probablement se consacrer aux entretiens, accords et réparations. Il n’a pu être établi s’il tenait en même temps un magasin de musique comme le faisaient de nombreux autres facteurs de pianos. Un piano STAUB des années 1870 portait une mention « Coffe à Bayonne », le magasin de musique de la place qui l’a vendu, avec lequel François Gabriel aurait pu travailler. Bayonne semble avoir été un pôle d’attraction pour la famille WARNECKE car d’autres membres de cette famille y onnt résidé.

Gabriel Henry STAUB devait s’impliquer dans la gestion technique et commerciale de la manufacture jusqu’au décès de son père en 1891. Il en prend ensuite la direction. On ne connaît pas le rôle exact dans l’entreprise du second fils de J. STAUB, Paul Gaspard. Qualifié de Fabricant de pianos au moins jusqu’en 1895 (³), il a dû y tenir une place essentiellement technique. Aurait-il cependant pris quelques distances avec la manufacture car, en 1900, on trouve un STAUB « pianos 16 rue de Mulhouse » qui ne peut être que lui car il n’y a pas d’autre STAUB s’occupant de pianos à Nancy. On perd ensuite sa trace et il est déclaré décédé (en dehors de Nancy), ainsi que son épouse, lors de la déclaration du décès de son fils René Paul en 1907. Aurait-il pris ou dû prendre ses distances avec la manufacture après le décès de son père ?

Dans les premières années de son activité, STAUB disposait de dépôts de pianos chez des marchands de musique de Toulouse, Besançon, La Chaud-de-Fonds. Dans la capitale, il disposait, dès avant 1862, d’un dépôt chez Husson-Buthod et Thibouville au 254 Saint-Martin. Ceux-ci annoncent qu’ils disposent de « pianos faits spécialement pour l’exportation offrant toutes les garanties de solidité, sommier prolongé en fer, agrafe en cuivre remplaçant le sillet, nouveau genre d’étouffoirs, nouveau système mécanique à vis de pression, pédale céleste progressive » (⁹).

Quelques années plus tard, il pouvait compter sur Jean RODHÉ (ou « ROHDE ») et son fils Johannès Henry RODHÉ, tous deux facteurs et fabricants de pianos installés à Paris 9 rue Caumartin. Ils fabriquaient des pianos droits en exploitant le système mécanique de l’Abbé Pécaut. Johannès Henri, dont la famille a résidé 28 rue Caumartin (1867), 2 rue Godot de Mauroy (1873) et 9 rue Caumartin (1876), était devenu le gendre de J. STAUB par mariage, en 1866, avec sa fille aînée, Marie Elisabeth Georgette (³), ce qui ne pouvait que favoriser l’impact de la manufacture STAUB à Paris. RODHÉ fabriquait et vendait des pianos. Certaines publicités mentionnent que l’usine de fabrication se trouve à Nancy, autrement dit chez STAUB. Le style du meuble est légèrement différent de celui des instruments STAUB, et vendus sous la marque « RODHÉ-STAUB ». Après une séparation de biens du couple RODHÉ-STAUB en date du 22 février 1897 (¹¹), des pianos RODHÉ-STAUB continuent de sortir de la manufacture de Nancy. RODHÉ était également éditeur de musique, en association avec STAUB sous la raison sociale « H. RODHÉ-STAUB, Editeur Facteur de pianos, Paris, 9 rue Caumartin » (¹⁰). Plus pratiquement, la maison RODHÉ-STAUB, qui disposait de ses propres prérogatives commerciales, représentait l’antenne parisienne de la manufacture STAUB de Nancy. En 1903, RODHÉ-STAUB était président de la Chambre Syndicale des Pianos et Orgues, 8 rue des Pyramides à Paris. Les noms de RODHÉ et STAUB sont également associés dans le cadre de la Société en participation dite “Société des Elévateurs (Système Rizet)”, 9 rue Caumartin et 80 rue de Rome – L.M. RODHÉ-STAUB”, dissoute par délibération du 11.12.1899 (¹¹). Qui est L.M. RODHÉ dans cette association ? Un frère de Johannès Henry ou un autre membre de cette famille ?

En Belgique, la manufacture STAUB avait réservé le monopole de vente de ses instruments à E. Pauwels et Fils de Liège (¹²), tandis qu’au début des années 1900, la manufacture était associée à Seybold de Strasbourg pour la construction de pianos mécaniques. A Nevers, son représentant était le magasin Gauthron-Petit. Il assurait régulièrement sa publicité par des encarts en pleine page avec cliché de piano et de simples bandes au nom de la maison apparaissant plusieurs fois dans un même numéro de la Revue des Artistes et enseignement dramatique et musical : « PIANOS J. STAUB NANCY Envoi franco du catalogue ». Malheureusement, à ce jour aucun catalogue n’a pu être trouvé. Dans l’Annuaire Statistique de la Meurthe-et-Moselle et de Nancy, STAUB insérait tous les ans une page complète, d’abord sans gravure, puis avec gravure de l’installation de Nancy puis de celle de Jarville. Dans les dernières années de production, les annonces sont devenues plus simples, sans gravure de site, limitées à un petit encart.



DYNAMIQUE DE LA MANUFACTURE

J. STAUB devait être non seulement très bon facteur de pianos, capable de perfectionner et d’innover, mais était aussi certainement doué d’une très bonne fibre commerciale et industrielle, développée, après son décès, par ses directeurs et leurs adjoints. Près de 29 000 instruments sont sortis de cette manufacture entre 1848 et 1936, plaçant la manufacture de pianos STAUB parmi les plus importantes de France et la plus importante de province. Un peu plus de 10 000 instruments sont sortis de l’usine entre 1848 et 1882 (soit en moyenne près de 300/an en 34 ans, moyenne sans grande signification car dans les débuts la production a été moins importante) et environ 10000 entre 1882 et 1906 soit 415 instruments/an (période qui correspond apparemment à la plus grande production). Cette dynamique lui a valu de figurer dans l’ouvrage de Turgan (⁶) à côté des manufactures de pianos Pleyel, Erard et Gaveau (⁶). Selon Thiolère (⁷), elle était la seule manufacture de pianos provinciale à fabriquer elle-même la totalité de l’instrument. Elle a également valorisé son patrimoine immobilier, en louant, au Faubourg Stanislas, les appartements disponibles, entre autres à L. Woerli entre 1892 et 1912 et à des professeurs de musique (dont piano) et à des cafetiers successifs à l’angle de l’immeuble sur rue

La manufacture a contribué à l’amélioration des techniques du piano tout en adoptant et perfectionnant rapidement celles créées par d’autres grands facteurs de pianos de Paris et d’Allemagne : cadres en bois ou en fer, barrage en fer forgé destiné à prévenir la séparation des cordes, permettant une meilleure tenue de l’accord et de supporter les variations de températures (1854) ; mécanisme à échappement à équerres, perfectionnement du mécanisme inventé par Erard et création de lames étouffoirs (1859) ; perfectionnement du mécanisme à double échappement pour piano droit (1860) ; mécanisme à répétition simple (1875) ; pédale « pianissimo » par un mécanisme rapprochant les claviers des cordes ; clavier transpositeur par demi-tons ; adoption du mécanisme Schwander ; pupitre à bascule. Selon Turgand (⁶) et Thiolère (⁷), la manufacture était considérée comme fabriquant quasiment tous les éléments de ses pianos, ce qui n’était pas strictement le cas, car elle se procurait des mécanismes et des claviers et autres composants chez des spécialistes. En 1920, STAUB proposait des pianos « pneumatiques » et apportait son savoir-faire à la fabrication de pianos mécaniques en association avec Seybolt de Strasbourg.



SUCCESSIONS

Jean Joseph STAUB est décédé le 1.4.1891 à Nancy et a été inhumé au cimetière de Préville dans la tombe familiale. La famille a inséré des avis de décès, encore très peu fréquents à l’époque, dans les quotidiens nancéiens « L’Espérance-Courrier de Nancy », « Progrès de l’Est » et « Journal de la Meurthe », mais aucun de ces journaux n’a publié de notice nécrologique de cet éminent fabricant de pianos. Henry Gabriel, fils cadet de Jean-Joseph STAUB, prend la relève et dirigera la manufacture pendant vingt ans jusqu’à son décès le 20.2.1911 suivi de son inhumation au cimetière de Préville dans le caveau familial (2, 3). Vu l’importance locale et nationale de la manufacture, une trop sommaire notice nécrologique lui a été réservée par « L’Eclair de l’Est » : « M. H. STAUB, fabricant de pianos, 32, Faubourg Stanislas, est décédé lundi matin, après une maladie de quelques jours, à l’âge de 53 ans. La Maison STAUB est l’une des plus anciennes du quartier » (¹³). En 1904, il avait été admis à la Société Industrielle de l’Est.

Suite au décès prématuré de Henry STAUB en 1911, l’administration provisoire de la succession est assurée par Hippolite François GUERRE, gendre de Jean-Joseph STAUB et beau-frère de Henry Gabriel, qui entre autres tâches et de développement de la manufacture, fera procéder à l’enregistrement du logo de la marque « STAUB » et « J. STAUB » auprès du tribunal de commerce de Nancy (¹⁴).

Dans le cadre de la succession, et/ou du projet de reconstruction des ateliers et bureaux à La Malgrange annoncé dès 1912 par la presse spécialisée (« L’Immeuble et la Construction”, 1912, p.919, in Gallica.bnf.fr), peut-être déjà envisagé par Henri Gabriel STAUB avant son décès, il est procédé à une vente par adjudication des biens commerciaux, industriels et immobiliers en date du 26 février 1912.

Les bâtiments du 32 Faubourg Stanislas seront vendus, les parties production étant transférées à Jarville. Le transfert complet de la manufacture ne sera effectif qu’en 1918-1919 avec la construction de la maison directoriale. La manufacture prendra le nom de « E. BERNET-STAUB – Successeur », dans laquelle E. BERNET est le gendre de J. STAUB, « STAUB » concernant logiquement l’épouse de BERNET, Pauline Octavie Marthe STAUB, et sans doute ses frères et soeurs. Il n’a pas pu être précisé si Hyppolite GUERRE, décédé en 1912, et surtout son épouse rentrent également parmi les co-propriétaires de la nouvelle société BERNET-STAUB. Les pianos continueront à être vendus avec la plaque « J. STAUB ». La direction est confiée à L. Woerli, antérieurement contre-maître de la manufacture (2, 3), et qui représentera la maison J. STAUB à la Société Industrielle de l’Est jusque vers 1935.

On ne dispose pour le moment d’aucun élément permettant d’apprécier comment la manufacture a vécu la période de guerre 1914-1918. Sa production a nécessairement dû fortement diminuer, à l’instar d’Erard qui de plus de 1500 instruments par an avant guerre est passé à environ 400 instruments, soit une diminution de plus des 2/3 de la production d’avant-guerre. Il devait en être à peu près de même pour STAUB. Cette « récession » a évidemment été provoquée par une moindre demande, mais aussi par la mobilisation d’une grande partie des employés et par la difficulté d’approvisionnement en matières premières comme pour tous les fabricants de pianos et autres entreprises. Le fabricant de pianos VUILLEMIN-DIDION de Nantes a fourni à ce titre, en 1917, quelques informations intéressantes (Ouest-Eclair, 1917/09/24 n°6530, in Gallica.bnf.fr). Enfin, les installations de Jarville ont servi, à partir du 21.3.1916, d’hôpital d’évacuation (HOE), au même titre que l’usine voisine Fabius-Henrion de matériel électrique (15,16).

Parallèlement à ses fonctions dans la manufacture, E. BERNET a aussi été très actif dans les instances commerciales locales et régionales en tant que membre de la Chambre Syndicale des Facteurs d’instruments de musique et Membre de la Fédération des Facteurs de Pianos et d’Orgues, membre du Conseil d’Administration de sociétés ainsi que membre de l’Union catholique et de la Fraternité et du Conseil paroissial de Jarville. Il a également été maire de Jarville de 1919 à 1925, mandat au cours duquel il a beaucoup œuvré pour un rattachement de Jarville à la ville de Nancy, sans succès ce qui lui peut-être coûté une re-élection en 1925.

Selon M. Pizzi (1983) (¹⁷), la manufacture aurait connu un certain déclin après 1913, peut-être en grande partie du fait de la guerre de 1914-1918 qui a beaucoup ralenti la production de pianos en France. Après la guerre, la production a cependant bien repris pendant une dizaine d’années pour redevenir presqu’équivalente à celle d’avant 1914.

Suite au décès de E. BERNET le 15 mars 1931, la raison sociale de la manufacture deviendra « Manufacture de pianos GUERRE, LAMBINET et Cie - J. STAUB» (²). Ces patronymes ont tout lieu d’être ceux de Henri Emile GUERRE et de André LAMBINET, peut-être aussi des sœurs de H.E. GUERRE, épouses de LAMBINET et Gény. L’un et l’autre se qualifiaient de facteurs de pianos bien que André LAMBINET ait d’abord suivi un apprentissage d’électricien, ait ensuite été ensuite mécanicien (en pianos ?) avant de se qualifier de facteur de piano (1926). Ces qualités ont amenés ces deux facteurs de STAUB à reprendre la manufacture. André LAMBINET est, malgré seulement 10 ans d’écart, un neveu de Emile Henri GUERRE. La raison sociale « GUERRE, LAMBINET et Cie » ne sera cependant plus représentée à la Société Industrielle de l’Est la dernière mention de la manufacture étant celle du décès de E. BERNET-STAUB en 1931 dans la Revue de la Société industrielle de l’Est).



LES SITES DE LA MANUFACTURE

Il n’a pu être précisé si l’association STAUB-WARNECKE (1848) conserve l’atelier du 11 Grand’Rue ou si elle s’est établie ailleurs. L’augmentation de sa production l’amène, en 1860-1861, à construire de nouveaux bâtiments avec usines, ateliers, maison d’habitation, au 32 Faubourg Stanislas (aujourd’hui à l’angle de la rue Raymond Poincaré et de l’avenueg).

La configuration des lieux est bien montrée par les vues en plongée des gravures de publicité parues dans l’Annuaire Statistique de Meurthe-et-Moselle et Nancy. Selon Thiolère (⁷), le stockage et séchage du bois se fait dans les hangars de la cour arrière. Les ateliers sont répartis sur plusieurs étages, les scies à ruban, scies circulaires, raboteuses, dégauchisseuses, toupies, toutes machines actionnées par un moteur à gaz, se trouvant au rez-de-chaussée.

Entre 1913 et 1921, de nouveaux ateliers et maisons directoriales sont construits à Jarville à l’angle de l’avenue de La Malgrande et de la rue Tourtel (rue Général Leclerc aujourd’hui). La gravure en perspective du site ayant servi de publicité dans les années 1920 (³), représente l’ensemble industriel avec de nombreux détails révélateurs de l’organisation rationnelle de la manufacture: stockage du bois à l’air libre et sous hangar, voie ferrée avec wagonnets pour l‘acheminement des matériaux du hangar à un atelier (scierie ?), ateliers sur trois niveaux avec avant-corps d’accueil, bâtiments annexes, maison-porche de gardiennage, maisons directoriales.

L’ensemble industriel et résidentiel avait été réalisé dans le style très spécifique des années 1910-1920. Il mériterait une attention particulière au titre du patrimoine industriel du premier quart du 20° siècle. A Jarville, hormis les zones de stockage du bois et annexes ré-urbanisés après 1920, une partie des bâtiments est actuellement encore en place.



LA PRODUCTION

STAUB semble s’être spécialisé dans la fabrication des pianos droits, celle des pianos à queue étant restée tout à fait accessoire sinon au stade de prototypes car un seul instrument a été mentionné et connu. Turgan (1882) en fournit une gravure, mais on ne sait si ce type a eu du succès chez STAUB, contrairement à Erard, Pleyel et Gaveau. Dans les années 1880, environ 40 employés assuraient cette production. Selon leur spécialité, les salaires journaliers variaient entre 3,25 et 10,50.-Frs.

Le document fourni en 1906 par E. Thiolère, fournit divers renseignements sur cette production (⁷) :

- perfectionnements du mécanisme :mécanique à échappement à équerre ; système de lames d’étouffoirs (1859) ; mécanique à double échappement (1860) ; mécanique à répétition simple (1875). La plupart des mécanisme provenaient cependant de fabricants spécialisés (Gehrling, Schwander).

- installation d’une pédale « pianissimo » perfectionnée qui a été appréciée à l’Exposition de 1878 : « …Les pianos présentés par M. STAUB se recommandent particulièrement à l’attention par un système de pédales qui permet d’obtenir les pianissimo les plus délicats par gradations insensibles. Ce système consiste en un mouvement très ingénieux de bascules qui, en même temps qu’il abaisse le clavier, rapproche le marteau des cordes. La course du marteau comme celle de la touche se trouvant ainsi diminuée simultanément sans secousse, on arrive à produire des sonorités voilées tout à fait charmantes ; ce système déjà connu, mais perfectionné par STAUB, est certainement le meilleur que nous ayons vu jusqu’à ce jour. »

- application et perfectionnement du sytème transpositeur perfectionné;

- pupitre à bascule ;

- types de pianos proposés :

pianos droits à cordes verticales, mécanique à lame à échappemeent, à équerre, barrage en fer forgé, sommiers boulonnés ;


pianos droits à cordes semi-obliques ; même mécanique avec bascule ; modèles standard et grand modèle ;


piano droits à cordes obliques, sillet harmonique en cuivre ; le reste comme dans les modèles précédents ;


pianos droits à cordes croisées à mécanique à prolonges et sillet harmonique en cuivre ; même autres éléments ;


pianos droits demi-obliques à cadre métallique d’une seule pièce, à coudage renversé avec mécanisme à lames ; modèles à cadre croisé, tous deux dotés d’une grande puissance de son et de prix modique.


pianos de luxe aux caisses à goût artistique supérieur, à bois d’essences rares, richement ornés et de tous styles ; ce dont on déduit qu’à une même époque, les modèles pouvaient être très variés ; modèles à tablette et plaque d’adresse stylisée ; caisse inférieure droite ou cintrée;


essences utilisées pour les caisses : palissandre, acajou, noyer, poirier teint ou bois noir (modèles bi-teintes), bois de rose, tuya…


autres essences utilisées : chêne, hêtre, sapin, noyer, érable, cormier (ossature et table d’harmonie) ; poirier, cormier, alisier, érable, charme, tilleul, ébène (mécanique, clavier).

 

En réalité, comme tous les fabricants, STAUB s’approvisionnait en nombreux éléments de base ou accessoires auprès de divers fournisseurs spécialisés. Selon F. Jacquot (facteur de pianos, communication écrite 2015, que nous remercions pour ses informations), STAUB a utilisé les mécanismes suivants (cela confirme que dès les origines, les fabricants faisaient appel à des maisons spécialisées dans l’utilisation des composants des pianos) :

- à lames et peigne avant 1880 ;
- Gehrling de 1894 à 1919; Gehring-Douillet dans les années 1910-1920 ;
- Schwander puis Schwander-Herrburger entre 1919 et 1936; l’adoption du mécanisme Schwander est cependant mentionnée par Thiolère dès 1906, son utilisation étant sans doute réservée à des instruments de prestige, car ce mécanisme, très robuste, coûtait plus cher que les autres.
- Mécanisme UNION à partir de 1925 jusqu’à la fermeture ; utilisé parallèlement à la mécanique Schwander-Herrburger. Les mécanismes UNION, moins chers que les mécanismes Schwander-Herrburger, sont ceux d’une sous-marque de Schwander-Herrburger.

La maison faisait appel aux claviers des maisons Muller (années 1860), G. Folmer et Schneider (années 1870-1888), Renaudin (années 1880), Monti (1894 – 1911), Schwander de 1920 à 1936 et Union (1925-1936) (F.Jacquot, comm. Écrite 2015). Les caisses (ou meubles) étaient confectionnées par la maison STAUB, ce à quoi se réfèrent sans doute les assertions de Thiolère (⁷) selon lequel STAUB « est la seule manufacture de province dans laquelle toute la fabrication est entièrement faite depuis le travail du bois jusqu’au finissage ». D’autres composants ont pu être fournis par des spécialistes parisiens (Dupont, Hébert, Pourtier consoles, sculpteurs), Lévêque (adresses), Chevrel marqueterie), Lerchenthal et Gérard (ivoire, touches), Colin-Truchaut (marteaux), Muller ou Pinel (flambeaux).

Jusque vers 1855, les pianos n’étaient dotés que d’une seule pédale et l’étendue des claviers allait du Do0 au La6. Ils passent ensuite à La0-La7 et deux pédales. Dans les dernières années de la production, STAUB a équipé certains de ses instruments d’une 3° pédale de sourdine qui par l’intercalation d’un feutre entre les marteaux et les cordes, atténue le son du jeu (particulièrement utile en appartement).

Entre 1900 et 1930, la manufacture était associée à Seybold de Strasbourg pour la construction de pianos mécaniques ou pneumatiques. Quelques-uns de ces instruments étaient encore en vente dans les dernières années. La finition d’époque paraît soigneusement réalisée.



COMMERCIALISATION DES INSTRUMENTS

Turgand (⁶) et Thiolère (⁷) rapportent que STAUB vendait ses instruments non seulement en France, mais également à l’étranger. WARNECKE bénéficiait de dépôts à Besançon (1842-1845, peut-être suite au séjour du fils WARNECKE fils en cette ville) et à Lyon. STAUB-WARNECKE, puis STAUB élargit son domaine de vente, dès 1850 – 1860, à Toulouse, Aix-la-Chapelle, Cologne, La Chaux-de-Fonds, Metz après 1860. En Belgique, la maison Esther avait le monopole de vente dans ce pays (plaque d’adresse). En France, ses secteurs de vente les plus importants semblent avoir été la moitié nord de la France, mais de nombreuses ventes ont aussi été effectuées en Rhône-Alpes et en Auvergne, a priori plus rarement vers le sud-ouest, peut-être en raison du coùt plus élevé d’acheminement des instruments et de la proximité de fabricants régionaux (Lété, Didion, Vuillemin). On ne sait si François Gabriel WARNECKE, établi à Bayonne à partir de 1862 environ, a contribué à développer la vente des pianos STAUB dans le sud-ouest. Outre la vente auprès de marchands de musique, STAUB a également fourni des instruments, numérotés, à des vendeurs apposant leur propre plaque d’adresse. Ainsi rien qu’à Nancy, il a fourni des instruments à Metzner, Jacquot, Matthis et Barthélemy, qui n’ont eux-mêmes jamais été fabricants.



PRÉSENCE AUX EXPOSITIONS. RÉCOMPENSES

La période la plus florissante de la manufacture J. STAUB se situe entre 1880 et 1914. Ses efforts ont été récompensés par de nombreux prix et médailles lors des expositions régionales, nationales et universelles qui lui ont assuré une large clientèle (¹⁹) :

- 1850 : Exposition de Toulouse (deux ans après la création de la manufacture), Médaille d’Argent (Journal de Toulouse du 17/2.1851). Le Feuilleton du Journal de Toulouse du 17 septembre 1850 relate que “celui (le piano) de M. STAUB-WARNECKE, de Nancy, renferme un mécanisme parfait et une double table d’harmonie, qui doit augmenter la sonorité du piano. La facture est faite avec soin et talent”. Le piano STAUB-WARNECKE n°690, avec clavier au Do et une seule pédale, daterait des premières années 1850.
- 1855 : Présent à l’exposition universelle de Paris, mais pas de récompense ni de mention (comme d’ailleurs MANGEOT).
- 1857 : Exposition, Médaille d’honneur nationale ;
- 1861, Exposition Universelle de Metz : médaille d’argent de 2° classe, petit module (MA2) ;
- 1864 : Exposition franco-espagnole de Bayonne : médaille de bronze ;
- 1878 : Exposition Universelle de Paris : médaille de bronze pour des pianos droits fabriqués de toutes pièces, à double échappement. Les éloges sont nombreux (Compte rendu Exposition Universelle de Paris 1878. “En tête de ce mouvement il faut placer M. J. STAUB dont les succès sont d’autant plus remarquables que, bien différents des maisons qui déjà connues, pouvaient travailler hardiment grâce à leurs capitaux considérables et à leur situation prépondérants. Il débuta seul, sans ressources, et ne dut qu’à lui-même la haute position qu’il parvint à acquérir, s’adjoignant d’années en années des ouvriers choisis, augmentant et perfectionnant graduellement son outillage, la supériorité constante de ses produits lui valut une place des plus honorables dans la facture… De patientes études et des recherches incessantes permirent à M. J. STAUB de créer et d’appliquer dès 1854, un nouveau barrage en fer, destiné à éviter la séparation des cordes, et représentant une parfaite liaison sans courbures entre les deux parties d’attache. Non content de ce perfectionnement qui augmenta sensiblement la vogue dont jouissait déjà sa maison, M. J. STAUB, créa en 1859, une mécanique à échappement à équerre, un nouveau système de lames d’étouffoir, et un genre de pédale progressive pianissimo à bascule remplaçant la céleste; cette pédale présente cet avantage énorme qu’elle facilite à l‘exécutant la progression des sons, depuis le son naturel jusqu’au pianissimo et n’a pas l’inconvénient de dénaturer le timbre de l’instrument. Sans s’arrêter dans cette voie qu’il parcourait avec tant de succès, M. J. STAUB créa encore et appliqua en 1860, une mécanique à double échappement pour pianos droits, mécanique à laquelle il fit plus tard subir d’importants perfectionnements; en 1875, il fit encore parfaire une mécanique simple à répétition, et tout récemment un nouveau piano droit demi-oblique à cordage renversé. La solidité exceptionnelle de cette fabrication, qui grâce à son genre de barrage de fer peut supporter toutes les températures sans être le moins du monde incommodée, se recommande particulièrement pour l’exportation, aussi M. J. STAUB, voit-il augmenter tous les jours ses débouchés. L’Algérie, l’Allemagne, la Belgique, les Etats-Unis, l’Espagne, la Hollande, le Luxembourg, la Suisse, etc., lui donnent une sérieuse clientèle. Ailleurs, il est dit que « Ce facteur qui s’inspire de Woelfel, cherche à innover » (20, 21).

- 1879 : Exposition Internationale de Paris : médaille d’or.
- 1880 : Exposition industrielle de Bar-le-Duc : diplôme d’honneur hors concours ;
- 1881 : Exposition industrielle d’Epinal : première médaille d’or offerte par la Chambre de Commerce des Vosges ;
- 1894 : Exposition Universelle d’Anvers : médaille d’argent ;
- 1894 : Exposition internationale de Lyon, Médaille de bronze :
- 1897 : Exposition Universelle de Bruxelles : médaille d’or (pianos droits et de divers formats) ; les gravures représentant l’un de ces pianos ne sont pas bonnes, mais donnent une idée de la recherche dans le décor baroque.
- 1900 : Exposition Universelle de Paris : médaille de bronze ; 7 pianos droits exposés dont un seul, très richement décoré, a fait l’objet d’une vente en 2018.
- 1902 : Exposition de Hanoï : médaille d’or ;
- 1905 : Exposition de Liège : Diplôme d’Honneur et grand prix en collectivité. Dans les C.R. de l’exposition, une demi-page est consacrée à la manufacture STAUB avec photo d’un instrument (laqué noir) de style baroque-rococo ;
- 1909 : Exposition Internationale de l’Est de la France (Nancy) : Grand Prix. “La Maison STAUB de Nancy, avait exposé des pianos d’une construction irréprochable” (²²).

 



LA NUMÉRATION des pianos STAUB

Avec une production de près de 29 000 instruments en 107 ans d’existence (y compris la production de WARNECKE), la manufacture STAUB figure parmi les principaux fabricants de pianos français provinciaux ayant suivi l’essentiel de la chaîne de fabrication. Il n’existe cependant pas de liste chronologique de fabrication des pianos STAUB équivalente à celles d’ERARD, PLEYEL et GAVEAU.

Il en est proposé une élaborée à partir de données bibliographiques et de renseignements de propriétaires. Elles présentent des fiabilités plus ou moins grandes. Suggérée par périodes de 5 ans, sa précision peut être suffisante pour la datation d’instruments dont les caractéristiques techniques et stylistiques n’évoluent que lentement. Les premières années demandent à être précisées. La chronologie débute en 1850 avec 500 instruments présumés être sortis de l’atelier de WARNECKE et pendant les deux premières années de STAUB-WARNECKE. La courbe chronologique correspondante montre évolution de la production évidemment non linéaire, permettant une approximation dans la datation des instruments à partir de leur n° de série dans des fourchettes de 5 ans.

PÉRIODES   PÉRIODES
1850 500   1895 15100
1855 870   1900 17650
1860 1660   1905 19500
1865 2850   1910 21550
1870 4170   1915 24000
1875 6450   1920 24500
1880 9500   1925 26100
1885 11600   1930 28000
1890 13300   1936 28850

Esquisse chronologique de la production de la manufacture STAUB entre 1850 et 1936. Documents auteur inédits.

 

Pianos STAUB récupérés après 1914-1918

On apprend par le « Bulletin des territoires libérés » des années 1920-1926, que de nombreux pianos récupérés dans les zones sinistrées et occupées par les Allemands pendant les hostilités, faisaient l’objet d’annonces de vente aux enchères (23, 24). Ces instruments, au nombre de 1730 environ, avaient été réunis par l’administration en divers lieux des départments du Pas-de-Calais, du Nord (>700 instruments), des Ardennes, Meuse, Meurthe-et-Moselle, Marne et de l’Oise. Il s’agissait soit de pianos réquisitionnés par l’occupant, soit d’instruments abandonnés dans les immeubles sinistrés et que leurs propriétaires n’avaient pas récupérés après l’armistice. De nombreux pianos de facteurs surtout français, plus rarement belges (17 pianos) et allemands (4 instruments probablement d’importation d’avant les hostilités) sont ainsi répertoriés, parmi lesquels se trouvaient environ 74 pianos STAUB décrits uniquement par leur n° de série, seul moyen de permettre aux propiétaires de retrouver leur bien s’ils pouvaient en justifier l’origine. Environ 13% des instruments STAUB recensés étaient antérieurs à 1880, ce qui suppose un parc de pianos relativement ancien. La majorité des autres dataient d’entre 1880 et 1905 (numérotés entre 8000 et 20000). Le piano le plus récent, numéroté 23793 (lieu de stockage : Carvin, Nord ; localité occupée d’octobre 1914 à octobre 1918) suppose qu’il s’agissait d’un instrument pratiquement neuf, car les estimations de datation des pianos à partir du n° de série faites par ailleurs admettent une production atteignant environ 23820 instruments en 1914. Il est intéressant de remarquer que dans l’inventaire établi, le nombre de pianos STAUB recensés est voisin de celui des pianos Erard (75 instruments) et de Gaveau (78 instruments) – pourtant réputés pour leur qualité sonore supérieure et leur production plus importante que celle de STAUB - eux-mêmes moins nombreux que ceux de Pleyel (137 ; le plus important fabricant à l’époque) et Bord (110). Ceci montre que, malgré une statistique certes insuffisante, certaines marques, STAUB en particulier, avaient des régions d’implantation commerciale de prédilection par rapport à d’autres fabricants. Cette particularité était déjà apparue antérieurement à partir d’autres relevés concernant STAUB.



DÉCLIN & FERMETURE

Comme de nombreuses autres manufactures de pianos du pays, entre autres la petite manufacture nancéienne Bever-Carré (dès 1931), STAUB a dû cesser son activité fin 1936. Selon une source orale anonyme non confirmée, le site, sans doute insuffisamment protégé, aurait été dépouillé de ses bois en particulier des bois de placage. Toutefois, dès après 1920, la manufacture semble déjà devoir céder, sans doute en liaison avec l’achèvement des nouvelles installations et la relance de la production après la guerre, une partie de son terrain (jardins) pour une urbanisation progressive le long de la rue Tourtelle avec des maisons de ville datées de 1922 à 1929. Les difficultés financières sérieuses se présentent cependant après 1932, la production diminuant drastiquement à moins d’une centaine d’instruments par an. Dès le printemps 1936, Louis Woerli n’en est plus administrateur et travaille comme représentant dans une entreprise d’Arts graphiques, tandis que Emile Henri GUERRE devient représentant de commerce (1936). Les employés sont en chômage. L’arrêt définitif de la production se situerait en automne 1936.

Dernière annonce de la manufacture (1936), « liqu. » étant traduit par « en liquidation ».
Encart publicitaire ayant paru au printemps 1936 (²).
A la fin des années 1930, les bâtiments de l'ancienne usine STAUB avaient été acquis par l'Etat par voie d'expropriation, sans doute peu avant ou en vue de la mobilisation générale de 1939 par le Ministère de la guerre et utilisés comme centre mobilisateur en 1939-1940 (¹⁸). Actuellement, c’est la compagnie de CRS 39 qui l’occupe, le porche d’entrée étant resté celui de la manufacture STAUB. Les résidences directoriales sont restées des propriétés privées.


EPILOGUE

En plus de 100 ans d’activité, l’atelier WARNECKE, puis la manufacture STAUB-WARNECKE et enfin J. STAUB, sont loin de démériter sur la scène de la facture de pianos française. Avec près de 29000 instruments produits, Jean Joseph STAUB et ses successeurs ont hissé l’atelier artisanal de WARNECKE à la hauteur d’une importante manufacture qui peut s’aligner fièrement à côté de quelques autres fabricants parisiens ou provinciaux tels Bord, Mussard, Klein, Boisselot. Spécialisé dans les pianos droits car n’ayant sans doute pas voulu se lancer dans les pianos à queue, la qualité et la robustesse de ses pianos a été maintes fois soulignées par les connaisseurs. Parallèlement à des instruments standards destinés au “grand public”, il a aussi produit des instruments “haut de gamme” attirant l’oeil du pianiste par un décor et une finition plus élaborés dont ont été dotés encore jusqu’à ces dernières années quelques foyers. Surmontant avec difficultés les alea de la guerre de 1914-1918, après laquelle elle a néanmoins repris un bel essor, la manufacture ne pourra cependant pas résister à la crise des années 1929-1935 et devra alors cesser son activité.


RÉFÉRENCES

(¹) – Stussi J.M. (2012). – Les facteurs de pianos nancéiens entre 1800 et 1936. Eléments biographiques. In : http://www.musimem.com/biographies.html . Et: Joseph STEZLE, un pionnier de la facture de pianos, à Nancy, au début du 19° siècle. Pays Lorrain, vol. 93, p.147-152.
(²) - Archives Municipales Nancy, Annuaire Statistique de la Lorraine et de Nancy.
(³) - Archives Municipales Nancy, Etat Civil NMD – Archives Municipales Nancy, Répertoire de la Population (1800-1929). Etat civil (BMS, NMD) en ligne : Nancy. Archives départementales de Meurthe-et-Moselle : Listes nominatives de Nancy numérisées, 1901 à 1936. Listes nominatives de Jarville numérisées, 1911 à 1936. Registre de matricules militiares.
(⁴) - Entre 1875 et 1879, un Johann Heinrich STAUB de Hütten (ZH) est déclaré « Klaviermacher » et bourgeois de Zurich. La localité de Hütten se situe à 7,5 km à l’E de Mensingen d’où est originaire J.J. STAUB de Nancy. Y aurait-il un lien entre ce Johann Heinrich et STAUB et J.J. STAUB de Nancy ? Cousin, neveu ?
(⁵) – Etat civil de Paris – Archives numérisées en ligne : http://canadp-archivesenligne.paris.fr/
(⁶) – Turgan J., 1882. Les Grandes Usines en France et à l’étranger. Etudes industrielles. Paris, Calmann-Lévy.
(⁷) – Thiolère E. (1906) Manufacture de Pianos. J. STAUB à Nancy. Bull. Soc. Ind. Est, Nancy, N47, A23, p.1233-141. In : http://gallica.bnf.fr/ark:/
(⁸) - Archives municipales Nancy, 2F-44, et Troux Ch. (1932). – Deux documents sur l’industrie nancéienne en 1826. in : Le Pays Lorrain, février 1932, p.77-84.
(⁹) - Annuaire-Almanach commerce, 1862, p.1008
(¹⁰) - Le Ménestrel, Paris, 1878-1898. in : http://www.gallica.bnf.fr.
(¹¹) - Archives commerciales de France. Journal hebdomadaire : 1875.12.26, A2, N6-4 ; 1875.12.30 A2-N65 ; 1886/07/17 – (N57-A13), p.893 ; 1896/12/16.
(¹²) - in http://www.pianoesther.be/Pauwels (site plus accessible)
(¹³) – Journal de la Meurthe, 21.2.1911. Fond Bibliothèque – Médiathèque de Nancy.
(¹⁴) – Haine M. – Les marques de fabrique des facteurs d’instruments de musique déposées au greffe du Tribunal de Commerce de Paris de 1860 à 1919 (Archives de Paris). In: http://iremus.huma-num.fr/marques-instruments-musique/search/site/STAUB
(¹⁵) – Usine Fabius-Henrion de Jarville. In:
(¹⁶) – HOE 15/1 Jarville. In : http://hopitauxmilitairesguerre1418.overblog.com/2016/05/ambulances-1914-1918-lettre-j.html
(¹⁷)- M. Pizzi (1983) - Hisoire du piano de 1700 à 1950
(¹⁸) – Histoire de la CRS 39. In : http://polices.mobiles.free.fr/histoire%20cie/HISTORIQUE%20CRS-39.pdf
(¹⁹) - Haine M. (2008). Tableaux des Expositions de 1798 à 1900. in : https://www.nakala.fr/nakala/data/11280/7cc3bbb7.
(²⁰) - Compte rendu Exposition Universelle de Paris 1878. In gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 4-V-564)
(²¹) - Chouquet G., 1878, Rapport sur les instruments de musique. Exposition Universelle internationale de 1878, Paris. https://sharedocs.huma-num.fr/wl/?id=S8r6h690lgO6LdDllDroaSkgeq07Mg6O&path=Chouquet_Paris_1878.pdf
(²²) – Bulletin Société Industrielle de l’Est, 1910/02, (N77, A27).
http://www.lamptech.co.uk/Documents/Catalogues/Cat%20Fabius%20Henrion%201909%20FR.pdfhttp://www.lamptech.co.uk/Documents/Catalogues/Cat%20Fabius%20Henrion%201909%20FR.pdf
(²³) - Pianos Erard et Pleyel, numéros de série : In : Archives Erard et Pleyel,

 http://archivesmusee.citedelamusique.fr/pleyel/archives.html
(²⁴) - Bulletin des régions libérées, 1920-1924, in Gallica, bnf.fr




EVOLUTION DE QUELQUES CARACTÉRISTIQUES

Le meuble.

A l’instar des buffets d’orgues, l’aspect extérieur du piano cherche à attirer l’œil du musicien par une présentation stylistique engageante. Celle-ci évolue avec le temps selon les courants artistiques en cours. Parallèlement aux pianos « standards », tous les fabricants de pianos ont proposé, peut-être aussi en réponse à des commandes particulières, des meubles à la décoration très recherchée, en particulier dans le dernier quart du 19° siècle.

On ne connaît pas de piano carré sorti des ateliers de WARNECKE et de WARNECKE et Fils, ni même s’il a pu en fabriquer. Le premier instrument détecté de ce facteur est un piano droit à panneaux supérieurs ajourés dotés de motifs néo-gothiques ou « troubadour » ajourés aux ouvertures garnies, à l’arrière, d’un tissu brun-rouge, conformément aux pratiques alors en usage. Il est nécessairement antérieur à 1848. Les pieds sont droits, tournés en chapelets, avec pendentif sous le boitier du clavier. Un guillochage assure la finition des moulurations (cf. notice WARNECKE).

Les premiers instruments sortis de la manufacture de STAUB-WARNECKE ne devaient pas différer significativement de ceux fabriqués par WARNECKE. Le plus ancien instrument connu et présumé de 1853, (n°690) est à couvercle plat et bec droit, à trois panneaux pleins et flambeaux, double piètement en chapelets godronnés, moulurations guillochées, clavier Do-La, une seule pédale, plaque d’adresse imprimée sur papier « STAUB-WARNECKE Nancy Médaille d’argent 1850 » (Toulouse). Dans les autres modèles proposés, la « caisse » inférieure est droite ou lègèrement cintrée, à un ou deux panneaux. Comme chez tous les fabricants, le clavier passe à La-La à partir de 1855, une deuxième pédale apparaît, les autres caractéristiques restant à peu près les mêmes jusque vers 1865.

Après 1865, les moulurations seront droites (le guillochage disparaît chez tous les fabricants), simples ou à doubles nervures. Dans un seul modèle observé les panneaux sont occupés par des miroirs (n°3254-1867), peut-être en réponse à la demande particulière d’un client ? Dans les débuts de la production de STAUB-WARNECKE, la hauteur des panneaux supérieurs est réduite.

Elle augmente par la suite, le rapport hauteur façade/hauteur panneaux passant de 3 en 1853, à 2 en 1875 puis 1,7 à partir de ca1890. Après 1900, les modèles ne sont dotés que d’un seul panneau, sauf quelques cas particuliers, avec moulurations droites, rarement à angles rentrants ; moulurations en volutes jointives baroques, jusque dans les années 1925 dans les modèles de prestige. Ces volutes jointives définissent le plus souvent trois panneaux, plus rarement un seul panneau, les volutes présentant alors une ligne plus simple. La caisse inférieure est garnie d’un ou deux panneaux, avec ou sans moulurations. Le socle peut être légèrement cintré. Ce n’est que très rarement que les panneaux inférieurs sont dotés de sculptures (modèles de prestige). Les panneaux supérieurs, moins souvent les panneaux inférieurs, peuvent garnis de sculptures en lyre et feuiles d’acanthe (années 1890-1910).

Les placages des caisses et des panneaux utilisent diverses essences : essentiellement palissandre, acajou, noyer, quelquefois loupe de noyer. Les finitions laquées-vernies noires sont très appréciées entre 1880 et 1910, époque où les panneaux peuvent être dotés d’une sculpture néo-baroque, en lyre ou à ruban ou écusson multilobé (rarement en laiton doré) encadrée de feuilles d’acanthe.

A la même époque, STAUB combine les placages en palissandre avec des moulurations et sculptures laquées noires (modèles « bi-teintes »), généralement bien réussis. STAUB semble avoir été parmi les rares fabricants à utiliser ce mode de décor des meubles. Les placages, généralement selon le fil du bois, prennent une disposition en “diagonale” par quart de façade peu avant 1910 avec moulurations droites, quelquefois en volutes, particulièrement bien réussie et la plus prisée des ébénisteries jusqu’autour de 1930. Une variante originale associe un placage suboctogonal (à cernes sub-parallèles) à un fond de façade à placage en diagonale.

Dans les années 1865-1870 (n°2845), STAUB propose également un modèle à « tablette », ou à avant-corps, reprenant un modèle déjà fabriqué par Erard dès 1834 (dit modèle anglais). Il sera souvent réutilisé entre 1880 et 1890. Les tablettes constitueraient essentiellement un élément décoratif. A la même époque sont produits des pianos à tablette surbaissée, laissant place à trois panneaux à moulurations larges et souvent garnis de sculptures. Au début des années 1890 apparaissent des modèles à couvercle bi-cylindres qui amène la manufacture à opter pour une plaque d’adresse rectangulaire sertie au droit du clavier. Ce type de modèle, qui coexiste avec des modèles plus classiques, se perpétue, mais plus rarement, jusque vers 1914.

La période post-napoléonienne apparaît comme une période très fructueuse en innovations stylistiques, comme d’ailleurs chez d’autres fabricants renommés. Elle correspond à une période florissante de production où les techniques de finition se perfectionnent, en particulier celles du vernissage. La production effective de pianos reprenant le style néo-baroque-rococco (avec fronton) des pianos présentés aux expositions (i.e. 1878 ; 1900 avec influences « art nouveau ») semble être restée limitée aux expositions.

Avec le développement de l’« art déco » et parallèlement aux modèles plus classiques, apparaissent les premiers pianos aux lignes plus droites, à placage losangique, triangulaire ou ovale sur fond de placage selon le fil. Entre 1927 et 1932, mais plus tardivement que chez Pleyel et Erard, apparaissent les placages en « demi-soleil » tant dans les panneaux supérieurs et inférieurs, que sur le couvercle dont les épaulements peuvent être légèrement galbés. Parmi les derniers instruments (à partir de 1932), le placage du panneau supérieur a quelquefois été garni d’une guirlande en marqueterie de motifs carrés (n°28094), non connus chez les autres fabricants. Ces innovations vont de pair avec l’évolution du piètement. Très rarement, les joues de la caisse de clavier (mais non le clavier) est pentée vers l’avant. Au début, ces modèles coexistent avec les modèles « classiques », voire avec des modèles à moulurations en volutes déjà en vogue 20 ans auparavant. En ce sens, STAUB est à l’avant-garde de l’évolution du style tout en offrant des variantes plus classiques.

Le clavier.

Jusque vers 1855, le clavier est à 6½ Octaves, du Do au La. Par la suite, il passe à 7 octaves. La caisse et joues du clavier sont, souvent jusque vers 1878, à angles biseautés, à couvercle plat, joues latérales droites ou légèrement galbées, bec droit fixe ou oscillant, arrondi dans le modèle à tablette des années 1860. Après 1875, le couvercle est définitivement à bec arrondi. Une caisse de clavier à joues droites pentées vers l’avant et couvercle à bec droit et fixe est proposé dans les années 1930-1935.

Jusque vers 1865, le piètement est en paires de colonnes spiralées, en chapelets godronnés ou composites spirales et chapelets. Le dispositif se complète par un pendentif. Ce piètement se réduit ensuite à un seul pied coiffé d’un motif en accolade jusqu’autour de 1875 ; il sera ensuite remplacé par des consoles de style néo-baroque plus ou moins richement sculptées déjà utilisés sur les instruments de « prestige », quelquefois traitées en bi-teintes. Ces consoles se maintiendront jusque vers la fin des années 1925. Avec l’« art déco », sont posées des consoles galbées, ou en « accolades » nervurées ou non, ou des pieds droits (en forme de « T ») ou obliques, à chapiteau en accolade ou droit.

Les bougeoirs, flambeaux ou chandeliers. Entre ou dans les panneaux latéraux sont fixés des flambeaux. Le plus souvent en laiton, moins souvent en bronze, ils sont de style généralement néo-baroque, avec de nombreuses variantes. Des formes plus simples en parallélogramme articulable, ou « esses » en bronze sont apposés (modèles économiques). Des modèles s’inspirant de l’art nouveau ou de l’art déco (feuillages) apparaissent quelquefois. Ces flambeaux ne sont plus posés après 1927.

Les premières plaques d’adresse sont libellése, comme celles WARNECKE et Fils, sur papier imprimé avec la raison sociale « STAUB-WARNECKE Nancy Médaille d’argent 1850 ». Par la suite, l’inscription esten laiton et sertie dans le placage intérieur du couvercle et garnie d’un double liséré droit à angles rentrants curvilignes. Vers 1868 et jusqu’en 1878, la plaque d’adresse deviendra « STAUB » sans mention de WARNECKE ni de ville en réponse au retrait des WARNECKE de la manufacture, entourée d’arabesques et d’un liséré rectangulaire à angles arrondis (quelquefois à côtés semi-circulaires) ou rinceaux pour les instruments de pretige (la plaque est alors plus longue). Après le départ de Guerlach en 1878, la plaque devient « J. STAUB ».

A partir de 1885 environ, mais déjà auparavant dans les instruments de prestige, le liséré latéral sera semi-circulaire et la plaque se complétera par la mention « Médaille d’or Paris ». Ce sera alors la forme définitive utilisée jusqu’en 1936, quelque soit le style du meuble. En effet, J. STAUB n’a jamais fait appel aux caractères « art déco » contrairement à d’autres fabricants, conservant de ce fait le style de la marque déposée en 1911 par Henri Gabriel STAUB (mandataire Hippolite François GUERRE en raison du décès de Henri Gabriel STAUB). Une variante à bords rectangulaires est utilisée dans les modèles à couvercle bi-cylindre. Plus rarement, sans doute par souci d’économie, STAUB appose des médaillons en bronze.

Sur ce site : WARNECKE  &  STAUB (°1848)