MANUFACTURE DE PIANOS DE H. PRUVOST, À
PARIS
"Parmi
les instruments de musique, le piano est aujourd'hui le plus universellement
répandu ; il doit ses succès à l'avantage qu'il a de former une harmonie
complète et de permettre à un seul exécutant de réduire toutes les parties
d'un orchestre.
Le piano, sur lequel tous les sons de l'échelle musicale, fixés à l'avance,
n'attendent que la pression de mains habiles pour vibrer en gerbes d'accords
harmonieux ou pour éclater en gammes et arpèges rapides,
« serait le premier des
instruments, a dit l'illustre Halévy, si l'orgue n'existait pas. »
L'industrie des pianos est incontestablement l'une des plus
importantes et des plus productives. Le nombre des fabricants est devenu
considérable.
Malheureusement, chez beaucoup d'entre eux il n'y a plus de facteurs
proprement dits, il n'y a plus d'art, il n'y a plus que du métier consistant
simplement à faire l' assemblage des diverses parties de cet instrument.
Dans des ateliers spéciaux du faubourg Saint-Antoine se fabrique, en grande
industrie, des meubles de pianos de toutes dimensions ; d'autres fabricants
confectionnent les mécaniques, claviers, marteaux, touches d'ivoire et
d'ébène, etc., etc.
Après avoir travaillé dans les ateliers d'un facteur, l'ouvrier
s'établit, achète tous ces éléments disparates, les assemble avec plus ou
moins d'habileté, et de tout cela sort un piano, mais quel piano !
La pensée de produire un bon instrument n'existe même pas : faire le
meilleur marché possible afin de trouver un débit facile est la seule
préoccupation.
D'autre part les grands facteurs, ceux qui ont créé, il y a quarante,
cinquante ou soixante ans, un type de piano qui a fait leur réputation et
leur fortune, se refusent à introduire dans leur fabrication aucune
modification et ne songent même pas à étudier les découvertes et inventions
récentes pour les perfectionner et en faire profiter leur clientèle.
Cet état de choses aurait pour conséquence, dans un avenir prochain, la
décadence complète de la fabrication française des pianos, si quelques
facteurs, réellement épris de leur art et pénétrés de l'excellence des
principes et des procédés qui ont donné à nos grandes manufactures leur
vogue et leur réputation, n'étaient en même temps des hommes de progrès dans
le sens philosophique du mot, et ne cherchaient constamment à développer et
à perfectionner leur industrie.
C'est à cette catégorie de facteurs véritablement consciencieux et en même
temps artistes habiles qu'appartient M. Henri Pruvost, et si nous présentons
aujourd'hui sa maison à nos lecteurs, c'est qu'il nous paraît avoir réalisé
un progrès des plus importants dont chacun pourra aisément apprécier la
haute valeur artistique et pratique.
Cadre en fer pour piano, nouveau
système de la maison Henri Pruvost,
Le Panthéon de l'industrie : journal hebdomadaire
illustré, 29/04/1888, p. 116 (gallica.bnf.fr)
La construction d'un bon piano est un des problèmes les plus
difficiles à résoudre.
Puissance de son, éclat sans sécheresse, égalité dans toute l'étendue du
clavier, articulation prompte du mécanisme, telles sont les principales
qualités que l'on doit rechercher et que l'on trouve rarement réunies. Les
uns ont l'éclat et le timbre incisifs, mais ce timbre métallique est sans
charme. D'autres ont le moelleux, la délicatesse des nuances, mais le son
est sans portée. Dans un grand nombre de pianos, les octaves du médium sont
très faibles, d'autres ont les notes aiguës, sans sonorité.
Une grande expérience et les soins les plus minutieux sont donc nécessaires
pour la fabrication d'excellents pianos. La nécessité d'augmenter la
puissance sonore du piano a été si bien sentie, même depuis les derniers
perfectionnements de l'instrument, que la recherche des moyens de la
réaliser a préoccupé les acousticiens et les facteurs les plus habiles.
L'Amérique a résolu le problème, mais au détriment d'autres qualités
indispensables. Le secret du grand son des pianos américains consiste dans
la solidité de leur construction due à un cadre en fer fondu d'une seule
pièce sur lequel s'opère la traction des cordes.
Ce système a reçu en
Europe, et notamment à Paris, divers perfectionnements, mais on n'était
parvenu jusqu'ici ni à éviter la sonorité métallique absolument désagréable,
ni à donner au son le moelleux, les nuances délicates et la clarté.
De plus, le cadre en fer augmentait le poids de l'instrument dans des
proportions considérables et le rendait d'un transport très difficile.
M. Henri Pruvost a réussi à construire un cadre en fer d'un modèle spécial
qui obvie à tous les inconvénients du cadre tel qu'il est construit par les
autres facteurs.
Au moyen d'évidements et de nervures habilement pratiqués
et appliqués, M. Henri Pruvost a diminué considérablement le poids, de telle
sorte que les pianos fabriqués dans ses ateliers, 77, rue St-Maur, à Paris,
ne dépassent pas le poids d'un piano ordinaire. C'est là un premier avantage
incontestable, le poids augmentant le coût du transport et la difficulté de
manutention, surtout pour la location.
En second lieu, ces évidements et ces nervures, donnant une force de
résistance trois fois plus grande, ont pour effet de supprimer totalement la
vibration métallique si désagréable dans las autres pianos et incompatible
avec le sentiment musical français. Des expériences comparatives ont prouvé
d'une façon irréfutable que tout en obtenant ce résultat le système de M.
Henri Pruvost donne à ses pianos une sonorité extrèmement puissante.
En
outre, grâce aux nervures, il a pu adopter un mode d'attache tout
particulier et des plus ingénieux : les cordes au lieu d'exercer une
traction hors du point d'appui, sont tendus très exactement dans le centre
de ce point d'appui, ce qui donne à l'accord une fixité presque inaltérable.
Enfin, la table d'harmonie est absolument indépendante du cadre, de telle
sorte que les sons, au lieu d'être sourds à certaines octaves, comme cela
arrive trop souvent, sont d'une clarté et d'une homogénéité parfaites.
Si maintenant nous nous plaçons au point de vue purement artistique, nous
devons dire que les pianos construits d'après ce système produisent de
gradns effets. L'auditeur est saisi par l'ampleur et le volume auparavant
inconnus d'une sonorité brillante dans les dessus, chantante dans le médium,
considérable dans la basse.
La continuité de son obtenue par la façon mathématique avec laquelle toutes
les parties de l'instrument ont été établies est telle, qu'elle donne
presque l'illusion des sons les plus doux de l'ogue.
Et maintenant terminons en disant que nous avons visité avec le plus vif
intérêt les ateliers, machines, chantiers et magasins de la maison Henri
Pruvost, guidés par son habile et dévoué représentant,
M. Louis Hury,
qui a été pendant de longues années, accordeur chez Erard, et que nous avons
pu constater par nous même que toutes les pièces qui constituent le piano
sont fabriquées, sans exception, dans le maison.
Inutile d'ajouter que M. Henri
Pruvost, qui garde les saines traditions des facteurs français, n'emploie
chez lui que des ouvriers français, et n'utilise comme matières premières
que celles qui sont de provenances françaises. Sa maison d'ailleurs, fondée
en 1850, par M. Henri Pruvost père, précédemment chef ouvrier chez Ignace
Pleyel, est une des rares maisons parisiennes qui soient arrivées à
contrebalancer l'industrie allemande du piano en Belgique, en Hollande, en
Suisse, en Italie et en Espagne.
Cette remarque a sa valeur au moment actuel. N'oublions pas de mentionner
que M. Henri Pruvost, qui vient d'être reçu membre de l'Académie Nationale
Industrielle, présentera à l'Exposition Universelle de 1889, des modèles qui
feront l'admiration des amateurs."
Le Panthéon de l'industrie : journal hebdomadaire
illustré, 29/04/1888, p. 116-117 (gallica.bnf.fr)
- Voir aussi
Louis
HURY
"La chasse aux anarchistes. Vingt-deux arrestations dans la matinée. Les
agents de la troisième brigade de recherches ont procédé ce matin à
vingt-deux nouvelles arrestations d'individus signalés comme anarchistes
militants.
Voici la liste des arrestations opérées ce matin, telle que nous
l'a communiquée la Préfecture de police : [...] Grégoire (Aimé-Léopold), né
le 17 juin 1857 à Bruxelles, ouvrier en pianos, chez M. Provost [Pruvost],
17, rus Saint-Maur, veuf avec trois enfants, demeurant 28, boulevard de
Charonne."
La Presse, 03/03/1894, p. 1 (gallica.bnf.fr) - Voir
GREGOIRE
Aimé-Léopold
PRUVOST
sur ce site
C liquer sur les liens
ci-dessus
Pour les références voyez la page
pianos
français 1850 - 1874
© Copyright all rights reserved
|