Les facteurs-fabricants de pianos du
Mans
entre 1845 et 1936.
GUILLOUARD, DOLMETSCH, DOLMETSCH-GUILLOUARD, GOUGE-GUILLOUARD, Jacques
STAUB, LEGEAY-DROUAULT,
Jean Frédéric OBERDOERFFER
par
Jean-Marc STUSSI
Armand Théodore GUILLOUARD
Facteur d’orgues, Facteur de pianos
Armand Théodore GUILLOUARD
est né le 12 février 1805 au Mans, fils de Armand Pierre GUILLOUARD,
menuisier, et Jeanne Bertrand. A son mariage le 19 octobre 1836 au
Mans avec Marie Pinot, fille de Pierre Pinot, épicier, et Marie
Froger, il est facteur d’orgues, rue du Murier au Mans (¹)(²). A ce
titre, il semble avoir été actif dans la région de la Loire entre
1825 et 1850, transférant, construisant ou réparant divers
instruments de la région.
Au mariage de sa fille Marie Zélie avec Arnold Rodolphe DOLMETSCH en
1856, il se dit facteur de pianos établi au 9 et 11 rue de la
Préfecture, qualité qu’il conservera jusqu’à sa retraite vers 1866.
Au début de la production de ses pianos, ceux-ci portent la plaque
d’adresse «GUILLOUARD Facteur de pianos et d’orgues» ou “GUILLOUARD
Facteur de pianos”. Il tenait également à la même adresse un magasin
de musique et d’instruments, probablement depuis les années 1835,
fabriquant et/ou vendant également des harmoniums (⁶). Armand
GUILLOUARD est décédé le 25 avril 1876 au Mans, un an après le décès
de son gendre A.R. DOLMETSCH (¹)(²). La raison sociale deviendra
«DOLMETSCH-GUILLOUARD». Il n’est cependant pas exclu que celle-ci
ait déjà pu exister quelques années auparavant, sans doute depuis le
départ à la retraite de GUILLOUARD en 1866.
Quelques années après le décès de DOLMETSCH, la maison deviendra
«GOUGE-DOLMETSCH», suite au remariage, en 1881, de la veuve
DOLMETSCH avec Alphonse GOUGE, de vingt ans plus jeune et sans
formation à la facture de pianos. Il emble avoir été surtout
gestionnaire de l’affaire.
Références : cf. sous DOLMETSCH
Arnold Rodolphe DOLMETSCH
Facteur de pianos et marchand de musique au Mans
Et ses successeurs (1887-1936)
La Famille
La famille DOLMETSCH du Mans est originaire de Zurich (Suisse), mais
selon Wikipedia (³), le patronyme DOLMETSCH vient de Bohême. Le père
du fondateur de la lignée «française» (bien que ses descendants
semblent avoir conservé la nationalité suisse pendant assez
longtemps), est Frédéric DOLMETSCH qui, selon la Revue Musicale de
1912/07/15, se serait installé à Zurich au début du 19° siècle,
venant de Stuttgart, comme Maître ou Professeur de musique. Celui-ci
y est en effet né en 1782 et a passé la plus grande partie de son
activité à Zurich où il est décédé le 30 janvier 1852. Le couple
zurichois Frédéric DOLMETSCH - Elisabeth Hagenbach avait trois
enfants: Frédéric (1813-1892), Arnold Rodolphe (1827-1875) et Aline
(1835-?). Diverses données sur la famille DOLMETSCH sont fournies
par (³) et (⁴).
Frédéric DOLMETSCH
Le premier émigrant en France semble avoir été Frédéric DOLMETSCH
(ca. 1813 Zurich - 23.4.1892 Nantes). Il est devenu un éminent
professeur de piano exerçant dès les années 1845 au conservatoire de
Nantes. A ce titre, il était collègue de François Joseph BRESSLER,
créateur en 1845 et directeur du Conservatoire de cette ville et
dont Edouard, le fils, a créé une manufacture de pianos. En 1854, il
est dit de lui: «M. DOLMETSCH dont tout le monde connait l’exécution
précise et correcte, sérieuse et brillante, fonde en ce moment sa
réputation de compositeur» (Menestrel, 1854/12/17 p. 4). Il a
également été compositeur, ayant édité, entre autres, des «Petites
études récréatives» (Menestrel, 1878/9/29). De son mariage avec
Jeanne Moyré Lamartellière (née en ca. 1827) le16 octobre 1845 à
Paris (6°; ancien 2°), sont nés trois enfants :
Charles né ca. 1846, devenu Secrétaire de la Direction du
Conservatoire des Arts et Métiers. De santé fragile et resté
célibataire, il est décédé à 26 ans le 30 octobre 1872 à Nantes.
Cecilia Louisa, née le 4 décembre 1848 à Nantes. Elle est devenue
cantatrice et a épousé Eugène Tornaghi à Milan. Elle a donné de
nombreux concerts à Nantes, Rennes, Saint-Brieuc et Paris où sa voix
était très appréciée.
Victor, né le 11 août 1852 à Nantes, a suivi sa formation musicale
de pianiste à Nantes, puis à Paris dans la classe de Marmontel (dont
il a été qualifié «disciple»), d’où il est sorti avec le premier
prix. Il a aussi été compositeur. Pendant quelques temps, il a été
correspondant de la revue «Le Menestrel» (nombreuses mentions le
concernant), ce qui l’amène sans doute à se déclarer «journaliste»
lors du décès de son père en 1892.
La présence d’Aline, soeur de Frédéric, à Nantes sous son toit est
attestée par le recensement de 1851. Elle a alors 16 ans. On ne sait
si elle a aussi embrassé la carrière musicale.
Arnold Rodolphe DOLMETSCH, facteur de pianos
Arnold Rodolphe DOLMETSCH est né le 11 octobre 1827 à Zurich. Il
arrive à Nantes autour de 1850, sans doute sous l’influence de son
frère aîné Frédéric. Celui-ci a pu l’aiguiller vers le luthier et
fabricant de pianos LÉTÉ avec qui il semble avoir eu de bonnes
relations, car LÉTÉ a été témoin, en 1848 et 1852, à la naissance de
deux enfants de Frédéric qui résidait au 7 rue Crébillon, non loin
de LÉTÉ (1, 2). Arnold ne restera cependant pas très longtemps à
Nantes, car il va bientôt s’installer au Mans où il épousera, le 22
novembre 1856, Marie Zélie GUILLOUARD, fille du facteur d’orgues et
de pianos Armand GUILLOUARD. Le couple Arnold Rodolphe
DOLMETSCH-GUILLOUARD aura quatre enfants, tous nés au Mans (¹)(²) :
Eugène Arnold (o21.2.1858, Le Mans), devenu un célèbre musicien,
musicologue et facteur d’instruments. Violoniste de formation, il
maîtrisait également l’art du piano et du clavecin qu’il a largement
contribué à ré-introduire. Il s’expatrie en Angleterre en 1883 pour
compléter sa formation, puis devenir professeur de musique à
Dulwich. Passionné par les instruments anciens, il se met à en
fabriquer. Après un temps passé à Boston où il continue la
fabrication, il revient à Paris pour travailler chez GAVEAU
(1911-1914). Il retourne à Haslemere (Surrey) où il crée un atelier
de facture d’instruments anciens des 15° au 18° siècles (luths,
violes, flûtes, claviers, dont un clavecin d’accompagnement utilisé
pour une représentation des Noces de Figaro à Covent Garden).
Fondateur du Haslemere International Festival, il a été doté de la
«Civil List pension» et a été décoré en 1938, en France, Chevalier
de la Légion d’honneur. Il est décédé le 28 février 1940 à
Haslemere. Sa renommée dans le monde musical lui a valu de
nombreuses publications. Sa descendance compte de plusieurs
musiciens ayant surtout exercé en Angleterre (³)(⁴)(⁵).
Albert Athanase (o23.1.1861 Le Mans - +19.5.1950 Thury-Harcourt,
Calvados). Albert a tout lieu être celui cité par Lieve Verbeeck (⁶)
établi comme facteur de pianos à Paris 19 quai Conti, puis rue de la
Pompe (16°). On sait peu de choses de lui et de sa production. Il
fabriquait encore des pianos dans les années 1920-1930 en y apposant
sa plaque d’adresse “Albert DOLMETSCH” (sans nom de localité). Le
style de ses meubles est simple, sans trop de recherche, mais
conforme à ce qui se faisait dans ces années (piètement droit à
section carrée, pyramidal ; panneau supérieur à moulurations
droites, cintrées ou galbée, mais sans placage en “soleil” du moins
pour les instruments détectés). Autour de 1900, Albert DOLMETSCH a
publié à Paris un ouvrage «L’accord des pianos».
Elisabeth Nathalie (o6.12.1865; +12.1.1871 Le Mans).
Frédéric, né le 19 avril 1869. Il épousera le 27 mai 1889 au Mans,
Berthe De Chevesailles (18/9/1869 Nogent-le-Rotrou - >1/11/1928),
dont une fille Suzanne (1890-1983). Frédéric fait partie de la
maison GOUGE-DOLMETSCH comme «marchand de pianos» (1891), puis comme
luthier (1896). Par la suite, il deviendra «représentant» (1901) ne
résidant apparemment plus au Mans (1906) (²). Serait-ce lui qui
appose la plaque “DOLMETSCH Le Mans” sur des pianos datant des
années 1920, car à cette date, la veuve DOLMETSCH-GUILLOUARD,
remariée GOUGE, et son fils ne fabriquent d’instruments depuis plus
de 20 ans? Ou bien serait-ce Albert DOLMETSCH plutôt actif à Paris ?
Arnold Rodolphe DOLMETSCH
décède prématurément à 47 ans le 24 mars
1875, décès suivi un an plus tard, le 25.4.1876, de celui de son
beau-père Armand Théodore GUILLOUARD, rentier.
Les pianos
DOLMETSCH, DOLMETSCH-GUILLOUARD
et successeurs.
Selon Lieve Verbeeck (⁶),
Arnold Rodolphe DOLMETSCH et GUILLOUARD
produisaient des pianos sous leur nom propre seul, «DOLMETSCH Le
Mans ou au Mans», et “GUILLOUARD Facteur d’orgues et de pianos Le
Mans” ou “GUILLOUARD Facteur de pianos”. Le style de leurs meubles
de pianos est le même chez les deux fabricants (pianos droits à
moulurations guillochées spécifiques de l’époque antérieure à 1865).
Bien que beau-père et gendre, ils auraient donc été concurrents. La
raison sociale «DOLMETSCH et GUILLOUARD», peut correspondre aux
pianos du temps d’une association entre GUILLOUARD et DOLMETSCH,
plus probablement à partir du départ en retraite de GUILLOUARD
autour de 1866 que dès le mariage de DOLMETSCH avec la fille de
GUILLOUARD. Dans cette seconde hypothèse, DOLMETSCH n’aurait alors
fabriqué que peu d’instruments sous son nom seul. Après le décès de
DOLMETSCH en 1875 et de GUILLOUARD en 1876, la raison sociale reste
inchangée, représentant à la fois la veuve DOLMETSCH et la fille
GUILLOUARD qui prend la suite de l’affaire.
Marie Zélie GUILLOUARD, se remariera le 19 juillet 1881 au Mans,
avec Alphonse Louis Charles GOUGE, Conducteur aux
Ponts-et-Chaussées, a priori sans qualification en facture de pianos
d’autant qu’il n’a alors que 21 ans. La maison deviendra dès lors
«GOUGE-GUILLOUARD Successeur de la maison DOLMETSCH-GUILLOUARD» puis
“GOUGE-GUILLOUARD”, raison sous laquelle seront vendus des pianos
(⁶). C’est également celle du magasin de musique et d’instruments du
9-11 rue de la Préfecture. Alphonse GOUGE se qualifiant en 1886 de
«facteur de pianos», sans doute davantage comme gestionnaire de
l’affaire que comme véritablement facteur de pianos, est donc partie
prenante de l’affaire. Le fils cadet Frédéric du couple
DOLMETSCH-GUILLOUARD est également dans l’affaire comme «marchand de
pianos» (1891), par la suite «luthier» (1896) avant qu’il ne
devienne représentant vers 1901 et ne résidant apparemment plus au
Mans en 1906. Par contre, Alphonse GOUGE fils (né le 3 mai 1882 au
Mans) ne paraît pas avoir été actif dans l’affaire; on ne lui
connaît pas de profession.
Ces changements de qualité professionnelle de Frédéric
DOLMETSCH-GUILLOUARD, semblent traduire une évolution dans
l’activité de la maison, la conversion en représentant pour
l’affaire ou pour une autre, pouvant être considérée soit comme le
développement d’un démarchage commercial de la maison, soit comme
une nécessité économique interne due à une baisse d’activité
générale en lien avec la disparition progressive de la fabrication
artisanale de pianos relayée par celle des fabricants à vocation
plus industrielle (VUILLEMIN-DIDION à Nantes, facture parisienne).
En effet, dès 1897, et jusqu’environ 1903-1905, un luthier, Henri
Gamichon, se trouve au 11 rue de la Préfecture (7, 2), bien que
GOUGE Alphonse, se trouve encore au 7-9 comme «Marchand de pianos “
et ce au moins jusqu’en 1906. Gamichon se définit comme «ancienne
maison DOLMETSCH», ce qui signifierait que GOUGE-GUILLOUARD a, pour
une raison ou une autre, cédé une partie de son affaire (la lutherie
?) à Gamichon, GOUGE-GUILLOUARD conservant la vente des pianos.
Cette cession partielle ou totale peut aussi expliquer les
changements de statut de Frédéric DOLMETSCH, peut-être même devenu
momentanément employé de Gamichon. Ce dernier est, en 1906, à la rue
Julien Bodereau où aucune profession ne lui est attribuée :
serait-il en retraite, ce qui peut paraître plausible compte tenu
qu’il était né en 1842 à Savigny-L’Evêque.
L’affaire Gamichon, ex- «maison DOLMETSCH», sera cédée entre 1907 et
1911 à
Paul MACIA «facteur de pianos», espagnol né en 1875 à
Barcelone, venant de Madrid via Bordeaux, marié à Berthe, française
née à Bordeaux en 1883. A cette date, le couple GOUGE-GUILLOUARD
n’est plus recensé à Nantes (²). Aurait-il rejoint Albert DOLMETSCH
à Paris, le fils de Marie DOLMETSCH-GUILLOUARD, qui s’était établi
comme facteur de pianos 19 Quai Conti (6°) puis rue de la Pompe
(16°) ? L’affaire de Paul Macia a surmonté la guerre de 1914-1918,
mais disparaîtra entre 1921 et 1926 pour être reprise par
Jean et
Jacques KERNER de Laval. Ceux-ci en confient la gérance d’abord à
Emile Andrieu (né le 23.3.1866 à Trèves et qui a vécu quelques
années à Hanoï où sont nés trois de leurs cinq enfants), commerçant
en musique, puis, vers 1931, par Blanche Andrieu «gérante» (²). «Au
Mans, ce magasin fut longtemps tenu par Jean et Jacques Kerner» (⁸).
La maison Kerner de Laval, qui avait également une succursale à
Lorient 30 rue Jules Legrand, existait encore en 1942.
RÉFÉRENCES
(¹) - Archives départementales de la Sarthe et de Loire atlantique.
Etat civil des villes de Le Mans et de Nantes numérisés.
(²) - Archives départementales de la Sarthe et de Loire atlantique.
Listes nominatives de Le Mans et de Nantes numérisées.
(³) - Wikipdia. In : fr.wikipedia.org/wiki/Arnold_Dolmetsch et
www.dolmetsch.com/Doltree.htm (arbre généalogique)
(⁴) - In : www.dolmetsch.com/Dolworks.htm
(⁵) - In : theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php
(⁶) - Verbeeck L. - In : www.lieveverbeeck.eu/pianos_francais.htm
(⁷) - Annuaire Fraternel Commerce Industrie p. 3 64.
(⁸) - Moro A. - Le magasin de musique Kerner. In : La Vie Mancelle
et Sarthoise, 2005, n° 378, 38-39.
Jacques STAUB
(1843 - ca. 1903)
Facteur-Fabricant de pianos et luthier
L’enseigne d’un magasin de musique «J. STAUB» surmontant le fronton
d’un immeuble fin 19° siècle sur la place Thiers au Mans présentée
par une carte postale de ca. 1900 (¹), posait, à défaut de prénom
explicite, la question des relations entre ce J. STAUB du Mans et
Jean Joseph STAUB le fabricant de pianos établi à Nancy puis à
Jarville entre 1848 et 1936 : succursale de la même maison ou
homonymie? Les listes nominatives de la ville du Mans ôtent toute
ambiguité à ce sujet (²) car elles enregistrent en effet, au 62 rue
des Quatre Roues puis 9 place Thiers, STAUB Jacques né en 1843 à
Sainte-Marie-aux Mines (Haut-Rhin), facteur de pianos en 1881,
luthier en 1886, fabricant de pianos en 1891, négociant en musique
en 1896, ayant opté en 1872.
STAUB Jacques est, en effet, né le 27 novembre 1843 à
Sainte-Marie-aux Mines (Haut-Rhin), fils de Jean STAUB, 28 ans,
tailleur de pierres domicilié en cette ville, et de Caroline
Bronner, 33 ans, tous deux décédés avant 1867 (3, 4). Après 1865, il
est à Paris où il épouse le 27 avril 1867 (18°) Marie Louise
Lavigne, née le 14 septembre 1842 à Saint-Dié (Sainte-Marguerite;
Vosges), couturière à cette date, dessinatrice en cheveux en 1881,
décédée avant 1921 (⁴). A son mariage, Jacques STAUB est déclaré
ébéniste, domicilié 56bis rue des Poissonniers (18°). A la naissance
de sa fille Jeanne Marie en 1868, il est domicilié au 3 ou 9 rue
Labart et en 1870 il est au 74 rue des Poissonniers (naissance de
Marie Joséphine Jeanne) et est déclaré facteur de pianos. Le couple
aura quatre enfants (4, 5) :
Jeanne Marie
née le 31 mars 1868 à Paris (18°) 3 ou 9 rue Labat
non loin de la rue des Poissonniers ; Jacques STAUB est ébéniste;
Marie Joséphine Jeanne
née le 11 juillet 1870 à Paris (18°) 74 rue
des Poissonniers ; le père est facteur de pianos;
Marie Berthe née le 15 octobre 1872 à Paris (7°) 10 rue Bertrand.
Témoin : Frédéric Picker, 21 ans, facteur de pianos, 30 avenue de
Clichy. Berthe épousera le 21 novembre 1896 au Mans Paul Florent
MANCEAU né le 3 janvier 1866 au Mans, bijoutier. Deux enfants de ce
couple : Germaine née le 2.11.1897, Marie Louise née en 1898.
Marie Eugénie
née le 19 décembre 1874 à Nantes. Elle deviendra
professeur de musique au Mans et décèdera le 17 novembre 1956 à
Paris (15°). A la naissance de Marie Eugénie, Jacques STAUB réside
rue Crébillon (n° non indiqué; chez LÉTÉ ?), et se déclare facteur
de pianos.
Ces données civiles montrent clairement que Jacques n’avait aucune
relation familiale avec Jean-Joseph STAUB de Nancy et qu’il y a
homonymie (sauf le prénom) avec lui, ce qui était présumable car
dans la famille nancéienne il n’apparaît aucun Jacques dans les
trois générations répertoriées.
On peut restituer quelque peu le parcours professionnel de Jacques
STAUB. On ne sait où il s’est formé à la facture de pianos.
Aurait-il débuté en Alsace, rejoignant ensuite Paris ? Lors de son
mariage à Paris en 1867, et à la naissance de sa fille Jeanne Marie,
il est ébéniste, domicilié à Paris 56bis rue des Poissonniers, comme
sa future épouse, couturière. Ce mariage puis la naissance à Paris
de trois enfants permet de considérer qu’il y résidait depuis avant
1867. Comme facteur de pianos, on peut supposer qu’il était soit
employé soit établi à son compte. Ses qualités d’ébéniste (1868)
puis de facteur de pianos (1870) indiquent qu’il suit la filière
habituelle dans le métier de facteur de pianos. La présence comme
témoin, à la naissance de sa fille Berthe Marie au 10 rue Bertrand
(7°), du facteur de pianos Frédéric Picker, 21 ans, demeurant 30
avenue de Clichy, va dans le même sens.
La publicité parue entre juin et septembre 1872 dans le Journal des
Instituteurs, ainsi qu’un piano droit à plaque d’adresse «J. STAUB
et Cie 30 avenue de Clichy Paris» (instrument non daté), démontrent
que Jacques STAUB détenait à cette date une manufacture de pianos,
peut-être en association avec Frédéric Picker qui résidait à la même
adresse. Dans cette publicité, la mention de «MM. STAUB» laisse
admettre que «MM.» est un terme compréhensif pour les associés.
Cette manufacture n’aura cependant qu’une existence éphémère, car à
la naissance de sa fille cadette en 1874, Jacques STAUB réside comme
facteur de pianos à la rue Crébillon à Nantes. Il a donc fermé son
affaire parisienne fin 1872 ou courant 1873 pour rejoindre cette
ville. Résidant rue Crébillon, on peut en déduire que Jacques STAUB
est venu travailler chez DIDION qui a continué l’affaire de D.J.
LÉTÉ décédé le 25 mai 1871 (5, 7). A cette date, DIDION a 39 ans,
neveu par alliance de LÉTÉ mais pas facteur de pianos par formation
initiale, et a sans doute dû avoir besoin d’un facteur expérimenté.
Jacques STAUB ne restera pas longtemps chez DIDION, car dès 1874, il
ouvre ses ateliers et magasin au 62 rue des Quatre Roues au Mans. En
s’établissant au Mans, il cherchait sans doute, avec un apparent
esprit d’indépendance qui devait le caractériser, une «plateforme»
moins concurrentielle que Paris, bien que Le Mans devait compter
avec la présence de GUILLOUARD et DOLMETSCH, le premier ancien
facteur d’orgues et d’harmoniums de la place (9 rue de la
Préfecture), tous deux facteurs de pianos. En 1881 Jacques STAUB se
déclare facteur de pianos, puis luthier en 1886 (ne fabriquait-il
plus de pianos ?) et a deux apprentis qu’il héberge sous son toit :
Jules Koch, 22 ans originaire de Thann (Alsace) et Eugène Lussy, 14
ans, originaire de Paris, fils de Eugène Lussy, journalier,
demeurant à Paris rue des Poissonniers 56bis en 1867, cousin de
Jacques STAUB (⁴).
En 1888, l’affaire est curieusement enregistrée au nom de son épouse
Lavigne dans les rubriques «accordeur», «instruments» et «marchand
de musique» au 62 rue des Quatre Roues, le patronyme STAUB
n’apparaissant pas, alors qu’en 1886 elle est déclarée sans
profession. En 1891, Jacques STAUB se déclare à nouveau fabricant de
pianos, ce dont on déduit qu’il aurait repris (momentanément ?) la
fabrication ou que les changements de qualités déclarés reflétaient
la prédominance d’une activité par rapport à une autre (⁸).
Entre
1891 et 1896, il est installé comme «négociant en musique» (1896) au
10 (en fait 9) place Thiers, à l’angle de la rue Auvray, dans un
élégant immeuble objet de la sus-dite carte postale ancienne (¹).
Cet immeuble néo-classique pourrait avoir été construit par Jacques
STAUB lors de la création de la Place Thiers sur l’emprise de la
partie basse de la rue des Quatre Roues. Ces construction et
installation montrent que les affaires de Jacques STAUB ont dû être
suffisamment florissantes pour lui permettre l’édification d’un bel
immeuble à blasons et fronton au nom de J. STAUB. Jacques STAUB,
puis son successeur Manceau, semblent s’être spécialisés en vente de
lutherie parallèlement à celle de pianos, et d’autres articles de
musique.
En prenant sa retraite en 1899, Jacques STAUB cède son affaire à son
gendre Florent Paul Manceau, luthier (bijoutier d’après l’acte de
mariage; né le 4 janvier 1866 au Mans), par son mariage avec Berthe
STAUB le 21 novembre 1896 au Mans (⁵). La transmission, avec
changement de propriété, a été effectuée en 1899 (⁹), à la suite de
laquelle il n’est plus question de fabrication de pianos. La
qualification de luthier de Paul Manceau en 1901 indique qu’il a
abandonné le métier de bijoutier pour prendre la gestion du magasin
de musique spécialisé dans la vente de lutherie. Ce magasin semble
être devenu le magasin de musique en lice au Mans. Jacques STAUB est
décédé entre 1902 et 1906.
Par suite sans doute des difficultés économiques de l’après-guerre,
l’affaire de P. Manceau est transférée, entre 1921 et 1926, au 6 rue
Gougeard, actuellement petit immeuble à l’angle de la rue des
Ursulines. Qualifié de Marchand de pianos en 1931, Manceau prend sa
retraite avant 1936, après avoir peut-être transmis son affaire un à
tiers, car il résidera au 1 rue Gougeard.
La maison Jacques STAUB était en concurrence d’une part avec les
affaires DOLMETSCH et GUILLOUARD devenues DOLMETSCH-GUILLOUARD vers
1870, fabricants de pianos et marchands de musique et d’instruments
de musique au 9-11 rue de la Préfecture, puis GOUGE-GUILLOUARD,
d’autre part avec la maison OBERDOERFFER 23 rue Courthardy créée
autour de 1880 et reprise par LEGEAY-DROUAULT (24 puis 2 rue
Marchande, enfin rue Barellerie). Cette concurrence n’est sans doute
pas étrangère à l’arrêt de la fabrication de pianos par Jacques
STAUB et son orientation vers la seule vente de musique et
d’instruments de musique (lutherie). Face à cette concurrence et aux
difficultés économiques de l’époque, P. Manceau a réussi à se
maintenir, malgré un déménagement dans une structure plus petite à
la rue Gougaud.
L’immeuble «J. STAUB» subsistant aujourd’hui a, par suite de
transformations malheureuses, perdu son lustre par suppression des
sculptures, blasons, enseigne, frontons scupltés des fenêtres,
balustrade en pierre du balcon, corniche à balustres remplacée par
un banal mur, vitrines en partie occultées. La façade de l’édifice
d’origine est désormais dénuée de tout l’intérêt qu’une époque à
architecture particulièrement florissante a pu lui conférer.
RÉFÉRENCES
(¹) - In : www.delcampe.com/items?language=E&searchString=Le+Mans en 2010
(²) - AD Sarthe (72) Listes nominatives de Le Mans 1871 à 1926
numérisées.
(³) - AD Haut-Rhin 68), Etat civil de Sainte-Marie-aux-Mines,
numérisé.
(⁴) - Etat civil numérisé de Paris
(⁵) - AD Sarthe (72) Etat civil des villes de Le Mans et de Nantes
numérisés.
(⁶) - Verbeeck L. In : www.lieveverbeeck.eu/pianos_francais.htm
(⁷) - Stussi J.M. (2013) - Un siècle de facture de pianos à Nantes.
LÉTÉ, LÉTÉ-DIDION, VUILLEMIN-DIDION, BRESSLER, SAUZEAU, GAMA,
LUPPERGER, GEIGER, SICARD, ROUX, LEROUX, MARÉCHAL. In : Verbeeck (⁶)
(⁸) - Annuaire de la Musique, 1888. In : Gallica.bnf.fr
(⁹) - Archives Commerciales de France, 1899/04/01, p.419
Jean-Frédéric OBERDOERFFER
Facteur de pianos - Marchand de musique
Jean Frédéric OBERDOERFFER appartient à une famille qui s’est
beaucoup investie dans la facture de pianos et le commerce de la
musique (Strasbourg, Paris, Le Mans, Macon). Le berceau de cette
famille est Strasbourg où il est né le 29 avril 1825, fils de
Philippe Jacques OBERDOERFFER (1790-1847), sergent de police puis
brasseur, et de Marie Madeleine Maechling (1791 Strasbourg - 1843
Strasbourg), fille du brasseur Jean Michel Maechling et Anne Marie
Steinbach (¹). Il a probablement fait son apprentissage de facteur
de pianos chez Allinger où travaillait son frère aîné Philippe
Jacques, né le 22 avril 1815, et qui avec Georges Frédéric Schmid
créa, en 1846, la manufacture de pianos Schmid-OBERDOERFFER (²).
Le 29 décembre 1863, Jean Frédéric épouse, à Nancy, Victorine Rosine
METZNER, née le 21 juillet 1837 à Lunéville, fabricante de corsets,
fille de Frédéric Charles METZNER (3.4.1803 Mulsen Saxe - 2.5.1883
Lunéville), tisserand, fabricant de tissus, et Barbe Thérèse Bauret (28.6.1802
Nancy - 6.4.1865 Nancy). Victorine est la nièce de Théophile Camille
METZNER (1836 Nancy - 1884 Nancy), professeur de piano formé à
Leipzig, marchand de musique et d’instruments et éditeur de musique
à Nancy 7 rue de la Poissonnerie/Gambetta), par son demi-frère
Maurice Arthur METZNER, commis de marchand de musique à Reims
(autour de 1880), puis luthier, marchand de musique et éditeur de
musique à Angers (à/c ca. 1881-1882) (3, 4, 5). Le couple
OBERDOERFFER-METZNER aura deux fils :
Frédéric Jean
est né à Colmar le 21 février 1865. Il deviendra
accordeur de pianos établi en 1893 au 111 Boulevard Voltaire, puis
au 162 et 14-16 rue de la Tour d’Auvergne (Paris 9°). Il ne semble
pas avoir fabriqué d’instruments. Il s’agit sans doute également de
lui, cité comme cor d’un orchestre (1897, 115 Fbg Poissonnière 9°),
chef d’orchestre, pianiste ou timbalier, Officier d’Académie, à
Paris demeurant 17 rue du Delta 9° (« Univ. 24 janv. 1908 »)
(⁸).
Auguste Paul (1.10.1874 Vincennes - 1941 Paris probablement), a
épousé le 23 avril 1902 à Angers Jeanne Louis Léonie METZNER
(19.1.1880 Reims - 16.3.1967 Paris 17°) fille de Maurice Arthur
METZNER (1857 Mulsen - ?) et Caroline Eugénie Leblanc, commis de
marchand de musique à Reims, puis marchand de musique et luthier à
Angers, demi-frère de Théophile Camille METZNER (⁴). Après avoir
bénéficié d’une aide financière du Conseil général de la Sarthe pour
poursuivre ses études au Conservatoire de Paris, il deviendra 1° et
2° violon d’abord au concert Colonne, puis à l’Opéra et à
l’Opéra-comique de Paris entre 1899 et 1918, car pendant la guerre
il remplace un artiste mobilisé (⁸). Il a été promu Officier de
l’Instruction publique.
Jean Frédéric OBERDOERFFER s’installe comme facteur de pianos et
marchand de musique au Mans autour de 1880 après avoir exercé
quelques années comme facteur de pianos à Colmar où sont nés deux
enfants (1865, 1866) (6, 7), puis comme limonadier à Vincennes où
sont nés deux autres enfants (1874, 1879).
Ce passage à Vincennes
est consécutif à son option pour la France après l’annexion de
l’Alsace en 1870. Jean Frédéric OBERDOERFFER tiendra son affaire au
Mans au 23 Courthardy jusqu’après 1891, puis au 26 rue Marchande
entre ca. 1892 et 1898. Il ne semble pas avoir disposé d’un atelier
de fabrication personnel. Se les procurait-il dans sa famille
strasbourgeoise ou chez un autre fabricant ?
Il avait déposé un
brevet de fabrication de siège à hauteur variable pour pianos, orgue
et autre applications, pour lequel il a été cité à l’Exposition
universelle d’Anvers en 1884, tandis qu’il obtient un diplôme de
mention honorable à l’exposition de Lyon de 1894 (classe 23, meubles
de luxe et à bon marché) pour son tabouret de piano.
Les concurrents manceaux de J.F. OBERDOERFFER étaient Jacques STAUB,
et la maison GOUGE-DOLMETSCH 9-11 rue de la Préfecture. Jacques
STAUB n’a pas de relations avec Jean Joseph STAUB, fabricant de
pianos à Nancy. Il a été facteur et momentanément fabricant de
pianos à Paris, puis facteur de pianos à Nantes (sans doute chez
DIDION) avant de s’établir au Mans. DOLMETSCH-GUILLOUARD devenu
GOUGE-DOLMETSCH peu après l’arrivée de J.F OBERDOERFFER au Mans, ont
été fabricants de pianos parallèlement à la tenue d’un magasin de
musique.
En prenant sa retraite en 1898, J.F OBERDOERFFER cède son affaire à
Joseph LEGEAY et Joseph DROUAULT (raison sociale LEGEAY-DROUAULT,
marchands de musique, 26 rue Marchande Le Mans) (⁸). Cette
association commerciale, installée peu après au 2 rue Marchande, a
existé jusqu’en 1911.
LEGEAY tient ensuite seul l’affaire au 3 rue
de la Barillerie au moins jusqu’en 1936, apparemment plus petite
structure. Selon Lieve Verbeeck (⁵), des pianos sont sortis de son
magasin sous le nom LEGEAY-DROUAULT, nécessairement avant 1911. A la
rue de la Barillerie, LEGEAY est proche de la maison LÉPICIER issue
de l’association LÉPICIER-GROLLEAU, établie au n°8.
Selon L.
Verbeeck (⁵), la maison LÉPICIER-GROLLEAU, était également installée
à Paris 43 rue Saint-Denis, et à Angers 25 rue de la Préfecture et
10 rue Voltaire. Leur manufacture de pianos du 119 rue de Montreuil
à Paris, a brûlé en 1892 et 1894. La société LÉPICIER-GROLLEAU a été
dissoute en 1894, LÉPICIER continuant seul au Mans, GROLLEAU seul à
Angers (⁸).
J.F. OBERDOERFFER est décédé entre 1901 et 1906 au Mans.
RÉFÉRENCES
(¹) - AD67. Etat civil de Strasbourg, numérisé.
(²) - Stussi J.M. (2013) - Les SCHMID-OBERDOERFFER.
Facteurs-Fabricants de pianos à Strasbourg, Mâcon et Le Mans.
(³) - AD54. Etat civil de Nancy numérisé.
(⁴) - Stussi J.M. (2011) - Facteurs - Fabricants de pianos à Nancy
entre 1800 et 1936. Eléments biographiques. In :
www.musimem.com/biographies.html. Et : Stussi J.M. (2012) - Données
complémentaires sur quelques facteurs de pianos de Nancy :
METZNER,
Arnould, Matthis, Mouchette, Martin, Lohmann, Eulry, Bever-Carré,
Wolf. In : (⁵).
(⁵) - Verbeeck L. In : www.lieveverbeeck.eu/pianos_francais.htm
(⁶) - AD Sarthe (72) Listes nominatives numérisées de Le Mans 1871 à
1926
(⁷) - AD Haut-Rhin. Etat civil numérisé.
(⁸) - Archives commerciales de France, 1898/11/09, p.1419, et
10/1/1894, p. 35.
EPILOGUE
Au cours du 19° siècle, Le Mans semble, avoir été avec Nantes, un
centre attractif pour les facteurs de pianos. D’abord facteurs, puis
fabricants artisanaux, ils ont élargi leur activité vers le commerce
de la musique et de la vente d’instruments de musique. Ces artisans
ont largement contribué à l’essor de la facture de piano dans
l’ouest et dans la région de la Loire. Des indices d’affaiblissement
de la production de pianos apparaissent cependant vers la fin du
siècle chez les petits fabricants, peut-être en relation avec
l’essor que prend après 1890 la maison DIDION puis surtout
VUILLEMIN-DIDION de Nantes. Celle-ci reste pratiquement la seule à
produire des pianos après 1910 dans l’ouest du pays.
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