"AUJOURD'HUI que le piano règne en maître, qu'on le
trouve dans toutes les maisons, même dans les villages de certains pàys,
que son étude est le complément obligé de toute éducation complète, il
ne faut pas s'étonner que sa fabrication ai: donné lieu à l'une des plus
florissantes industries, dans tous les pays civilisés.
Aujourd'hui elle est devenue non plus seulement une
distraction, mais un besoin véritablement sérieux et indispensable. Les
compositeurs, les professeurs, les virtuoses, les amateurs de musique,
la cultivent comme s'il s'agissait de la science la plus grave. Les
théâtres, les concerts, les soirées musicales sont devenus des
solennités, ainsi que les appelle la presse.
Il ne faut donc pas s'étonner que le piano qui, par son étendue, sa
souplesse, sa richesse de sons, ses ressources multipliées, forme à lui
seul un orchestre complet, ait pris une si grande place dans notre
existence.
A Paris il a déjà enrichi des dynasties de fabricants. Mais plus on
pénètre dans le Nord, plus on le retrouve substituant le charme de ses
sons aux s brumes et aux rigueurs du climat, et d'autant plus précieux
qu'il remplace, loin des villes ou des grands centres, les fètes et les
distractions publiques.
En Belgique, par exemple, on le trouve partout : dans le palais comme
dans la ferme, dans les casinos des villes d'eaux comme dans l'ombre des
couvents, chez les pauvres comme chez les riches.
Gand, entre autres villes belges, est devenue un centre très-important
pour la fabrication des pianos qu'elle fournit à toute la contrée, comme
à l'exportation.
Parmi les établissements qui fabriquent cet instrument si délicat nous
avons remarqué celui de MM. Aug. Boone et fils, dont nous avons admiré
trois pianos à l'Exposition nationale.
Le premier, de style Louis XVI, d'un goût très-pur, en même temps
élégant et sévère, est un grand piano en bois noir, à cordes obliques.
Son grand mérite, comme, du reste, celui des autres instruments de MM.
A. Boone et fils, est de donner un son parfaitement égal, du haut
jusqu'au bas du clavier, de sorte que les notes concordent parfaitement
entre elles et que les trois parties du piano n'en forment qu'une.
Ces pianos ne diffèrent donc que par la forme et le style du meuble. Le
second est un piano de style néo-grec très-pur, c'est-à-dire
très-gracieux et d'un goût tout à fait moderne. Celui-ci est à cordes
droites, ce qui ne l'empêche pas de posséder une aussi belle qualité de
son que le précédent,
Enfin le troisième piano, petit format, est également à cordes obliques.
Comme nous l'avons dit, ces trois pianos se distinguent d'abord par une
grande égalité de son qui est la qualité maîtresse de cette maison,
ainsi que par un mécanisme parfaitement réglé et faisant ressortir
chaque note dans toute sa pureté et son intensité.
MM. A. Boone et fils ne fabriquent d'ailleurs que des pianos à cordes
obliques ou droites. Il est, en effet, généralement reconnu aujourd'hui
que les pianos à cordes croisées laissent à désirer en ce que les notes
basses ne se mariant pas avec le reste du clavier, les cordes se gênent
l'une l'autre et laissent toujours en souffrance une partie du clavier.
Lee pianos exposés par cette maison ont trois pédales : La petite pédale
qui fait transposer la mécanique sur une seule corde ; La pédale du
milieu ou pédale céleste, qui sert de sourdine ; Et la pédale de droite
ou pédale forte. De cette façon on obtient dans ces pianos un timbre de
plus.
Avant tout, MM. A. Boone et fils se sont attachés à développer le timbre
et la sonorité de leurs instruments, non-seulement dans les notes
basses, comme cela arrive le plus souvant dans les pianos ordinaires, au
détriment du médium, mais dans toute la longueur du clavier. Aussi ces
pianos se distinguent ils par une grande puissance et une parfaite
homogénéité de sons.
Ces avantages exceptionnels ont été reconnus par les jurys de diverses
Expositions qui ont décerné à MM. Aug. Boone et fils plusieurs hautes
récompenses, parmi lesquelles nous citerons un premier prix à
l'Exposition des Flandres en 1849, un premier prix à l'Exposition de
Gand pour l'industrie et les sciences en 1875 et le diplôme de mérite en
1878. F."
Le Panthéon de l'industrie : journal hebdomadaire
illustré, 1880, p. 279 (gallica.bnf.fr)