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TOLEDO M. Firmin
à Paris

1898

M. F. TOLEDO, Directeur de la maison Æolian à Paris, Le Panthéon de l'industrie :
journal hebdomadaire illustré, 04/12/1898
, p. 49-50 (gallica.bnf.fr)

 "LES INVENTIONS NOUVELLES - Exécution des grandes œuvres symphoniques par l'ÆOLIAN - L'ÆOLIAN : Ses mérites artistiques et son influence sur l'éducation musicale 

DEPUIS tantôt vingt-cinq ans que notre journal existe, rarement, peut-être, nous avons été conviés à parler avec autant de sympathie et d'enthousiasme d'une invention semblable à celle qui, aujourd'hui, nous fournit le thème de cette étude.

Nous eu causons avec d'autant plus de joie qu'elle ouvre désormais à l'art musical une ère de prospérité, de puissance et de grandeur morales qu'on ne pouvait soupçonner.

La musique! Quel art de vision, d'enchantement, d'étonnant prestige ! Quel art, plus que celui-là, charme et captive nos sens ?

Avec elle, jamais rien de faux ou .seulement de louche; elle évoque les plus purs et les plus chers de nos souvenirs, ouvre à l'âme inquiète les réconfortantes illusions si souvent déçues et dit à notre cœur ce qui lui plaît qu'on lui dise. De là sa merveilleuse puissance.

Alexandre Dumas prétendait que les signes du coeur de l'homme se pouvaient mesurer à la plus ou moins de sympathie qu'inspirent au cœur humain les bêtes et les enfants. L'illustre dramaturge aurait pu ajouter : et la musique !

Et cependant combien de natures d'élite, d'esprits délicats se montrent indifférents à l'exécution d'une page musicale de belle envergure ? Combien de gens aimant la musique finissent, petit à petit, à se détacher d'elle par la simple maison qu'ils sont impuissants à s'y adonner par une exécution brillante au cours de laquelle leurs cœurs goûteraient certaines délices que vainement ils recherchent !

Eh bien ! ceux que leur éducation ou leurs origines, ou leurs occupations ont contraints à ne voir dans la musique qu'une distraction banale qu'on semble apprécier par snobisme ou pour obéir à une convenance, ceux-là, disons-nous, pourrons désormais se montrer exécutants et virtuoses au même titre que les professionnels de la virtuosité.

Qui donc a opéré cette révolution susceptible de faire de l'être humain le moins doué un musicien de premier ordre ? Qui donc devient à notre époque l'initiateur le plus parfait du goût de la musique chez les âmes qui, jusqu'ici, semblaient être réfractaires à toutes les manifestations de l'art musical ?... L' Æoliain ! ... Æolian ? Certes ce nom ne vous dira pas grand'chose, n'évoquera dans votre esprit aucun souvenir susceptible d'éclairer votre religion.

C'est là une mission qui nous incombe, et lors que, enthousiasmé, le cœur saisi par toutes les
émotions qu'une audition de l'Æolian aura fait naître en vous, vous sortirez des somptueux magasins de MM. Tolédo et Cie, 32, avenue de l'Opéra, vous nous saurez gré d'avoir mis l'influence du Panthéon de l'Industrie au service de la vulgarisation du plus merveilleux instrument qu( le monde ait connu jusqu'ici et des multiples services que sa pratique, qui deviendra rapidement universelle, est appelée à rendre à l'art musical et surtout à l'exécution impeccable, par qui que ce soit, des œuvres de nos grands maîtres lyriques anciens ou modernes.

C'est, en effet, toute une révélation que l'Æolian ! C'est la réalisation d'un rêve si souvent caressé et qui consiste à mettre à la portée du premier venu, un instrument puissant à l'aide duquel, sans connaître une note de musique, l'exécutant improvisé sera en mesure d'interpréter une sonate, une romance, ou des fragments de l'oeuvre qui a ses préférences, et ce, avec toutes les nuances et les diverses sonorités qui traduiront admirablement les intentions du compositeur.

L'Æolian, qui a la forme d'un grand piano-harmonium, est un meuble luxueux, très décoratif et qui a sa place marquée désormais dans nos salons les plus élégants. Il suffit, une foisque le morceau à interpréter a été mis à la place qui lui est assignée pour son fonctionnement, de se placer devant l'harmonium dont l'exécutant pourra à sa volonté et suivant ses caprices, tirer les jeux susceptibles de donner à l'œuvre qu'il interprète toute la virtuosité, tous les charmes et toute la puissance de sonorité d'une impeccable exécution orchestrale. C'est le derniercri du genre : Colonne ou Lamoureux chez soi !

Mais, pour Dieu, qu'on n'aille pas confondre l' Acolian avec ces atroces instruments à manivelle qui exécutent automatiquement une œuvre d'une uniformité dÁsespérante, sans charme et sans expression, et dont le rythme saccadé, brutal, sans moelleux, au lieu de faire apprécier les beautés du moreau interprété arrive à le rendre banal, irritant et incompréhensible.

Si comporte un système de mécanisme pneumatique, c'est précisément pour permettre aux plus profanes, en suivant sur le morceau qui se déroule quelques indications extrêmement simples et qui n'ont rien de technique, de pouvoir prétendre à une exécution parfaite, de diriger par un métronome placé à sa portée, son instrument à l'égal d'un chef d'orchestre et de trouver dans cette interprétation une source de plaisirs sans cesse renaissants et l'occasion d'une véritable initiation musicale, principal but poursuivi par ceux qui tentent aujourd'hui la vulgarisation de l'Æolian.

Comme nous le disait avec conviction M. Toledo, le directeur de la maison de l'Æolian :

« Cet instrument introduit dans la famille la connaissance des chefs-d'œuvre, il fait connaître toutes les beautés du monde harmonique, fait comprendre le génie des maîtres. Voilà pourquoi il est par excellence un instrument de culture et d'éducation musicales et, non seulement les profanes, mais les musiciens euxmêmes éprouvent toujours à l'entendre de véritables jouissances artistiques. De plus, les virtuoses exécutants peuvent jouer de l'Æolian comme de tout autre instrument - à clavier et trouvent en même temps intérêt à recourir à l'Æolian pour juger de certains effets de sonorité, comme le compositeur y trouvera, lui aussi, à tous les points de vue, un excellent auxiliaire. »

Nous bornerons là nos indications techniques tant nous serions aux regrets que nos lecteurs leur donnassent une fausse interprétation. Nous avons dit notre émerveillement de l'audition qui nous a été donnée par l'Æolian. On ne décrit pas de tels effets et la plume est impuissante à les rendre. Ce qu'il faut, c'est de se rendre compte de l'instrument, de visu et de auditu.

Allez au 32 de l'avenue de l'Opéra et, si en y entrant vous pouviez avoir quelque idée préconçue sur cet instrument, vos doutes seraient vite dissipés.

Type de l'Æolian orchestral,
Le Panthéon de l'industrie : journal hebdomadaire illustré, 04/12/1898
, p. 53 (gallica.bnf.fr)

Il faut voir et entendre, tout est là. M. Toledo s'est entouré de collaborateurs intelligents et artistes qui savent habilement mettre en lumière toutes les ressources de l'Æolian.

L'un d'eux a bien voulu exécuter devant nous une page superbe de musique sacrée et il est impossible à l'oreille la plus exercée de n'être pas convaincu que celui qui exécute est un virtuose de premier rang, doué d'un talent considérable, alors que, seul, l'instrument rend automatiquement et avec une précision merveilleuse de sons l'œuvre quelconque qu'on lui demande d'exécuter.

Cette magistrale invention s'applique aussi au piano et fonctionne dans les mêmes conditions qu'avec le concours de l'harmonium. Nous avons eu le plaisir d'entendre l'interprétation d'une aride étude de Moszkowski, et si nous avions assisté à cette audition en simple spectateur, sans voir l'instrument, l'illusion était telle que nous eussions été convaincus entendre frapper les notes du clavier par un Rubinstein, un Planté ou un Paderewski. Pour le piano, l'instrument prend le nom de Æriol. De plus, de façon à vulgariser et de mettre à la portée du plus grand nombre les avantages du principe de l'Æolian et de l'Æriol, l'inventeur a créé le Pianola qui a pour objet d'appliquer à un piano quelconque les mêmes ressources, la même vérité d'expression et d'effets.

La meilleure conclusion que nous puissions donner à cette étude, désireux de convaincre encore, c'est de prendre au hasard quelques noms de personnalités artistiques autorisées qui, toutes, se sont déclarées émerveillées à l'audition de l'Æolian.

Citons dans ce nombre : MM. Alex. Guilmant, notre célèbre organiste, Paderewski, Raoul Pugno, Jean de Reské, Léon Cavallo, le violoniste Ysaye, qui voit aussi dans l'Æolian un merveilleux instrument d'accompagnement; la toute charmante et très talentueuse Emma Calvé qui, dans son enthousiasme, écrit en dédicace sur sa photographie : Vive l'Æolian et mon ami M. Toledo !! de même pour Sarasate, et enfin Ed. Colonne, bon juge en la matière et qui prédit à l'Æolian un succès universel.

On sait avec quelle énergie le Panthéon de l'Industrie répudie tout ce qui, au cours des travaux qu'il consacre à l'art, aux inventions nouvelles, etc... serait susceptible de présenter un caractère de réclame. Nous sommes donc bien à l'aise aujourd'hui pour dire à nos aimables lecteurs, toujours à l'affût de ce qui se crée d'utile et de bon, qu'ils ne sauraient trouver un plus agréable et un plus charmant emploi de leur argent à l'occasion des étrennes du jour de l'an, qu'en offrant aux leurs un Æolian ou un Æriol.

Ça ne sera pas seulement un meuble décoratif, un instrument destiné a amuser dont ils feront présent, mais un élément de haute moralisation par l'initiation de ceux qui leur sont chers, à la musique et à toutes les sensations qu'elle procure..

En prédisant à l'Æolian le succès qu'il mérite à tous égards, nos compatriotes sauront gré à l'honorable M. Tolédo d'avoir choisi notre grand Paris pour les familiariser avec un instrument appelé à rendre de si puissants services à l'art musical dans tout ce qu'il comporte de beau et d'élevé." Le Panthéon de l'industrie : journal hebdomadaire illustré, 04/12/1898, p. 49-50 (gallica.bnf.fr)

1899

"L'AEOLIAN d'après les critiques de Ch. Widor et Arthur Pougin.

S’il est vrai que la fin du xix e siècle doive assister à la rénovation des styles, et nous le pensons puisque des premiers nous avons défendu la cause de l’Art nouveau, il semble bien que l’art expressif en musique soit entré ui aussi dans une nouvelle ère, grâce à la découverte du merveilleux instrument qui a nom Æolian.

Mais alors que le Modem Style n’a fait taire à la décoration que quelques pas mal assurés, PÆolian a été pour la musique le point de départ d’une mer veilleuse envolée.

Nous en voulons pour preuve l’accueil que nos lecteursont réservé à l’étude que nous consacrions à cet instrument dans notre numéro de juin. 11 nous plaît de constater combien le nombre est grand, et dans tous les mondes, de ceux qui portent un intérêt à la musique et à ses manifestations artistiques.

L'Aïolian me paraît destiné à révolutionner le monde de la musique. COLONNE (Ed.)

C’est pour répondre aux désirs que nous ont exprimé nombre de lecteurs que nous nous sommes entendu avec M. Toledo qui dès aujourd’hui s’offre à leur faire visiter ses magasins de l’avenue de l’Opéra 32 et à leur faire entendre d'Æolian.

C’est pour lépondre enfin à d’autres invites que nous continuons de publier une série de portraits d’artistes choisis parmi les plus célèbres et qui, comme nous, ont apporté à l'Æolian leur tribut d’éloges.

Le célèbre maitre Massenet, auteur de tant d’immortels chefs-d’œuvres, qui font de lui une des gloires de l’Art musical, dont nous publions un très intéressant autographe, les organistes Widor, Guilmant, Eddy ; les pianistes Raderewski, Pugno, M me Marx Goldschmidt, Moszkowski ; les chefs d’orchestre Colonne, Dambé et Motti ; les violonistes Sarasate, Isaye, Auer et tant d’autres sommités artistiques tels Bernard, Bordes, Mme Calvé, Carolus Duran, Delsart, Léoncavallo, Maurel, Plançon, Paccini, les frères de Reszké, etc., tous ont déclaré que l’Æolian est une vraie, une grande merveille musicale.

Le succès de l’Æolian a été si considérable que moins de dix mois après l’ouverture de leur succursale pour la vente de ces célèbres instruments américains, MM. Toledo et C ie ont dû agrandir leurs élégants magasins devenus trop étroits pour recevoir les admirateurs de l’Æolian dont le nombre s’accroît de jour en jour à mesure que transpire la notoriété qu’ont attaché à son nom, les maîtres de la musique contemporaine dont nous avons cité plus haut quelques noms.

MM. Toledo et Cie ont d’ailleurs transformés leurs magasins en véritables salons artistiques, on peut admirer à côté de l’Æolian les dernières nouveautés importées d’Amérique entre autres les orgues Vocalion à un, deux et trois claviers produisant la même sonorité que les grands orgues à tuyaux, l'Æolian Orchestrelle, le Pianola et les pianos américains à cinq pédales avec adaptation de Clavecin C’est enfin un superbe piano de luxe à queue de la célèbre fabrique Steinway de New-York, dont le prix de vente est de 20.000 francs.

11 nous faut dire que M. F. Toledo, le distingué directeur de la maison est un musicien accompli. M. Toledo a eu l’honneur de donner des auditions de l’Æolian à S. S. le Pape Léon XIII, à LL. MM. les reines d’Espagne et d’Italie et à plusieurs personnalités de l’aristocratie d’Europe et d’Amérique.

Dernièrement encore M. Toledo eut l’honneur d’accompagner l’incomparable violoniste Sarasate dans un concert devant la famille royale d’Espagne et S. M. la Reine lui offrit en souvenir de cette soirée une superbe épingle ornée de rubis et de diamant.

Et voici pour clore cet article quelques notes écrites par le maître Ch. M. Widor qui, mieux que nous ne saurions le faire, donneront aux amateurs une idée précise de la valeur artistique de l’Æolian.

Un m’adressait de New-York, il y a deux ans, le programme d’un concert donné dans la grande salle du Mendelssohn-Club, programme sur lequel figuraient les noms de Bach, Saint-Saëns, Verdi, Brahms, Max Bruch, Svendsen, etc..., et dont la seconde partie débutait par « la première audition en Amérique (Æolian Pipe Organ) » de ma Symphonie gothique.

Je pris tout d’abord le Pirée pour un homme et M. Æolian pour un grand virtuose. Comme il n’y avait pas encore deux mois que la Symphonie gothique était publiée, j’admirais la puissance de travail, l’intelligence d’un artiste capable de s'assimiler assez rapidement, pour la produire en public, une œuvre fort complexe et techniquement très difficile. Qui était, d’où venait ce M. Æolian dont personne jusqu’ici n’avait ouï parler ?

Quelques articles de journaux joints au programme et rendant compte de la soirée, expliquaient le mystère.

L'Æolian est un instrument, ou plus justement un « moyen » instrumental qu’on peut affectera un clavier quelconque, grand orgue, harmonium ou piano. C’est un procédé mécanique substitué au doigt de l’exécutant, un enregistreur, un cylindre non sans analogie avec celui du phonographe, par exemple, mais différant essentiellement des systèmes connus par ce fait que les nuances, les timbres, les variétés de rythme et d’accent, l’orchestration, le caractère même du morceau ne nous sont point imposés, mais restent subordonnés à notre fantaisie.

En actionnant un curseur au moyen de deux pédales semblables à celles de l’harmonium, vous entendez la Passacaglia ou la Toccata en ré mineur du grand Sébastien, sans que vos mains aient à effleurer le clavier; il suffit de les occuper à registrer le morceau, c’est-à-dire à tirer ou à repousser les « jeux » de l’instrument au fur et à mesure des nécessités de l’orchestration.

C’est ainsi qu’à une exécution mécanique impeccable, vous apportez votre contingent de sentiment et d’intelligence.

C’est ainsi que, dépourvu de toute virtuosité, incapable de jouer une sonatine de Clémenti, vous pourrez, avec toute liberté de mesure et de nuances, accompagner n’importe quoi à n’importe qui.

C’est ainsi que, désormais, le compositeur enregistrera, réglera, précisera sa pensée, l’inscrivant au plus juste sur un rouleau de papier facile à expédier par colis-postal aux antipodes, ouà conserver dans un tiroirde bibliothèque, avec garantie contre toute erreur, toute trahison de ses interprètes contemporains ou à venir.

L'Æolian est appelé à jouer un rôle considérable pour l’art musical. Francis Planté.

Les inventeurs de l'Æolian ont déjà transcrit le répertoire entier des chefs-d’œuvre de l’orchestre, de l’orgue et du piano; ils se tiennent au courant du mouvement musical du monde entier, up to date, comme disent les Américains. Leur « maison » est à New-York. Vous leur adressez une composition quelconque; en moins d’un mois, y compris l’aller et le retour, vous la recevrez traduite et prête à êire exécutée.

Dernièrement ils nous donnaient quelque idée de leur répertoire en nous faisant entendre successivement deux Rhapsodies de Liszt, la Sonate appassionata, le Rouet d'Omphale, la Danse macabre, puis ils accompagnaient à Delsart toute une série de pièces pour violon celle. Ils sont aux prises avec l’œuvre entière de Bach qu’ils auront bientôt terminée. Ainsi que pour le phonographe, chaque pièce vous est livrée sous forme d’un petit rouleau. Les rouleaux de l'Æolian sont en papier, vous n’avez qu’à les adapter au curseur et à vous conformer aux indications inscrites à mesure que le papier se développe sous vos yeux ; crescendo, décrescendo, retards, reprise exacte du mouvement, tout y est scrupuleusement noté.

Au siècle prochain, nous verrons certaines églises contaminées par les improvisations à perpétuité de leurs organistes, s’empresser d'adapter à leurs grandes orgues ie curseur Æolian, et de se constituer un répertoire de vraie musique religieuse. Et alors le public comparera l’homme et la machine, l’organiste et le curseur, et celui-ci stimulera peut-être celui-là; peut-être même le remplacera-t-il.

Comme toutes ces inventions vont servir nos neveux ! Quel intérêt pour nous, s’il nous était donné de consulter un phonographe du temps de Molière ou un Æolian contemporain de Bach ! que d’incertitudes, d’erreurs évitées si l'écho laintain de la Matthœus-Passion, par exemple, dirigée par l’auteur, pouvait nous parvenir encore !

Aussi devons-nous accueillir avec reconnaissance tout moyen, tout instrument qui nous permet désormais de spécifier et de préciser. N’est-il pas vraiment admirable de pouvoir inscrire l’interprétation d’une œuvre musicale avec une exactitude absolue, et de pouvoir compter que cette inscription restera comme un document inaltérable, un témoignage sûr, aujourd’hui rigoureusement vrai, qui ne changera pas demain, l'édition type, ne varietur in œternum.

L’Æolian, qui est d’une mobilisation plus facile qu’un orchestre, a déjà rendu des services signalés en Amériqne. Il a porté la bonne parole dans des régions ignorées jusqu’ici des tournées artistiques et a fait entrevoir aux populations loin taines des horizons du grand art. Ch.-M. Widor.

Quelqu’un a bien dit que la musique adoucissait les mœurs, mais ce n’était qu’un paradoxe, démenti à chaque instant par la réalité.

Un homme d’esprit, — mais d'esprit rosse, comme on dit au boulevard, — prétendit un jour que de tous les bruits, la musique est le plus coûteux... Et sa définition de cet ait délicat et si complexe s’arrêtait là, aux applaudissements des snobs en veine de paradoxe.

C’est que la musique est en effet d’un commerce singulière ment onéreux, non point certes que les instruments destinés à nous en procurer les charmes soient d’un abord ruineux, mais parce que la science de l’exécutant, le talent de l’artiste ne s’acquièrent qu’aux prix de longs efforts et de laborieuses études,— et ceci représente un sacrifice pécuniaire très considérable souvent. 11 en coûte donc de donnei du son, au sens de notre spirituel pessimiste, ennemi de la musique. Mais c’est un réquisitoire bien hâtivement et injustement dressé contre une des sources les plus artistiques des plus nobles jouissances de l’âme humaine. Et il serait arbitraire au premier chef de compter ainsi pour rien le bénéfice intellectuel et moral de la culture d’un art si universellement apprécié.

Or, voici que l’ingéniosité des chercheurs détruit, jusqu’aux apparences mêmes de la vérité, tout le prestige du paradoxe lancé avec tant d’esprit, La musique, le plus coûteux des bruits !

Allons donc, puisque nous en supprimons le côté ingrat, les études préalables, l’énervement des exercices, la monotomie des gammes, le douloureux enfantement des mélodies et de l’orchestration, et les sacrifices d’argent, et.., le reste. Plus rien de cette lente initiation si fatigante et si onéreuse ne résiste à l’invention d’un merveilleux instrument, lequel se substitue simplement à la technique et au talent du musicien, à telle enseigne que chacun désormais, sans nulle préparation artistique, peut aisément communier dans le génie des grands maîtres au contact de leurs chefs-d’œuvre profanes ou sacrés. Et quel instrument universel, celui qui nous donne tout à la fois l’illusion de la voix humaine, du violon, du piano, de l’orchestre et des harmonies les plus savantes et les plus compliquées !

J’ai entendu avec grand plaisir d'Æolian, qui donne la sensation d’une exécution parfaite et non mécanique. Carolus-Duran

Nous voulons parler d’un orgue nouveau, déjà célèbre dans le monde sous le vocable euphonique dont le baptisa son inventeur, — de l'Æolian. Il serait puéril de faire à l'Æolian, — puisque tel il se nomme, — une vaine réclame. Les plus grands artistes, compositeurs ou créateurs des chefs-d’œuvre du répertoire moderne, ont, en effet, proclamé ses vertus. Lisez les attestations qu'ils signèrent, et les pires ennemis des plus onéreux des bruits en demeureront confondus, car nous déchiffrons au bas des autographes précieux qui forment le livre d’or de l’Æolian les signatures de Ed. Colonne, Pablo Sarasate, Emma Calvé, Alexandre Guilmant, Nellie Melba, J.-D. Paderewski, Victor Maurel, Raoul Pugno, Emma Eames-Stoiy, Jean de Reszké, Liban Nordica, Edouard de Reszké, Berthe Marx Goldschmidt, R. Leoncavallo, Giacomo Puccini, E. Ysaïe, J. Albeniz, Pol Plançon, G. Sgambati, — tous les maîtres de la mélodie, de la composition et du chant, tous les organistes des grandes cathédrales du monde, toute l’élite de l’art musical. Et parmi les protecteurs de l’Æolian, qui l’adoptèrent dès sa naissance et le tinrent sur les fonds baptismaux de la renommée, citons encore S. S. le pape Léon XIII, le cardinal Satolli, la reine Victoire d'Angleterre, la reine régente Marie-Christine d’Espagne, le grand duc Alexandre Michaïlowitch de Russie, M me Lillian Nordica, le président du Mexique, le général Porfirio, Diaz, Thomas Alva Edison, Paderewski, M. Emilio de Ojeda,M. Enrique Dupuy de Lôme, Jean de Reszké, le célèbre ténor qui obtint de si grands succès en France, le général Callejà, le président de la Colomoie, Raphaël Nunez et bien d’autres personnalités marquantes dans le monde des arts, de la littérature, de la diplomatie, comme dans le monde religieux.

Ces parrainages illustres dispensent ce merveilleux instrument de toute publicité intéressée, car ils attestent irréfutablement, non seulement l’excellence des beaux instruments qui sortent de la maison Æolian, mais les progrès accomplis jusqu’à ce jour.

L’Æolian est, à la vérité, un orgue mécanique qui, à l’aide d’une feuille perforée et grâce au simple jeu des pédales, exécute les œuvres les plus diverses et les plus variées, depuis les mélodies légères jusqu’aux morceaux d’orchestre les plus difficiles, les plus fouillés, et Wagner lui-même trouve en son clavier un interprête fidèle et souple à souhait. Il n’est donc point indispensable de connaître la musique, voire une simple gamme, pour jouer ou faire jouer à cet instrument une œuvre quelconque.

Il faut certes collaborer au jeu de l’Æolian, mais combien cette collaboration devient aisée pour quiconque possède le goût musical ! Il suffit de faire mouvoir les pédales et, durant l’exécution, de régler à volonté le jeu des registres selon les indications fort simples qui, sur la feuille perforée, passent sous les yeux de l’exécutant amateur, pour obtenir une exécution par faite, de tous points irréprochable, avec une souplesse de tons absolument remarquable, depuis le pianissimo le plus doux au fortissi.no le plus expressif, au grave andanie et au brillant allegro... Et c’est là précisément qu’est le merveilleux, dans cette collaboration de la volonté humaine aux rouages de l’instrument, dans l’association du goût musical de l’exécutant avec la technique du mécanisme.

Ajoutons quel’Æolian n’est point nécessairement inféodé à la sujétion de ce mécanisme. On en peut jouer à l’ordinaire, sans le secours de la feuille perforée, son clavier vibrant sous les doigts du musicien. C’est tout à la fois un instrument ordinaire et un instrument mécanique. De plus, son organe automatique, avec la feuille perforée qui provoque le déclanchement des notes, s’adapte à n’importe quel piano sous les espèces de l’Æriol et du Pianola.

Tel est l’Æolian qui initie les famiiles au culte des chefs-d’œuvre du répertoire, qui introduit dans les foyers les saines et idéales voluptés de l’harmonie; qui procure aux profanes les hautes et nobles émotions de l’art le plus élevé, qui permet enfin à qui conque n’a point étudié la musique, de jouer les morceaux les plus difficiles sans hésitation et avec une perfection idéale d’exécution.

Il n’existe point sans doute d’agent plus puissant d’éducation artistique et capable de nous faire goûter de plus sublimes notions.

C’est la musique à domicile sans la préparation du Conservatoire, c’est l’art le plus exquis mis à la portée de tous, et c’est le triomphe éclatant du progrès qui démocratise ainsi les jouissances les plus aristocratiques de l’esprit en l’élevant jusqu’aux cimes de la pensée humaine.

Enfin, les exécutants peuvent en jouer comme de tout autre instrument à clavier, à cela près qu’il leur offre les ressources infinies de l’orchestre que le piano ne comporte pas.

La Compagnie Æolian a organisé à New-York, avec le concours de plusieurs virtuoses célèbres, entre autres M. Edouard de Reszké, Mme. Nordica, M. Revardi, etc., des concerts inaugurés et dirigés par M. Vicente Toledo, qui ont remporté auprès du public et des artistes un succès des plus vifs.

La maison Æolian, qui a déjà donné à Paris de brillantes auditions, prépare pour cette saison de sensationnelles auditions.

Aussi faut-il voir dans ce triomple une des plus belles manifestations artistiques de ce siècle. Les élégants salons de l’avenue de l’Opéra, 32, où M. Toledo installa l’Æolian et où s’organisent de très mondaines auditions, très recherchées de la société parisienne, sont en quelque sorte devenus l’antichambre de l’Olympe musical. Aussi sont-ils nombreux et empressés ceux qui ayant ouï parler de l’Æolian viennent y entendre, et que dis-je? applaudir cet admirable instrument. Arthur Pougin." La Revue artistique, littéraire et industrielle, 01/12/1899, p. 3-6 (gallica.bnf.fr)

Pour les références voyez
la page alphabétique T
(TOLEDO)


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