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Facteurs de pianos en France
PIANOS RECUPERÉS APRÈS 1918 DANS LES REGIONS LIBERÉES Instruments abandonnés par les propriétaires sinistrés. Et par les Allemands. par Jean-Marc STUSSI
Leur mise en vente aux enchères était nécessairement assortie d’exigences préalables, notamment celles de retrouver les propriétaires, de dresser des inventaires sommaires des objets et de les exposer dans des dépôts visitables. Leur vente aux enchères n’était autorisée qu’après épuisement des ressources d’identification.
Ces objets sont représentés par des meubles,
du matériel privé, artisanal ou agricole divers, des affaires de la
vie courante des anciens propriétaires, tous objets que les
propriétaires légitimes n’avaient pas récupéré, car ils n’étaient
pas revenus sur leurs lieux d’habitation sinistrés, ou ne
souhaitaient pas les récupérer car préférant toucher une indemnité
compensatrice. Le nombre d’objets laissés par les Allemands n’est
pas chiffrable. L’inventaire des pianos était bien dressé dans les départements du Pas-de-Calais (ca75 : Carvin), du Nord (>700 : Lille, Cambrai, Valenciennes, Avesnes, Douai, Denain, Bousbecque, St.-Amand, Lambersart, St.-André-lès-Lille, Ham), des Ardennes (ca : 120 : Vouziers, Nouzon, Rethel, Amagne, Avaux, Novy, Villers-devant-Le Thour, Tugny, Coucy, Vieux-les-Asfeld, Marcq, Savigny-sur-Aisne, Allandhuy, Bricourt, Les Alleux, Semuy), car presque tous les pianos y sont identifiés par leur nom de marque et par leur n° de série, exceptionnellement par leur état de conservation. On y trouve surtout des pianos droits, plus rarement des pianos à queue. On note également des harmoniums. Une seule table d’harmonie a été signalée. Ceci suggère que l’inventaire a peut-être été assisté par des facteurs de pianos. Dans d’autres départements - Meuse (ca50 : St.-Mihiel, Stenay, Laneuveville-sur-Meuse, Montmédy, Beauclair, La Croix-sur-Meuses, St .-Lauent, Lamouilly, Mangiennes, Troyon, Liouville), Meurthe-et-Moselle (ca. 35 : Giraumont, Bayonville, Longuyon, Joppécourt, Faulx, Herserange, Doncourt/Conflans, Fremonville, Gorcy-Cussigny, Mouitiers, Gondrecourt, Longlaville, Trieux, Pierrepont, Mouaville, Tellancourt, Harboucy, Rehon, Barbas, Mercy-le-Bas, Anoux, Ozerailles, Premin Higny), Marne (22 : Savigny, Rosny, Auve, Somme-Py, Florent, Reims, Somme-Suippes, Ludes, Coulommes, Sermiers, Bazancourt, Logery, Isle-sur-Suippes, Courtemont, Aux-Mesneux, Pontfaverger) - le nom de la marque et a fortiori le n° de série ne sont pas enregistrés, les instruments étant enregistrés sous le terme de générique de « piano » s.str. ou « Sans marque ».
Cette dernière mention indique qu’il ne s’agit pas
forcément d’instruments dépourvus de marque.
Parmi ces pianos, figurent des doublons déjà
antérieurement annoncés dans les divers départements. Après cet
inventaire parisien, certains instruments ont fait l’objet d’autres
annonces de rappel dans les départements d’origine.
Une dizaine d’harmoniums est enregistrée. Vu
la rareté des marques allemandes, on suppose qu’il y a peu
d’instruments apportés par les Allemands et que ceux-ci se sont
surtout servis sur place pour agrémenter les bases arrières de repos
des troupes.
Autre particularité, la marque
Mizon affiche un n° de série de 256974 (sauf erreur
d’enregistrement), ce qui paraît peu vraisemblable pour une marque
non connue, accréditant l’hypothèse d’un vendeur non fabricant. Il y
en a d’autres, moins évidents. Ceci est en particulier montré par l’absence d’instruments des fabricants de Nantes (Lété-Didion-Vuillemin) et du Mans (Guillouard-Dolmetsch), dont la production était essentiellement écoulée dans l’ouest et le proche sud-ouest.
Ces écarts notables entre importance d’une marque et leur implantation dans les régions sinistrées peut s’expliquer par l’emprise commerciale préférentielle des marques dans une région (cf. Staub). On peut aussi considérer que le Nord a une population importante et est une région industrielle et commerciale importante, entraînant subsidiairement une activité culturelle musicale plus importante que dans d’autres départements moins peuplés et surtout ruraux. Enfin, le grand nombre d’instruments récupérés dans ces trois départements s’explique aussi par la plus grande extension des zones de combat qui les a affectés, parmi lesquelles figurent de grandes agglomérations, que dans les autres départements (²). Aucun instrument ne semble avoir été recensé dans les Vosges pourtant traversée par une longue ligne de front.
Carte de la zone du front entre 1914 et 1918 (²).
Il est intéressant de relever que parmi marques recensées, toutes les marques importantes (>10 instruments répertoriés), sont françaises (³). Parmi les 327 marques de fabricants et/ou vendeurs moins importants (<10 instruments recensés), 54% sont françaises, 5,8% belges et seulement 1,2% allemandes et qui ont très bien pu avoir été importées avant les hostilités. Parmi les noms de marques recensées, 126, soit 38,5% ne sont pas connues où n’ont pas encore été identifiées comme des fabricants (ateliers ou petites manufactures). Sans doute s’agit-il le plus souvent de vendeurs ou marchands de musique ayant apposé leur raison sociale sur des instruments qu’il se sont procuré auprès de fabricants établis. D’après la consonance du nom des marques ainsi répertoriées, un grand nombre d’entre elles pourraient être françaises ou belges wallonnes, d’autres belges flamandes. Il n’a pas été répertorié de marque néerlandaise. Cette petite statistique approximative suggère néanmoins que la plupart des instruments étaient de fabrication française et avaient été achetés dans les régions sinistrées, ne provenant sans doute qu’exceptionnellement d’un apport par les troupes allemandes.
Celles-ci en ont peut-être déplacé quelques-uns,
mais pour l’essentiel ces pianos ont probablement été récupérés dans
les maisons sinistrées. Enfin, parmi les pianos recensés, il s’en
trouve dont les marques avaient déjà disparu avant 1880 (³), ce dont
on peut déduire qu’une partie du parc de pianos recensés était
relativement ancien. En 1920-1924, l’ancienneté d’un grand nombre d’instruments datant d’avant 1880, étaient sans doute plus ou moins détériorés lors de sinistres, nécessitant donc de sérieuses réparations ou n’étant que de faible qualité musicale. Leurs propriétaires préféraient sans doute toucher une indemnité pour l’investir dans de nouveaux instruments plus modernes et meilleurs ou dans d’autres objets.
RÉFÉRENCES
(¹) -
Bulletin des régions libérées, 1920-1924,
in Gallica, bnf.fr
MARQUES IMPORTANTES
MARQUES PEU REPRESENTÉES. FREQUENCE MARQUES < 10
Dates selon site de Lieve Verbeeck. Dates extêmes d'un fabricant, y compris avec les successeurs. Dates approximatives de fin d'exercice. En présence d'homonymes, dates non déterminables.
MARQUES PEU REPRESENTEES. TRI PAR PAYS
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