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HURON
à Blois (°1846)

1883

  EXPOSITION DE BLOIS

BLOIS - "LES PIANOS - BIEN des fois déjà, à l'occasion des excursions que nous avons faites dans les départements, nous avons été à même de constater que Paris, malgré la haute place qu'il occupe dans les arts industriels, n'est pas la seule ville qui ait imprimé à toutes nos branches de fabrication cette impulsion et cet essor dont nous aimons à suivre tous les développements dans nos annales.

Blois nous fournit aujourd'hui un nouvel exemple de cette décentralisation industrielle et artistique qui est le signe distinctif de notre civilisation et de notre caractère français.

Sans méconnaître le mérite de certaines de nos industries pari tenues, de la fabrication des pianos, par exemple, nous pouvons affirmer, d'après ce que nous venons de voir à l'Exposition de Blois, que les pianos de M. J. Huron ne le cèdent en rien aux meilleurs instruments de nos premiers facteurs de Paris.

Mais cette supériorité, nous ne tarderons pas à la faire comprendre en disant que M. J. Huron est un ancien élève d'Érard, ancien ouvrier et accordeur des maisons Debain, Gaveau, Ph. Herz, c'est-à-dire un spécialiste expérimenté dont toute l'éducation artistique et industrielle a été faite dans nos premières manufactures de France.

Située à Blois (13, rue Denis-Papin), la maison J. Huron, fondée en 1846, est une des manufactures de pianos les plus anciennes et les plus renommées de cette ville et de la région. Mais, avant de parler des spécimens exposés par cet établissement, jetons un coup d'œil rétrospectif sur les perfectionnements successifs de la fabrication.

Les premiers pianos, n'étant que des clavecins perfectionnés, avaient tout naturellement la forme extérieure du clavecin, c'est-à-dire qu'ils étaient des pianos à queue.

Plus tard, l'incommodité et la coupe disgracieuse de ces grandes machines leur fit préférer le piano droit, meuble aussi élégant qu'il est possible de le désirer.

Mais, pour obtenir cette forme agréable et ces dimensions restreintes, il avait fallu sacrifier la longueur des cordes et la grande sonorité qui en résultait.

Depuis, on s'est ingénié de mille manières à accroître la longueur des cordes sans modifier la forme ni augmenter les proportions du meuble.

De là l'origine des pianos à cordes croisées, demi-obliques, grand obliques, etc., qui représentent aujourd'hui le perfectionnement économique le plus intéressant au point de vue purement matériel.

Mais, à côté de cette amélioration qui a sans doute, sa valeur, les pianos présentées par M. Huron à l'Exposition de Blois nous apportent des éléments nouveaux d'appréciation sur les progrès accomplis sous le rapport de la sonorité.

Jusqu'à présent, les fabricants allemands étaient en quelque sorte les seuls qui aient pu obtenir, dans les notes du dessus, la grande sonorité qui faisait leur réfutation.

Ce résultat était dû aux dispositions spéciales de leurs cadres en fer qui permettaient de donner au piano un peu plus de tirage, aux cordes une plus grande longueur, et par conséquent à l'instrument une ampleur de son plus considérable, surtout dans les soprani, dont la vibration était chez nous si sèche et si défectueuse.

Dans ces mêmes pianos, il y a lieu de remarquer, en outre, que la table d'harmonie, qui est l'âme de l'instrument, vibre également dans toutes ses parties, parce qu'elle est indépendante du cadre. De plus, n'étant pas fatiguée par la tension des cordes, la table d'harmonie ne risque pas de se briser sous cet effort, comme il arrive indistinctement à tous les pianos à barrage de bois.

De l'ensemble de cet arrangement ingénieux résulte nécessairement une sonorité merveilleuse. Enfin, grâce à la présence du cadre de fer, un piano peut supporter un tirage de 10.000 kilogrammes alors qu'avec les anciennes tables il n'en pouvait supporter plus de 6.000 à 7.000.

C'est précisément par l'adjonction de ces divers perfectionnements que se distinguent les pianos de M. J. Huron qui, en appliquant à ses instruments la méthode de construction que nous venons de décrire, est arrivé à leur donner les belles qualités sonores des pianos allemands, et à enlever ainsi à nos concurrents d'outre-Rhin un monopole des plus préjudiciables à notre production française.

A cette amélioration, dont tout l'honneur revient à l'initiative de M. J. Huron, si l'on ajoute les avantages déjà bien connus des pianos français, si justement renommés pour les qualités sonores des basses et des notes du medium, on s'explique la supériorité des instruments de cette maison qui ne laissent plus rien à désirer sous le rapport de la sonorité désormais assurée dans toute l'étendue de la table d'harmonie, c'est-à-dire dans les soprani aussi bien que dans le medium et dans les basses.

Ajoutons que la forme de la mécanique, dans les pianos de cette maison, donne à la répétition des notes, quelque rapide qu'elle soit, une netteté et une sonorité parfaites.

M. J. Huron expose les cinq modèles suivants :

N° 1, à cordes verticales; n° 1 bis, cadre en fer;
n° 3, demi-oblique; n° 3, grand oblique; n° 4, à cordes croisées.

Ce dernier type, à cordes croisées, peut rivaliser, comme puissance et comme intensité de son, avec les meilleurs pianos à queue petit modèle.

Ces pianos sont joués, tous les jours, à l'Exposition, par des artistes distingués professant dans la ville de Blois ; le public est ainsi mis à même d'apprécier leur sonorité et tous les avantages de leur construction spéciale, telle que nous venons de la décrire.

La maison, fondée en 1846 par M. Huron père, est aujourd'hui dirigée par M. J. Huron fils, ancien élève d'Erard, dont l'expérience et la compétence éclairée s ont les meilleures garanties de la bonne exécution des excellents instruments qu'il fabrique.

Il avait d'ailleurs exposé, en 1875, également à Blois, un piano fabriqué par lui de toutes pièces, véritable merveille de mécanique instrumentale, qui lui a valu, à cette époque, une première médaille d'or.

Il n'a cessé depuis lors d'améliorer et de perfectionner sa fabrication, et son établissement est aujourd'hui l'un de ceux qui font honneur à son industrie. - DELPONT." Le Panthéon de l'industrie : journal hebdomadaire illustré, 24/06/1883, p. 187 (gallica.bnf.fr)

Pour les références voyez
Pianos français 1840 - 1849


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