ORGUES
ET HARMONIUMS EN BELGIQUE
"Si
nos ancètres pouvaient renaître et juger notre société moderne, il est un
point sur lequel leur étonnement ne tarirait pas. C'est la passion de la
musique qui s'est emparée de nous.
Jadis les joueurs de flûte, de lyre ou de harpe, les ménétriers et autres
bohèmes, moitié musiciens, moitié poètes, étaient rares et parcouraient le
pays en visitant châteaux, villes et villages, comme les artistes feraient
de nos jours.
Et maintenant il n'est pas un château, pas une maison bourgeoise, et dans
certains pays (en Allemagne, par exemple), pas une ferme d'où l'on n'entende
sortir les plaintes du violon ou les accords et les roulades du piano.
Le piano, surtout, cet orchestre en miniature, est devenu le complément
obligé de toute éducation complète. Il a sa place dans tous les ménages un
peu aisés et ses virtuoses brillent parmi les étoiles, dans le ciel des
fêtes et des réunions élégantes.
Il semblait qu'on ne pût pas aller plus loin. Le roi des instruments, le
grand orgue siégeait, majestueux, dans les églises, où la foule des fidèles
se précipitait pour l'entendre.
Et cependant la fureur musicale a fait plus encore. Il a fallu que l'orgue
lui-même pénétrât dans les familles, dans notre vie de tous les jours, et
prit place à côté du piano lui-même. S'il ne l'a pas encore détrôné, il ne
s'en faut peut-être pas de beaucoup.
Déjà, dans le voyage que nous faisons en Belgique, à l'Exposition nationale,
nous avons remarqué une vaste manufacture d'orgues et d'harmoniums qui
contribue à répandre ces instruments d'une manière considérable.
Nous voulons parler de la fameuse maison De Volder, la plus ancienne de la
Belgique dans ce genre d'industrie, et celle qui, avec une autre constituée
en société, mais beaucoup plus récente, se partage le privilège du goût et
le chiffre des affaires.
La famille de Volder forme une véritable dynastie de facteurs d'orgues, dont
l'aïeul Pierre-Jean de Volder s'établit à Gand en 179i. Deux ans après il
inventait l'orgue expressif, c'est-à-dire à crescendo et decrescendo, pour
lequel il obtenait une récompense importante.
En 1831, il vint se fixer à Bruxelles où il mouruten 1841 après avoir
produit quelques chefs d'oeuvre, parmi lesquels nous citerons l'orgue de
Saint-Michel, de Gand, et celui de Saint-Waudru, à Mons.
Son fils, Henri de Volder, père des propriétaires actuels, succéda à
l'établissement paternel et produisit, entre autres orgues, celles de
Theuillies, de Saint-Louis en Amérique, de Namèche, de
Carlsbourg-Luxembourg, de Sainte-Marie à Bruxelles, de l'Institut des frères
à Gand, etc. ; on ne compte pas moins de 59 orgues qu'il construisit pendant
sa vie.
Aujourd'hui enfin, ce sont ses deux fils, MM. Charles et Léon de Volder, qui
dirigent, depuis 1865, l'important établissement de la rue Terarken, 9.
Ce qui fait leur force et constitue la supériorité de leurs travaux, c'est
précisément la coopération des anciens ouvriers de leur père, qui ont
conservé et pratiquent avec succès toutes les traditions du métier.
Cependant, tout en suivant les traces paternelles.
MM. Charles et Léon de Volder n'ont cessé de se tenir à la hauteur du
progrès et des perfectionnements modernes; mais ils s'attachent surtout à ne
produire que des instruments solides et confection-
nés avec soin.
A cet effet, rejetant les bois ordinaires que des maisons plus pressées de
gagner de l'argent que de bien faire ne craignent pas d'employer, ils ne se
servent que de bois de réserve, bien séchés par le temps et qui ne risquent
plus de travailler.
Depuis quatre ans, ces messieurs ont joint à leur fabrique de grandes ou
moyennes orgues, la fabrique des harmoniums, et ils vont prendre des brevets
pour des perfectionnements de la plus grande importance apportés dans la
fabrication de ces instruments.
C'est ainsi que nous avons vu un harmonium de leur fabrication qui, en
apparence, ne diffère en rien des autres et auquel MM. de Volder frères sont
parvenus à donner les sons larges et sonores de l'orgue et cette ampleur
majestueuse du roi des instruments qui produit tant d'effet sur les foules.
Cet instrument est précieux surtout pour les petites églises, les chapelles,
les écoles, les particuliers, qui, ne pouvant faire la dépense de 2.000 fr.
pour un orgue ordinaire, trouveront néanmoins un équivalent pour la somme de
500 'ou 800 francs.
En outre, cette fabrique fournit des harmoniums à bien meilleur marché
encore, et depuis 80 francs, dont la fabrication est tout aussi soignée et
ne laisse rien à désirer au point de vue de la beauté et de l'ampleur des
sons, ainsi qu'à celui de la durée.
Telle est l'importante fabrication de cette maison illustre qui tient depuis
si longtemps et si haut, en Belgique, le sceptre de cette magnifique
industrie. THORILLER."
Le Panthéon de l'industrie : journal hebdomadaire
illustré, 1880, p. 252 (gallica.bnf.fr)
Pour les références voyez
la page alphabétique D
en in het Nederlands
Belgische pianobouwers D
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