François Joseph était le second d’une famille de douze enfants dont plusieurs sont décédés en bas âge. Certainement doué pour la musique, il fera une carrière musicale  à Nantes. Selon (²), il a passé par le conservatoire de Paris où, dès 1813, donc à 10 ans, il reçoit un prix d’encouragement en solfège et en 1823 le premier prix de piano (³).

Il est donc arrivé à Paris avant l’âge de 10 ans, ce qui ne fait que confirmer ses talents précoces et indiquant que la famille BRESSLER d’Ammerschwihr avait des contacts parisiens. Toujours est-il qu’en 1828, donc à 25 ans, il réside à Paris chez Louis BRESSLER, Facteur de pianos, marchand de musique et éditeur, au 24 rue de la Paix et qui est le même personnage que François Joseph (²)(³)(⁴) et s’avère être l’oncle de François Joseph le pianiste désigné le « neveu » par J.J. Bona (⁵).

Il est déclaré professeur de pianos à partir 1829. Sa qualité de harpiste est certainement due à l’influence du facteur de pianos et de harpes Antoine Jean Louis LOUIS que Louis BRESSLER a sans doute formé et avec lequel il a ensuite travaillé (Antoine était le fils de l’épouse Marie Charlotte Desfonts de Louis BRESSLER). Le 25 février 1830, François Joseph (neveu) épouse à Paris Constance Desmoulins (1805 La Ferté-Milon – 1879 Nantes) dont il aura trois enfants.

L’aîné, Napoléon Edouard, y naîtra le 20 août 1832 à Batignolles (⁴). Il deviendra facteur de pianos et marchand de musique. Le second, Jacques, naîtra en 1834 à Nantes mais est décédé dès 1849. Le troisième est mort-né le 25/7/1838, la déclaration ayant été co-signée par D. Lété, luthier, facteur de pianos et marchand de musique 15 rue Crébillon (₆). La naissance des deux enfants situe l’arrivée de François Joseph à Nantes entre 1832 et 1834.

Il y développera une brillante carrière d’artiste musicien comme professeur de piano et concertiste, puis fondateur en 1842 du conservatoire de musique  de Nantes devenu succursale de celui de Paris en 1844 (des diplômés de ce conservatoire seront sollicités comme enseignants à Nantes), et enfin marchand de musique à partir de 1842. 

On ne sait pourquoi Fr. J. BRESSLER de Paris a adopté le prénom de Louis, peut-être par égard pour Antoine Jean Louis LOUIS, facteur de pianos et de harpes à Paris qui a pu travailler ou lui être associé, ou pour se différencier de son neveu au même prénom de naissance François Joseph. Autre hypothèse à vérifier, le prénom « Louis » serait-il la modification (erreur de transcription par les annuaires dans lesquels il est mentionné?) du patronyme « LOUIS » de son beau-fils, Antoine Jean Louis LOUIS, facteur de pianos et de harpes en 1830 et demeurant 24 rue de la Paix, adresse de l’affaire de Louis BRESSLER ?

Cette hypothèse se conforterait par des mentions fiscale et électorale dont fait l’objet François Joseph BRESSLER en 1828 et 1836 : "BRESSLER François Joseph, Facteur d'instruments Dt rue de la Paix, n° 24. Cité en 1828, sur la liste des électeurs (à titre professionnel) du collège d'arrondissement électoral du VIIIe arrondissement (ancien)” car assujetti à un impôt de 522 francs. En 1836, une autre mention concerne la suppression de la liste électorale suite à son déménagement dans un autre arrondissemnt (²). 

On  peut supposer que l’attrait pour la facture d’instruments de Louis (François Joseph oncle) a été, à l’origine, le voisinage avec les facteurs d’orgues Bergaentzle et Rinckenbach d’Ammerschwihr, qui ont été actifs entre 1750 et 1819 pour les premiers et entre 1820 et 1949 pour les seconds. Les deux familles étaient été liées par Valentin Rinckenbach (1795-1862), petit-fils de Martin Bergaentzle issu du couple Jean Rinckenbach (1746-1826, forgeron) et Catherine Bergaentzel fille de Martin Bergaentzle.

Les alea dus à la Révolution ont peut-être amené François Joseph (oncle), comme de nombreux autres facteurs d’orgues, vers la facture d’instruments plus rentable (lutherie, clavecins, forte-piano fort en vogue à l’époque). La capitale était de ce point de vue une plateforme de travail prometteuse. François Joseph (oncle) avait épousé le 12 brumaire An IV (3/11/1796) à Paris, Marie Charlotte Defon, mère d’Antoine Jean Louis LOUIS (1789-1860) devenu fabricant de harpes et de pianos puis vernisseur (1860). Cet événement situe l’arrivée à Paris de Louis BRESSLER bien avant cette date.  

Selon L. Verbeeck (²), l’affaire de Louis BRESSLER est mentionnée dès 1798 à Paris. Elle aurait fermé en 1834 ou 1836, dernières mentions dans les annuaires. Elle avait plusieurs adresses avant de s’établir au 24 rue de la Paix en 1817. Ces années de fermeture coïncident approximativement avec l’arrivée de François Joseph (neveu) à Nantes entre 1832 et 1834. 

En 1834, année de naissance de son second fils, François Joseph (neveu) est à Nantes comme professeur de piano. En 1842, il y crée le Conservatoire de Musique devenu succursale de celui de Paris en 1844 et inauguré le 10 décembre 1845. Il en a été le Directeur jusqu’en 1884 et a été promu officier de l’Instruction  publique. En 1842, il a créé un magasin de musique au 15 place de la Monnaie où il disposait également de salons dans lesquels il organisait des concerts de musique de chambre. Sa proximité antérieure avec l’affaire de son oncle à Paris lui aura certes incité et aidé à la création de sa propre affaire. Pendant quelques temps il a été en relation avec Dominique Lété, luthier puis fabricant et marchand de pianos et de musique à Nantes au 15 rue Crébillon où il y disposait également de salons pour des concerts. 

Libaudière (1900) (₇) mentionne l’installation, comme fabricants et marchands de pianos, de Sicard en 1837 et de BRESSLER en 1842 : « BRESSLER ouvre un magasin de pianos, maison Verger, place de la Monnaie avec grand salon pour les concerts comme chez les premiers facteurs de la capitale ». Le prénom n’est pas spécifié, mais il ne peut s’agir que de François Joseph (neveu). L’inauguration de ce salon a eu lieu le 19 mars 1842.

Joseph BRESSLER, fondateur du Conservatoire de Nantes, était professeur de piano et organisait des concerts en ses salons. Il y participait personnellement comme soliste et accompagnateur. Il n’est pas certain que François Joseph (neveu) ait ouvert un atelier de fabrication de pianos. La plaque d’adresse mentionnant « Grand Magasin de Pianos à Nantes » laisse supposer qu’il s’en procurait surtout chez d’autres fabricants dont certainement Lété et des fabricants parisiens en y apposant sa propre plaque, procédé utilisé par divers facteurs de pianos. En novembre 1843, il a commandé 12 pianos à Erard.

La famille BRESSLER-Desmoulins a eu plusieurs domiciles : Impasse de la Rosière (6°) en 1838 ; Place de la Monnaie (avec magasin) en 1847 ; Quai de la Fosse (6°) en 1878 ; Place Brancas en 1881 ; rue Gorge en 1889 (décès).  François Joseph BRESSLER est décédé le 26 janvier 1889 en son domicile 7 rue Gorge, mais non inhumé à Nantes. Son épouse était décédée le 19 décembre 1879 (₆).

Les premiers instruments connus de N. F. BRESSLER, dont la plaque d’adresse était « BRESSLER Fils », patronyme retenu par Bona (⁵), sont antérieurs à 1855 (clavier au do-sol, une seule pédale, double piètement en spirales, moulurations guillochées), ce qui indique qu’il a ouvert son atelier avant ses 25 ans. La qualité de sa production, à forte influence parisienne d’après les commentateurs, a été récompensée lors des expositions de Le Mans (1857), Angers et Toulouse (1858), Nantes (1861), Paris (1867) (⁸). A ce titre, il est devenu évidemment un concurrent de Lété puis de Didion, ainsi que de Roux. La production globale n’est pas connue. Les pianos sortis des ateliers de BRESSLER Fils paraissent, dès les débuts, de très belle facture. Pour ces premiers instruments procédait-il de la même façon que son père par acquisition chez d’autres fabricants, parisiens surtout spécialisés dans la fourniture des éléments principaux dont les caisses, comme le laissent supposer les mentions des jurys à l’exposition de Nantes de 1858 (⁸).

Son épouse Léontine Pouzin est décédée avant 1896, lui-même étant décédé le 3/11/1896 à Nantes en son domicile rue des Vieilles Douves (3° canton). La déclaration a été faite par son beau-frère Jean Bust ou Rust et Emile Cavé son commis. La manufacture et le magasin 7 rue Gorge n’ont pas eu de successeur. La possible reprise de la production de pianos aurait sans doute été fortement concurrencée par celle de Vuillemin-Didion. 

  LE CERCLE BRESSLER PARISIEN

La famille du couple Jean Martin BRESSLER – Agathe Schwindenhammer est à l’origine d’une dynastie de musiciens, d’artistes (dessin, peinture, sculpture) et fabricants d’instruments ayant opéré à et depuis Paris. Louis (François Joseph oncle) BRESSLER est le premier de cette famille à avoir quitté l’Alsace pour Paris avant 1798. Il a accueilli son neveu François Joseph rejoint ultérieurement par Jean-Jacques BRESSLER, né le 11 décembre 1813 à Ammerschwihr, frère cadet de ce dernier. François Jospeh (neveu) fera carrière à Nantes.

Jean Jacques BRESSLER épousera Françoise Sophie Céline BAILLY (1821-1882 Paris) dont est issue une petite-fille renommée, Isabelle BRESSLER, quelquefois nommée « Isabel  de BRESSLER », née en 1876 à Lima (Pérou), fille de Henri Jean Jacques BRESSLER (1849-1926 ; artiste-dessinateur ; ingénieur : serait-ce lui qui avait émis, en 1918, le projet train reliant Londres au Cap via un tunnel sous Gibraltar, ainsi qu’un projet de train transandin ? (¹¹), et Isabel Guzman (l’orthographe du prénom présume qu’elle est péruvienne).

Elle deviendra harpiste, premier prix du conservatoire de Paris en 1901, concertiste et professeur de harpe au conservatoire de Nancy peu après. Elle n’est donc pas la fille ou petite-fille du directeur du conservatoire de Nantes comme une assertion a pu être faite dans une presse parisienne de l’époque (¹²). Un autre petit-fils du couple BRESSLER-BAILLY, Joseph Jean Jacques BRESSLER, fils de Eugène François Joseph BRESSLER (1844 Paris - 1900 Paris) sculpteur et graveur (14) et Joséphine Meyer (1848-), épousera Clotilde GIANOLI (1872 Genève - 1912), suissesse, professeur au conservatoire de Lausanne, connue sous le patronyme BRESSLER-GIANOLI, cantatrice lyrique qui a eu beaucoup de succès en Suisse et en France.

La lignée BRESSLER à laquelle appartenait Jean Martin (souvent prénommé seulement Martin) a été, avec celles des Schwindenhammer (famille de son épouse), Bergaentzle et Rinckenbach, très active sur Ammerschwihr par son appartenance à une confrérie Saint-Etienne (Herrenstubengesellschaft devenue en 1781 Ehren Bruderschaft des Heiligen Stephani) (₁₃). Celle-ci réunissait l’élite des notables de la commune, ce qui indique une culture générale élevée parmi ses membres et peut expliquer les carrières de certains des enfants de Jean Martin BRESSLER. Elle a cessé son activité entre 1845 et 1947.

Avec les dynasties des facteurs d’orgues Bergaentzle – Rinckenbach et des artistes BRESSLER, Ammerschwihr a donc été le berceau de célèbres  personnages qui ont occupé une place notable dans le pays.  

RÉFÉRENCES

(₁) - Archives départementales du Haut-Rhin, Etat civil numérisé.
(₂) - Verbeeck L. Les Pianos Français in lieveverbeek.eu.
(₃) - Constant P. (1900). Le conservatoire national de musique et de déclamation : documents historiques et administratifs recueillis ou reconstitués. in Gallica.bnf.fr. 
(₄) - Etat civil numérisé reconstitué de Paris.
(₅) - Bona J.J., 2023, communication personnelle et luthiervents
(₆) - Etat civil numérisé Nantes Archives départementales Loire Atlantique.
(₇) - Libaudière E. (1990). - Histoire de Nantes sous le règne de Louis-Philippe, 1830-1848. in Gallica.bnf.fr. 
(₈) - De Courmaceul (1861). Exposition nationale de Nantes. - Chevreau L. (1857). Le Mans Exposition régionale 1857 : rapports du jury d’examen. – Douladoure Frs (Imp) (1859). Exposition des Beaux-Arts et de l’Industrie année 1858. – Dentu E. (Ed.) Exposition universelle Paris 1867, Catalogue officiel des exposants récompensés par le jury international. - in Gallica.bnf.fr. 
(₉) - Annuaire spécial des Artistes musiciens, 1863/(A1) p.189. in Gallica.bnf.fr.
(₁₀) - Répertoire général de bio-bibliographie bretonne. Livre premier, Les bretons. 6,BOURG-BROU / par René Kerviler,... ; [continué par l'abbé Chauffier]. in Gallica.bnf.fr
(₁₁) - L’Exelsior Paris, 1.7.1918. in Gallica.bnf.fr
(₁₂) - L’Evènement 25/7/1891 (Paris). in Gallica.bnf.fr
(₁₃) - Lichtle F. La Herrenstubengesselschat d’Ammerschwihr de 1668 à 1875.

ESQUISSE GENEALOGIQUE DE LA FAMILLE BRESSLER

Fabricants de pianos à Nantes 1842-1896

Etat 6.3.2023