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CORBEEL J.
à Paris (°1828)

1886

 UNE MANUFACTURE DE CLAVIERS À ARGENTEUIL

"PERSONNE, pensons-nous, ne sera tenté de s'étonner qu'il existe aux portes de Paris une grande maison spéciale pour l'exécution des touches de claviers d'orgues et de pianos, et quand nous ajouterons que la même maison possède, pour ce travail, une puissante machine à vapeur, on ne pourra guère manquer de trouver tout cela parfaitement naturel. Ce que l'on comprendrait beaucoup moins, ce serait que les grands manufacturiers, qui produisent ces pianos et ces orgues dont la réputation est si grande dans le monde entier, pussent charger volontairement leur industrie si complexe et si délicate d'une branche très spéciale et très difficile, qui exige l'emploi d'un matériel puissant et de matiè res premières très variées.

S'il est avéré, en effet, que l'ébénisterie et la tabletterie artistiques imposent de grandes précautions dans le choix des matières premières, des précautions plus grandes encore dans le traitement des mêmes matières avant leur emploi, des soins extrêmement scrupuleux dans leur mise en œuvre, le tout pour réaliser une parfaite précision d'assemblage qui ne puisse être compromise plus tard par les agents atmosphériques, il faut reconnaïtre que toutes ces conditions sont bien plus essentielles dans l'exécution des claviers d'instruments, où la précision, entièrement indispensable au fonctionnement, est d'autant plus difficile à obtenir qu'elle doit se concilier avec une parfaite mobilité.

Consacrer une grande maison spéciale, comme celle-ci àl'exécution des claviers, c'est donc le plus sûr ou, pour mieux dire, l'unique procédé qui puisse, en condensant les moyens d'action et centralisant les recherches. et les efforts, assurer à l'exécution cet ensemble de conditions si difficiles et que nous avons déclaré si nécesaires.

D'autre part il ne saurait être douteux pour personne que le choix d'Argenteuil, pour l'installation d'une pareille industrie, avec les facilités de transports que donne la proximité de la Seine et du chemin de fer, est aussi heureux que possible, car en laissant au chef d'une telle maison une latitude suffisante pour l'installation de ses ateliers et l'aménagement de ses magasins, il met en même temps ses produits à la portée directe de ses clients naturels, les facteurs parisiens.

La maison J. Corbeel (Corbeel-Schwander), dont la création répondait ainsi à un véritable besoin, a été créée en 1828, 12, rue de la Goutte-d'Or, à Paris, et transférée l'année dernière à Argenteuil (2 bis, quai de la Seine).

Elle est placée depuis vingt ans, sous la direction de son chef actuel, qui a donné à ses travaux une très vive impulsion, et a obtenu, dans toutes les grandes expositions, des récompenses de premier ordre.

Ses spécialités, successivement accrues de spécialités nouvelles amenées, pour ainsi dire, par la force de la logique qui tend à grouper dans les mêmes mains les opérations similaires, comprennent aujourd'hui, en dehors des travaux primitifs de la maison : claviers pour pianos, pour orgues, pour harmoniums, claviers muets pour exercices de doigté, etc., etc., les cordes, marteaux, mécaniques et fournitures générales pour les instruments à clavier, le sciage à façon des bois pour facture de pianos, etc.

Aux nombreux brevets que possédait déjà sa maison, M. Corbeel vient d'en ajouter deux autres pour une ingénieuse disposition des claviers qui donne au toucher de grandes facilités.

Quant aux matières premières qu'elle travaille et met en œuvre, nous avons dit avec quel soin et quelle précision, elles sont vraiment trop nombreuses pour que nous puissions entreprendre de les énumérer ici.

Tout le monde sait, en effet, qu'en dehors des bois riches, et plus particulièrement des bois durs, comme le chêne, la fabrication des touches entraîne l'emploi de l'ivoire, de l'os, de l'écaillé, de la nacre, etc., etc., de presque toutes les matières en usage dans la tabletterie.

Le celluloïd qui, dans toute cette série de matières premières, est le seul corps artificiel, et possède des qualités si remarquables de résistance et de légèreté, a été particulièrement employé par la maison Corbeel, qui en eut d'abord le monopole exclusif, et la première , employa ce celluloïd veiné dont on a tiré de si beaux effets.

Voilà donc de quelle intelligente façon M. J. Corbeel s'est fait le collaborateur obligé de la manufacture d'orgues et de pianos, c'est-à-dire d'une des industries artistiques qui font le plus d'honneur à Paris et contribuent le plus à soutenir, dans toutes les parties du monde, la réputation acquise depuis des siècles aux arts industriels de notre pays. - LETOUZÉ." Le Panthéon de l'industrie : journal hebdomadaire illustré, 1886, p. 52-53 (gallica.bnf.fr)

Pour les références voyez
la page alphabétique C


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